Ecoutes le temps qui passe ✿ Anthony

Ecoutes le temps qui passé

« Les oiseaux chantent après la tempête. Pourquoi les gens ne seraient-ils pas eux aussi libres de se délecter des jours ensoleillés qui leur reste à vivre » ► Rose Kennedy

La rue est pleine de monde, vous entendez les talons des femmes qui claquent les pavés de la pace ? Vous entendez les hommes qui bousculent les passants pour arriver à l’heure à leur travail ? Vous entendez les enfants qui hurlent en courant sur les trottoirs, profitant de leurs derniers jours de vacances. A présent fermez les yeux, n’entendez-vous pas des roues qui tournent, le petit bruit d’une sonnette prévenant les passants de son arrivée. Ouvrez les yeux. Vous croisez son regard clair et perçant, brillant de joie ; vous voyez ensuite son sourire radieux, illuminant son visage et ceux des spectateurs. Je vous la présente, Saskia Adeïev.

Elle venait d’entamer une nouvelle journée dans son nouveau pays, et elle était décidée à en savoir plus sur les alentours. Notamment sur la ville à côté de l’université. Courageuse, elle s’était levée tôt et avait acheté une vieille bicyclette. Vous savez, le genre d’antiquité qu’on ne trouve quand la grange de nos arrières grands-parents. C’est le genre d’objet que Saskia affectionne sentimentalement. Elle lui avait redonné un petit coup de jeune en la nettoyant mais elle gardait ce côté rouillé, qui montre le temps qu'elle a surmonté, les époques qu'elle a parcouru, le voyage qu'elle a fait. A présent elle goûtait à sa récompense. Elle avait attaché ses cheveux en un chignon qui tenait à peine. Dans le vent, certaines mèches rebelles flottaient dans les airs comme pour s’évader. Mais à ce moment, c’était l’esprit de Saskia qui s’évadait pour d’autres mondes. Elle pédalait doucement, profitant de chaque secondes. Elle laissait le vent l’emporter parmi les paysages. Elle sourit bêtement.

Elle traversait les rues remplient de monde, de personnes qui la regardaient de travers. Certaines lui souriait en passant, d’autres manquaient de passer sous ses roues. Elle riait aux éclats lorsqu’elle déviait des obstacles qu’elle ne voyait pas, car trop concentrée sur le ciel bleu. Elle entendait les hommes l’insulter, lui montrer les poings. Et qu’allaient-ils faire ? Elle avait autre chose à faire que de les écouter. Elle s’excusait vaguement d’un hochement de tête et passait son chemin. Pourquoi fallait-il toujours râler ? Même elle se surprenait à se plaindre pour des trucs ridicules. La fatigue ? C’est sûr, c’est plus facile de mettre ça sur le compte de l’épuisement. Elle voulut quitter la ville, il y avait beaucoup trop de monde à cette heure-là et elle n’avançait à rien.

Pédalant toujours, elle arriva bientôt devant une immense plage qui s’étendait à perte de vue. Elle s’y arrêta, posant ses pieds sur le sol. Le vent y était encore plus fort, et le froid d’autant plus puissant. Elle frissonna et resserra son foulard plus autour de son cou. Bien que le temps essayait de l’en dissuader, elle descendit de sa bicyclette, qu’elle avança un peu sur le sable et abandonna comme une épave. Elle se dirigea vers l’océan furieux, des vagues gigantesques venaient s’échouer, et elles paraissaient vouloir à tout prix écraser la jeune fille qui s’était introduit chez elle. Par deux fois, Saskia eut peur de se faire engloutir tant les vagues étaient immenses. Elle reculait face au danger. Comment ferait-elle, toute seule dans cet inconnu, pour se protéger ? Elle ne connaissait encore et personne, et s’il lui arrivait quelque chose, elle serait incapable de se défendre. A cette révélation, elle regarda le sol, elle enleva ses chaussures qu’elle balança plus loin et enfonça ses doigts de pieds dans le sable presque tiède. Depuis qu’elle était arrivée ici, elle n’arrêtait pas de se poser ce genre de question qui, après, lui trottait dans la tête pour ne plus en sortir. Doucement elle releva les yeux vers l’étendue bleutée, regarda la mer avec défis et se mise en position de combat. Elle n’avait bien sûr aucunes expériences dans ce domaine, et c’est avec un certain amusement qu’elle donna quelques coups de poings dans le vide :

« Viens te battre ! »

Anthony Domenichi & Saskia Adeïev

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La nuit ne s'était pas encore retirée, lorsque que le sommeil avait quitté Anthony. Toujours ces mêmes insomnies. Le blond se retourna sur son clic-clac et fixa l'au dehors à travers la fenêtre. Du blanc. Que du blanc. Un monde en monochrome, pâle et sans saveur. Tirant les couvertures, il sortit du cocon chaud de son lit et se planta devant la vitre. La neige s'étendait sur des centaines mètres, se couchant sur le sol comme une nappe blanche interminable. Une profonde solitude l'envahit, comme s'il était seul au milieu de ce désert de flocons. Il voulait voir autre chose, se convaincre que la neige n'était pas l'unique paysage qui pouvait s'offrir à ses yeux ici. Sur la brochure de présentation de l'université, il avait lu que la mer n'était pas très éloignée. Il mourrait d'envie de la voir, d’assister au spectacle des vagues mouvantes, s'écrasant sur le sable en éclat d'écumes. La mer est vivante, pas comme la neige si stoïque.
Le temps d'enfiler un jean, plusieurs pull et de discipliner ses mèches blondes, le bleu encre de la nuit se dissipait déjà dans la lumière nouvelle du soleil. Il prenait toujours son temps au réveil, une vraie fille.

Le froid l'agressa tandis qu'il attendait à l'arrêt de bus, qu'il avait eu du mal à localiser. L'heure matinal justifiait la rareté des véhicules et il prit son mal en patience, soufflant sur ses doigts gelés malgré la paire de gants. Il avait hâte de revoir la mer. Il n'y était pas allé souvent, enfant, ses parents l'emmenaient en Bretagne. Il se rappelait avoir joué dans les vagues avec ses frères, lancé des cerf-volants dansants au gré du vent, construit des forteresses fragile en sable, joué au foot et au volley aussi. La dernière année où sa famille s'était rendu à leur maison dominicale bretonne, le copain de son frère avait été de la partie. Anthony se souvenait des deux garçons qui se couraient après sur le sable tiède, plongeaient dans les vagues dans une complicité enfantine.
Après ça, il avait passé tous ses étés chez lui. L'an dernier seulement, Lucas l'avait traîné sur la Côte d'Azur, mais il y avait trop de gens, trop de bruit, trop de chaleur. Anthony n'avait que moyennement apprécié.

Le bus se stoppa devant lui, l'arrachant avec une certaine douleur de ses pensées. L'engin était vide et le blond se trouva sans mal une place libre où il put coller son front à la vitre froide. Plus le car l'éloignait de l'université, plus le paysage changeait, le ruban noir de la route se brodait sur le drap blanc de la neige, les élévations bétonnées des immeubles remplaçaient les arbres et au loin se dessinait le bleu de l'eau salée. Le bus cracha le jeune homme à un arrêt proche de la plage, il n'eut donc pas à se perdre pour trouver.

Ses bottes s'enfoncèrent dans le sable instable, le vent soufflait fort et il dut retenir son bonnet d'une main s'il ne voulait pas qu'il s'envole. La mer ne le déçut pas : elle s'écrasait avec fracas contre le rivage, avançait rapidement avant de se retirer plus doucement. Elle vivait complètement et appelait à la baignade malgré les minimales décourageantes. Anthony se gorgeait du ballet maritime avec délice. Les allés et venues des vagues se reflétaient dans ses yeux bleus tandis que le vent lui fouettaient le visage avec force. Il se sentait incroyablement bien. Il revoyait les vacances de son enfance, ses rires et ceux de ses frères.

« Viens te battre ! »

Anthony sursauta vivement à l'entente du cri et se retourna prestement dans ce qu'il pensait être l'origine de la voix. Ses yeux s’écarquillèrent d’incrédulité. Il crut reconnaître la silhouette de Marco en train de se bagarrer joyeusement avec son copain, ses cheveux bruns volant selon les caprices du vent. Il cligna des yeux, médusé, mais lorsque que ses paupières s'ouvrirent de nouveau, les deux garçons avaient disparu. Ne restait qu'une jeune fille qui bataillait avec un ennemi invisible. Il éclata d'un rire nerveux, désarçonné par son mirage et par cette vision de cette fille qui jetait son poing dans l'air avec un sérieux amusement. Toute sa frustration due à son déménagement et à son adaptation difficile à ce nouveau pays s'évanouit dans son rire qui le secouait tant qu'il ne pouvait plus tenir sur ses jambes. Il s'écroula sur le sable, la mâchoire douloureuse et des larmes de joie au coin des yeux.

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« Les oiseaux chantent après la tempête. Pourquoi les gens ne seraient-ils pas eux aussi libres de se délecter des jours ensoleillés qui leur reste à vivre » ► Rose Kennedy

Ses poings frappaient le vent, le traversaient. Elle n’arrivait pas à mettre assez de force dans ses coups et cela l’énervait d’autant plus. Elle arrêta un moment son manège et regarda les vagues qui semblaient se moquer d’elle, un long soupire s’échappa d’entre ses lèvres. Ah elle voulait rire cette mer ? Saskia respira profondément, gonflant ses poumons et se donnant le courage, la motivation et etc. Elle lança son regard le plus noir et continua sa farandole. Elle donnait tout ce qu’elle pouvait, mais décidément, elle n’avait rien dans les bras, elle n’avait aucunes forces, elle était terriblement faible … Enervée par ses pensées, elle accéléra le mouvement et se coupant sa respiration, elle eut le souffle coupé. Elle aurait besoin d’un entraînement intensif si elle voulait apprendre à se débrouiller dans ce domaine. Elle sourit à cette idée, et regarda la mer tendrement.

Son père lui avait toujours dis qu’elle n’était pas faite pour la bagarre, et qu’elle devait combler ce manque par son côté malin, et son intelligence. Et pourtant elle avait toujours voulu apprendre à se battre, elle avait même voulu s’inscrire à la boxe un jour, et les entraîneurs ainsi que les boxeurs avaient ris en entendant son souhait d’apprendre. Ce qu’elle pouvait comprendre. Elle n’avait jamais compris pourquoi elle avait tant voulu être plus forte. Peut-être à cause de son passé, être plus forte pour ne plus se laisser faire. Pourtant son but n’était pas de surpasser les autres, de les dominer, de toute façon elle ne pourrait pas.

Alors qu’elle pensait à tout ça, elle entendit un rire. D’après le rire plutôt masculin, ça devait être un jeune homme. Elle regarda de tous les côtés, tournant sur elle-même. Cependant elle ne voyait rien, ou plutôt personne. Surprise elle se demanda si ce n’était pas le froid qui lui provoquait des hallucinations ? Mais en regardant mieux, elle remarqua quelqu’un au sol. Elle fit deux pas, hésitante. Puis il semblait assez bien là, il avait même l’air de plutôt bien se marrer ! Ça devait être d’elle dont il se moquait. Il était jeune, il se pouvait qu’il soit à l’université tout près d’ici. Il était blond et il s’était bien couvert pour ne pas avoir froid vu tous les pulls qu’il avait empilé. Saskia ne lui en voulait pas vraiment de rire ainsi, elle-même c’était amusée à se rendre ridicule, bien qu’elle croyait être seule sur la plage. Elle s’avança enfin vers lui, se retrouvant juste à côté, elle croisa les bras sous sa poitrine, un petit sourire sur les lèvres. Elle se pencha sur l’inconnu :

« Vous pourriez au moins essayer de vous retenir un peu »

Anthony Domenichi & Saskia Adeïev

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Son rire attira l'attention de la jeune fille et celle-ci se mit à tourner sur elle-même comme une girouette, augmenta un peu plus le fou rire d'Anthony. Cette façon qu'elle avait de le chercher du regard avec cet air un peu nunuche, lui rappela immédiatement les princesses des films de Walt Disney : belles, fragiles et dont la naïveté en faisait des cibles faciles pour les méchants rois, sorcières et autres entités maléfiques. Il usa de ses yeux bleus pour passer en revue la demoiselle. Elle était le stéréotype du fantasme américain : grande, mince et blonde. Pire que tout, elle avait le sourire et la candeur de la trop célèbre Marilyn. Secrètement, il espérait pour cette fille qu'elle soit dotée d'une Marraine La Bonne Fée, car assurément, elle serait la proie de bien des loups.
La voyant s'approcher de lui, après l'avoir enfin repéré, Anthony calma ses éclats, mais son rictus moqueur demeurait toujours figé sur son visage. A aucun moment il ne détacha ses prunelles d'elle, sans pour autant la regarder dans les yeux. Il analysait sa démarche, son style et sa carrure, piochant ici et là des indices sur sa personnalité et son caractère. Elle s'immobilisa près de lui, croisa les bras sous sa poitrine dans une attitude enfantine et charmante avant de se pencher légèrement dans sa direction.

« Vous pourriez au moins essayer de vous retenir un peu. »

Le vouvoiement employé accentua son sourire. Vraiment, elle ressemblait aux princesses polies et serviables de son enfance. Une sorte de Blanche-Neige ou de Cendrillon. S'en était presque mignon. Il plongea enfin ses yeux bleus dans ceux de la jeune fille qui oscillaient entre vert et azur. Il se rappela qu'elle lui avait adressé la parole et un mot résonnait encore dans sous son crâne. « Retenir ». Amusant comme chacun le conseillait différemment. Son psy et Lucas passaient leur temps à lui reprocher de trop se retenir justement, de ne jamais exposer ses sentiments au grand jour. Et elle, cette inconnue, lui demandait ce qu'il s'efforçait de faire depuis six ans, au grand damne de son frère. Elle lui plaisait bien, juste pour ça.

« A trop se contenir, on implose, confia-t-il en un nouvel étirement des lèvres. »

Cette phrase n'était pas de lui, mais de son psychiatre français, qui la lui servait à toutes les sauces. D'ordinaire, il se foutait de pareils conseils, mais là, il devait bien avouer qu'il avait explosé. Jamais auparavant il ne se saurait moqué aussi ouvertement de quelqu'un. D'ailleurs, avait-il vexé la fille ? Lui-même se serait jeté un regard noir, mais elle, elle souriait, bienveillante.
Il tandis une main dans la direction de l'étrangère et fit un pari intérieur ; si elle se saisissait de ses doigts et l'aidait à se relever, alors cela signifierai qu'elle ne lui tenait pas rigueur de sa moquerie et lui pardonnait. Au contraire, si elle le laissai en plan, alors il irait se faire foutre et resterai seul sur cette plage, à ressasser de vieux souvenirs de gamins jouant dans les vagues.

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Elle-même le savait. Ses parents adoptifs avaient tout fait pour qu'elle soit comme une princesse. Ils avaient toujours voulu tous lui donner parce qu'ils voulaient absolument compenser tous ce qu'elle n'avait pas eus dans son enfance. Ils lui donnaient tous, lui mâchaient tous, c'est peut-être pour ça qu'elle avait décidé de partir si loin, elle étouffait avec eux. Ils étaient adorables, mais tout leur amour d'un coup l'avait bouleversé, l'avait noyé comme une vague qui vous emporte dans les profondeurs. Elle se retrouvait oppressée parmi eux et elle avait été lâche en choisissant simplement de partir. Et même si elle garde ses allures de princesses, elle espère un jour se débarrasser de cette image qui n’est qu’un simple préjugé. Dans un sens, elle avait aussi le caractère de la princesse, naïve, qui voit toujours le monde en rose, les choses du bon côté, optimiste. Mais dans les contes de fées, n’est-ce pas la princesse qui finit toujours par gagner ? Qui finit toujours par être heureuse ? Oui mais, les contes de fées restent des contes de fées. Et parfois il faudrait que Saskia revienne sur terre, pourtant elle y ait si bien dans ce monde qu’elle s’est créé pour elle seule. Une bulle dans laquelle elle se réfugie quand elle repense au passé, à ce passé stupide et pourtant sans importance. Qui ne devrait qu’être détruit et oublié. Mais si c’était si facile.

Elle était maintenant au-dessus de l’inconnu, toujours les bras croisés sous la poitrine, un petit sourire aux lèvres. Saskia n’était pas atteinte par ses rires, par ses moqueries, elle passait au-dessus de tout ça. Elle était même persuadée que si elle s’était vue, elle aurait ri avec lui. Elle croisa enfin son regard, et elle put l’observer. Plié ainsi sur le sable, on pourrait croire un gamin qui joue dans le sable. Elle aurait bien prit son appareil photo pour immortaliser ce moment. Ajouté une photo de plus à ses albums. Il lui sortit une phrase, une phrase digne de bon psychologue, c’est ce que lui avait dit la sienne à leur première séance. Saskia n’avait pas supporté la donneuse de leçon et avait demandé à ses parents d’arrêter ses séances qui ne lui servaient à rien. Ils avaient cru que ce serait bon pour elle, à cause de son « passé ». Elle savait, elle, qu’il y avait sans doute pire comme passé justement, et qu’elle n’avait pas besoin d’une inconnue pour le surmonter. Peut-être avait-elle eu tort :

« Tout dépend de ce que l’on contient »

Il y a des choses que l’on peut garder en soi toute sa vie, d’autres pas. Une accumulation de plusieurs choses peut faire exploser. Mais si un jour elle devait le faire, elle espérait que ce soit en riant comme l’avait fait cet inconnu. Elle vit sa main tendue vers elle. Son sourire resta ancrée sur ses lèvres, et pendant quelques instants elle fit mine d’hésiter. Mais jamais elle pourrait s’en aller et laisser quelqu’un en plan au milieu du sable, elle s’en voudrait trop ensuite. Doucement elle attrapa sa main et tira pour tenter de l’aider à se relever.

Anthony Domenichi & Saskia Adeïev

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Décidément, elle était trop gentille. Penchée au-dessus de lui, elle n'arrêtait pas de lui sourire, alors que lui avait ouvertement rit d'elle. Même si s'était plutôt un rire de frustration qui était sorti de sa gorge, quand il s'était rendu compte de son mirage d'enfant perturbé. Anthony la trouvait irréelle, trop pure pour réellement exister dans ce même monde horrible qu'était le sien. Peut-être se fourvoyait-il et que sous ses airs candide, cette fille n'était qu'une salope sans nom. Sauf, que d'habitude, le radar Domenichi les repérait ces filles-là, assez rapidement en plus. Elle, la blonde, dégageait une véritablement sincérité.
Un instant, Anthony hésita à la mettre en garde contre tout les connards qui peuplaient le monde réel, lui intimer de faire attention. Mais il savait que ce serait ridicule, il ne serait certainement pas le premier à lui faire une telle remarque et surtout, pour qui se prenait-il pour lui dire sans de but en blanc ? Elle était une grande fille, elle pouvait se gérer. Et s'il lui arrivait quelque chose, ce n'était pas de son ressors.

« Tout dépend de ce que l’on contient »

Anthony se demandait à quoi elle pensait lorsqu'elle disait ça. Lui, il n'avait jamais vu de bons refoulements. Il avait vite compris que crever l'abcès une bonne fois pour toute était moins douloureux que d'attendre l'infection. Adage imagé qu'il n'appliquait que rarement, il l'avouait.
La blonde fit semblant d'hésiter, dans une posture digne de Sept ans de réflexion, avant d'attraper ses doigts et de le hisser jusqu'à elle. Sa main était fine et douce, comme se l'était imaginé Anthony, mais ne manquait pas de poigne et le garçon fut vite sur ses pieds. Une fois debout, le blond retira le sable qui s'était collé à ses fringues, avant offrit un sourire de remerciement à la jeune fille.

« Anthony. »

D'ordinaire, il gardait son prénom pour lui. Sa paranoïa le poussait à croire que son nom suffisait à ce que des tarés en tout genre parviennent à le retrouver. Sauf que cette fille n'était visiblement pas un danger. Elle était trop sincère pour l'être. Puis, il l'aimait avec son petit air d'enfant perdu dans le royaume de Peter Pan.

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Et il avait raison. Raison de penser que Saskia n’était pas une salope, une de ses filles qui se servent de leurs apparences, de leur charme pour manipuler et arriver à leur fin tout en se fichant bien du mal qu’elles font autour d’elles. Non. Saskia n’était pas comme ça. Elle était incapable de faire du mal à quelqu’un, même si sa vie en dépendait. On pourrait penser qu’elle n’a été conçue que pour aider les autres. Le genre de fille qui donne tout et qui ne demande rien en échange. Qui fait les choses sans même attendre un merci. La parfaite jeune fille qui, malgré ses bonnes intentions, se fait toujours avoir. Dans un monde noir qu’elle tente de se cacher à elle-même, Saskia trouve toujours le moyen d’en faire ressortir les avantages, dans toutes les situations. Jamais elle n’abandonne si c’est pour quelqu’un qui lui ait cher, jamais. Et s’il lui arrivait quelque chose, elle n’espère pas que quelqu’un l’aide parce qu’il le lui doit. Elle accepterait les problèmes sans broncher. Elle passerait au-dessus comme à chaque fois. Si elle est candide, elle ne le renie pas, elle sait quand est-ce qu’il faut qu’elle soit forte mentalement. Pour les autres. Trop gentille, c'est ce que son père lui disait tout le temps « Saskia tu es trop gentille, il faut apprendre à dire NON ». Mais elle est incapable de refuser, de peur de décevoir, de contrarier. Elle ne sait pas dire non.

C’est vrai que garder les choses pour soit n’est pas toujours le bon moyen, mais il faut trouver le bon moment pour enfin faire ressortir toutes les cochonneries qui s’accumulent à l’intérieur. Par exemple, Saskia vivait constamment avec l’idée que c’était elle qui avait fais brûler inconsciemment la caravane avec ses parents et les enfants à l’intérieur. Elle vivait avec, et dieu sait que ce n’était pas toujours facile. Malheureusement elle n’avait trouvé personne avec qui en parler et elle n’était pas prête à faire exploser l’abcès. Alors elle le gardait pour elle. Il faut dire qu’en se regardant dans le miroir, ou dans le reflet des vitrines, elle n’arrivait pas à s’imaginer meurtrière. Elle ? La princesse ? A-t-on déjà vu une princesse tuer ? Elle qui pensait toujours par les autres constamment ? Non, ce n’était pas possible.

Elle finit par attraper sa main et fut elle-même surprise d’arriver à le relever. A son habitude, quand elle essayait de relever quelqu’un, elle finissait par terre à son tour. C’était peut-être son travail acharné avec ses poings dans le vent qui lui avait donné toute cette force ! C’est ça Saskia, c’est ça. Il enleva le sable sur ses vêtements, et alors qu’il lui adressa un sourire de remerciement, elle lui rendit avec grand plaisir un grand sourire. Il se présenta, lui donna son nom. Elle se rappela des dîners que faisaient sa mère, lorsqu’elle invitait des personnes « importantes » pour son père. Elle n’avait jamais vraiment su ce que faisais son père dans la vie, ils n’avaient jamais vraiment voulu aborder le sujet. Sa mère lui avait appris les bonnes manières pour recevoir le plus poliment possible, mais ça faisait tellement maniéré. Elle entendait la voix mielleuse que prenait sa tendre mère quand les inconnus entraient dans la maison. Ca la faisait rire. Parfois elle faisait exprès de lever le petit doigt en prenant son verre, histoire de caricaturer la scène. Ce que ses parents ne trouvaient pas amusant d’ailleurs … Et les présentations étaient tout un numéro qui n’en finissait pas. Et voilà que ce jeune homme donnait juste, son nom. Ce qu’elle trouvait largement suffisant. Pas de chichi, pas de lèche-cul, rien d’autre que l’essentiel. Elle sourit doucement :

« Saskia »

Anthony Domenichi & Saskia Adeïev

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Saskia.

Elle avait énoncé ce nom avec ce même sourire candide qui lui était propre. Ce patronyme aux accents de grands froids provoqua un léger frisson chez Anthony qui visualisait déjà d'autres plaines enneigées. D'origine russe peut-être, slave, c'était certain. Pourtant, le parlé de Saskia ne trahissait aucune appartenance à une langue soviétique, elle ne roulait pas les r et n'avait pas la même façon de chanter les mots. Peut-être une fille d'immigrés. Ou une enfant d'enfants immigrés, comme lui qui avait hérité de la culture italienne par ses grands-parents.
Anthony braqua à nouveau ses yeux sur la jeune fille. Rien en elle ne la liait au pays à l'hiver si rude, elle était loin d'être une poupée glacée, au contraire, elle semblait être animée d'un feu d’enthousiasme constant qui la poussait à toujours aborder un sourire lumineux.

« Saskia, répéta-t-il dans un murmure, j'aime bien. C'est joli. »

Il le pensait. Peut-être était-ce cette consonance étrangère qui l'attirait.
Il détourna un instant son regard de la blonde pour analyser plus en détails leur environnement auquel il n'avait prêté que peu d'attention depuis son arrivée, trop captivé par la mer. Il s'étonna de voir deux chaussures abandonnés dans le sable, il comprit en jetant un œil aux pieds nus de Saskia et dut réprimer un nouveau rire, amusé par le comportement atypique de la jeune fille. Au loin, une bicyclette avait été délaissée. Chacun de ses éléments anodins lui rappelaient indéniablement son enfance et ce malgré le temps frigorifique. Intérieurement, il remercia Saskia d'avoir par sa présence évincé ses démons pour ne garder que les souvenirs joyeux.
De ses dents, il retira l'un de ses gant et enfouit sa main dénudée dans la chaleur de son manteau. Du bout des doigts il effleura avec douceur la pochette rigide qui pendait à son cou avant de l'extirper de sous son blouson. A l'intérieur, il y avait son appareil argentique, qu'il avait eu la présence d'esprit d'emporter. Il l'avait préféré à son numérique car plus petit, bien que moins performant, n'étant en rien un appareil professionnel. En revanche, il avait une réelle affection pour cet objet qu'il avait déniché l'été de ses quinze ans chez un antiquaire. Il ne pouvait définitivement pas laisser échapper ce tableau magique. Il voulait en conserver une trace de cet instant.
Sortant l'appareil de sa pochette, Anthony vérifia la présence d'une pellicule, rembobina rapidement le film, mais n'arma pas tout de suite l’appareil à son œil. Il se laissa le temps de choisir son cardage, son point de vue et sa lumière. La scène n'allait pas s'envoler, tout du moins, pas tout de suite.

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Effectivement, Saskia pouvait faire penser à un nom russe. Elle-même ne savait pas pourquoi ses parents lui avaient donné ce nom à consonances étrangères. Ça sonnait froid dans sa bouche, sur ses lèvres. Ses parents adoptifs avaient voulu changer son nom quand ils l’ont adopté, mais finalement ils ont renoncé, non que Saskia ne le veuille pas. Mais elle s’en fichait, de son nom, c’est vrai qu’il était joli, il sonnait sensuellement. Bien qu’elle veuille oublier son passé, elle gardait son nom pour ne pas oublier totalement d’où elle vient. Il complimenta son nom et elle hocha la tête, souriant à nouveau :

« Merci beaucoup »

Pour le coup, son nom à lui était assez courant, en tout cas elle l’avait déjà entendu. Mais elle aimait bien ce nom, et elle trouvait qu’il lui allait bien. Saskia le détailla alors qu’il regardait ailleurs, il était différent, il paraissait plus fragile que les autres hommes qui font souvent tout pour paraître dur comme du roc. Il regarda ses pieds et elle comprit qu’il venait de voir ses chaussures, elle fixa également ses pieds et fit bouger ses orteils, souriante. Elle chercha sa bicyclette et la regarda, fière de l’avoir acheté. Tout ça ne lui rappelait aucuns moments de son enfance, celle-ci se résumait aux rues désertiques, sablonneuses, répugnantes, aux cigarettes fumantes dans une caravane qui se transformait en poubelle, à la mort omniprésente qui pouvait s’abattre n’importe quel moment, aux hurlements des enfants affamés, à la solitude. Non, rien dans ce paysage ne lui rappelait quoique ce soit, mais elle cherchait ici, l’enfance qu’elle aurait tant voulu avoir. Les balades à vélo qu’elle aurait pu faire avec ses parents, les châteaux de sables qu’elle aurait pu faire avec d’autres enfants, les courses dans l’eau qu’elle aurait pu faire avec son père. Tout ce qu’elle n’a pas eu le droit d’avoir. C’était peut-être pour ça qu’elle gardait ce côté naïf qui rappel un enfant, cherche-t-elle toujours l’enfant qu’elle n’a pu être ?

Elle sortit de ses songes en entendant Anthony chercher quelque chose dans son manteau. Il en sortit un appareil photo. Et alors que son sourire avait disparu en se ressassant le passé, il revint, renaissant sur ses lèvres rouges. Lui aussi était-il passionné de photos ? Enfin, Saskia n’était pas totalement passionnée, mais elle adorait ça. Sa passion à elle, c’était le dessin. Elle se demanda si il était à l’université, et pendant qu’il tripotait ce qui semblait être très précieux pour lui, elle en profita pour lui demander :

« Tu es Canadian Belinghton ? »

Peut-être avait-il pris la section Art, comme elle, dans ce cas ils allaient se revoir. Un coup de vent passa, comme si la mer grondait, quelle grincheuse celle-là. Saskia ferma les yeux, sentant ses cheveux s’affoler, caresser son visage. Elle vérifia que ses affaires ne c’étaient pas fait la malle, et fut rassurer en voyant que rien n’avait bougé. Elle se rendit compte qu’elle, elle n’avait pas eu la présence d’esprit de prendre son appareil photo. Quelle tête en l’air, c’était pas possible !

Anthony Domenichi & Saskia Adeïev

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Un coup de vent balaya la plage, comme un message de la mer qui se rappela à eux. La bourrasque se faufila dans les mèches blondes de Saskia, auréolant son visage d'une couronne dorée. Le bonnet d'Anthony avait été lui-aussi transporté plus loin, mais le garçon n'en avait cure. Le bon moment était là. Avec rapidité et dextérité, il visa, fit la mise au point et mitrailla. Le déclic du déclencheur résonna dans ses oreilles malgré le chant du vent tandis que l'image de Saskia fermant les yeux s'imprimait sur la pellicule. Ça n'avait duré que quelques secondes - deux, voire trois - mais Anthony avait réussi à prendre son cliché avant que le vent ne retombe aussi brutalement qu'il était venu. Un sourire triomphant s'étala sur ses lèvres. Son cadrage n'avait pas été très précis, il n'avait que la moitié du visage de la blonde, mais il n'était pas déçu. Ce côté un peu maladroit renforcerai l'esprit éphémère de la photo.
Une fois le courant d'air complètement disparu, Saskia vérifia si aucune de ses affaires n'étaient parties. Anthony en profita pour aller récupérer son bonnet qui s'agitait un peu plus loin, la laine noire jurant avec le beige du sable. Agitant un peu l'accessoire pour chasser les grains de sable, il se souvient de la question de Saskia.

« Oui, j'y suis, section Art, option Photo, ajouta le blond en brandissant son appareil. Tu fréquentes l'université aussi, j'imagine ? »

Anthony essaya de deviner en quelle section était Saskia. Arts, Lettres ou Sport ? Quelque soit le domaine, il la voyait parfaitement dedans. Assez original et décalée pour aller en Arts, raffinée et délicate pour les Lettres et énergique pour le Sport. Bien sûr, c'était des sacrés stéréotypes et Saskia pouvait tout aussi bien se trouver en Commerce. Les doutes d'Anthony ne pouvaient s'envoler que lorsque la blonde confirmerait d'elle-même. Ça serait amusant de la retrouver en Arts, les cours lui sembleraient sûrement moins longs et plus divertissants avec une présence comme celle de la jeune fille dans sa classe.
Et puis, il aimerait bien la revoir, cette princesse de la plage.

Ecoutes le temps qui passé

« Les oiseaux chantent après la tempête. Pourquoi les gens ne seraient-ils pas eux aussi libres de se délecter des jours ensoleillés qui leur reste à vivre » ► Rose Kennedy

Le vent l’enveloppa dans un froid intense, mais ses cheveux blonds lui rappelèrent les rayons chauds du soleil. Alors qu’elle fermait les yeux à la force de la claque, elle entendit un bruit qu’elle reconnaitrait sans hésitation. Un appareil photo, elle hésita à ouvrir les paupières mais la curiosité était bien plus forte. Et alors que des mèches ondulaient telles des algues devant ses prunelles bleus, elle aperçut Anthony qui ne manquerait pour rien au monde une photo de l’instant présent. Elle rit doucement en refermant les yeux, attendant la fin de la colère passagère. Une fois le moment arrivé, elle tenta de remettre en place ses cheveux qui avaient décidé de se la jouer rebelles. Au bout de quelques tentatives elle laissa tomber en un soupire désespéré. Saskia regarda autour d’elle, et c’est une forme noire qu’elle découvrait un peu plus loin. En voyant les cheveux blonds d’Anthony découvert, elle en déduisit que c’était son bonnet qu’il n’avait pas tenté de rattraper dans l’action. Elle sourit et fut heureuse en voyant que ses affaires à elle n’avaient pas bougé. Heureusement, elle se voyait mal remuer le sable toute l’après-midi pour retrouver ses chaussures. Il répondit enfin à sa question, elle était pressée de savoir s’il était dans l’université car si ce n’était pas le cas, elle aurait du mal à le revoir, ce qui serait dommage puisqu’elle l’aimait bien. Mes ses réflexions furent stoppées à sa réponse qui devint logique. Et elle fut d’autant plus heureuse en apprenant qu’il faisait partie de la section Art, même si cela ne la surprenait pas vu comment il avait l’air passionné par la photographie. Et c’était un domaine qui lui collait bien.

Elle se demandait ce que pensait Anthony d’elle, enfin, elle se demandait s’il était facile de savoir dans qu’elle domaine elle pourrait être ? Elle-même se voyait un peu partout, elle aimait tout ça c’est sûr, elle n’était pas difficile, d’ailleurs elle faisait de tout. Le sport, les livres, la photographie, le dessin, tout lui tentait, mais c’est son intérêt particulier pour le dessin qui la décida à se diriger vers la section Art, qui regroupe aussi la photographie à son plus grand bonheur. Ils étaient donc dans la même filière et avaient la même option. Il avait l’air beaucoup plus doué qu’elle dans la photo, et elle espérait qu’il l’entraine un peu, ou lui donne quelques conseils. Elle sourit quand il agita son appareil photo afin de lui montrer qu’il était dans l’option correspondante :

« Oui je fréquente l’université et je suis aussi dans la section Art avec l’option photo »

Elle se demandait s’il y avait beaucoup de personnes qui étaient intéressés par l’Art et la Photo en même temps ? Peut-être y aurait-il plus de monde qu’elle ne se l’imaginait, ce serait amusant. C’est tout ce qu’elle voulait maintenant, s’amuser, profiter. Elle fixa Anthony de ses prunelles azurs, cela faisait-il longtemps qu’il était là ? Est-ce qu’il habitait dans une villa de sa rue ? Il pourrait rencontrer Cato, elle était sûre qu’ils s’entendraient bien, à moins qu’elle ne se trompe sur les deux personnages et qu’ils soient le contraire de ce qu’elle pensait d’eux. Ce qui lui était déjà arrivé d’ailleurs. Mais en regardant Anthony, elle avait du mal à l’imaginer profiteur et manipulateur. Non, pas lui. Et si c’était sa naïveté qui lui jouait des tours ? Elle secoua discrètement la tête pour s’enlever cette stupide idée de l’esprit :

« Tu viens d’arriver ? »

Anthony Domenichi & Saskia Adeïev

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La réponse que lui donna Saskia lui plut. En Art donc, option photo. Ça l'étonnait à moitié, il aurait plutôt vu la blonde devant l’objectif et non derrière, mais ce n'était pas si farfelu que ça comme idée. Après tout, on lui avait souvent demandé s'il n'était pas styliste. Son look de fashon victim laissait présumer un amour inconditionnel pour la mode, ce qu' Anthony ne niait pas, mais jamais il n'aurait voulu créer la mode. Il se contentait de la suivre comme un mouton, de l'apprécier comme un idiot et de se pâmer devant comme un fidèle. Photographe des podiums était un métier qui lui conviendrait bien. Être exposé chaque semaine à des mannequins à la beauté magnétique et être payé pour en faire des clichés, que demander de plus ?
Anthony ne voyait pas la photo comme d'autres amateurs. Il ne réfléchissait jamais avant de prendre un cliché, ne cherchait jamais à faire passer un message ou une idée. Il se contentait d'être superficiel et de capturer avec son objectif toutes ces images qui lui gâtait sa vue. Il n'était pas créateur, mais observateur.
En revanche, le dynamisme de Saskia lui donnait un côté artiste qui sautait désormais aux yeux du blond. Elle avait cet enthousiasme décalé et propre à elle-seule qui laissait supposer que son esprit était fait pour inventer et créer, que ce soit par la peinture, par la photo ou par la musique. Elle était comme un nouveau souffle perpétuel.

Les yeux bleus de Saskia pétillaient de curiosité et d'excitation. Dans ses prunelles, aussi lisibles qu'un écran de télévision, passaient mille et une questions qui paraissaient se bousculer les une les autres pour être la première à franchir les lèvres de la jeune fille. Sans se leurrer, Anthony savait qu'il entraînait souvent des interrogations lors d'une première rencontre. Son look et sa carrure était atypique et son caractère ne collait pas forcément avec son apparence frêle. Il s'amusait des codes établis par la société pour les déjouer, trichant sur les stéréotypes comme celui de la jouvencelle en détresse qui s'attirent toujours des ennuis, ou celui du gay efféminé pour créer des effets de surprise.
A nouveau, Saskia était tout l'inverse. Elle vivait en restant elle-même tout simplement.
Enfin, une de ses questions parvint à l'emporter sur les autres et s'élever à voix haute.

« Tu viens d’arriver ? »

« Je suis là depuis quelques jours. A peine une semaine. »

Seulement une semaine. Il avait l'impression que des mois s'étaient écoulés depuis sa séparation avec sa famille à l'aéroport. Ses insomnies ne l'aidaient pas à faire avancer le temps plus vite et ce long hiver canadien lui avait fait peu à peu perdre toute notion du temps. Il se sentait coincé ici, pour l'existence entière, coupé du monde à tout jamais. Il avait hâte que le printemps arrive et amène au dégèle. La neige lui filait le cafard.

« Toi, tu es nouvelle ? Je ne t'ai pas encore vu que ce soit en cours ou du côté des résidences. »

Il avait mentionné les résidences car c'était ce qui lui semblait le plus logique. Les autres possibilités étaient les locaux minuscules pour les moins fortunés, ce qui ne semblait pas être le cas de Saskia, ou les villas. Et, sincèrement, Anthony peinait vraiment à croire que des étudiants aient autant d'argent à perdre pour le foutre dans une villa. Il ne comprenait pas cette engouement pour les grandes maisons lorsqu'on vivait seul ou en couple. Une famille, passe encore, pour les enfants, le chien ou les copains des enfants. Mais seul ? Perdu au milieu du vide comme au milieu de la neige canadienne. Anthony ne pourrait pas survire là-dedans, il lui fallait son cocon.

« On se reverra sûrement en cours, ne put-il s'empêcher d'ajouter dans un sourire. »

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Ses parents adoptifs l’avaient très tôt inscrite à des concours de Miss, même si en France ils sont très limités pour les petites filles. C’est une expérience qui n’avait pas déplu à Saskia, mais ce n’était pas ce qu’elle préférait, effectivement elle aimait être derrière l’objectif, elle aimait immortaliser les moments qui lui étaient chers. Et même si son physique avait souvent amené les personnes à penser qu’elle était plutôt mannequin que photographe, Saskia s’empressait de les avertir qu’elle ne faisait pas partie des défilés mais qu’elle les regardait avec grand plaisir. Elle était plutôt en retrait et n’aimait pas être remarqué, de ce fait les défilés ne la mettait pas à l’aise du tout. La jeune fille a toujours été très manuel, toujours à créer, façonner. Elle avait envisagé de devenir styliste car cela mélangeait sa passion du dessin et son désir de créer. Mais c’était un métier avec beaucoup de responsabilités qu’elle n’était pas prête à prendre. Comme Anthony semblait l’être aussi, elle était particulièrement intéressée par la mode, sans en être une addict non plus. Elle créait toujours mais n’était jamais satisfaite, jamais sûre d’elle-même, ses parents lui demandaient d’avoir plus confiance en elle, mais si c’était si facile. Rien n’était jamais parfait pour Saskia. Et elle trouvait que ses photos manquaient de professionnalisme, elle ne cadrait jamais et ses photos ressemblaient plus à une image en mouvement. Mais ce n’était pas ce qui déplaisait à la blonde, elle aimait, en voyant les personnes en mouvement sur ses photos, se rappeler de pourquoi elle n’a pas réussi à les avoir immobile, pourquoi ce n’était pas droit ? Pour elle, ses photos étaient uniques. Ce qu’elle trouvait merveilleux dans l’Art, c’était l’impossibilité de refaire deux fois la même chose, que ce soit dans le dessin, dans la photo ou dans la peinture. Chaque déclic sur un appareil, chaque coup de crayon ou de pinceau est tout à fait unique.

Le visage de Saskia était un livre ouvert où tout le monde peut lire ce qu’il veut. C’est ainsi que la jeune fille s’attire tous les méchants loups et c’est aussi ainsi qu’elle ne peut qu’être sincère. Mentir est un domaine dans lequel elle a beaucoup travaillé. Et si Anthony pouvait comprendre ses pensées, cela ne la dérangeait pas. Elle en avait marre de vouloir s’inventer un caractère qui n’était pas le sien, c’est pourquoi elle avait arrêté de vouloir apprendre à mentir, arrêté de vouloir prendre confiance en elle, arrêté de se poser des limites. Elle était naïve, trop gentille, fragile, un point c’est tout. Mais elle était responsable de ce que son caractère allait engendrer.

Il était ici depuis quelques jours, qu’est-ce que ça faisait d’être là depuis une semaine ? Au milieu de ce froid et de la neige ? Est-ce que c’était déprimant ? Il était difficile de déprimer Saskia, elle qui adore particulièrement quand il neige, elle trouve cela féérique, bien que ce soit froid. Elle se demandait ce que ressentait Anthony, car si elle, était un écran de télévision, lui était un coffre-fort pour la jeune fille et c’était quelque chose qui la rendait plus curieuse que jamais. Enfin, elle se demandait beaucoup de chose comme d’habitude et même si c’était difficile de savoir ce qu’il pensait, elle pouvait deviner qu’il n’était pas fan de cette poudre blanche glacée. C’était à lui de poser une question, d’après ses observations elle était nouvelle et elle sourit à nouveau en répondait :

« Oui je suis nouvelle, enfin, je suis arrivée il y a deux jours »

Elle était consciente qu’on perdait vite la notion du temps et que les jours finissaient par s’enchaîner bêtement, finissant par attendre que quelque chose se passe. Elle ferait tout pour que cela ne se passe pas. Il ne cita que les Résidences, il était donc là, c’est pour ça qu’ils ne s’étaient pas croisés avant. S’il ne parlait pas des autres lieux de logements c’est qu’il ne la voyait pas ailleurs, enfin c’est ce qu’elle en déduisit :

« C’est parce que je suis dans une villa »

Elle sourit amusé en se souvenant de la feinte de ses parents. En s’inscrivant à l’université, Saskia voulait couper tous les ponts avec les richesses, elle trouvait que ça lui suffirait largement une résidence et ça lui permettrait d’avoir son petit nid douillet. Mais ses parents en avaient pensé autrement et encore une fois avait décidé pour elle, pensant que pour qu'elle soit heureuse, il fallait lui donner le meilleur. Mais elle s’y était préparée et sachant que tout débat à propos de ce sujet serait réfuté elle avait elle aussi feinté en prenant un colocataire. D’ailleurs il faudrait qu’elle leur dise enfin, car plus elle attendrait plus elle passerait un mauvais quart d’heure au téléphone. En voyant la villa, elle l’avait trouvé terne et surtout impersonnel, heureusement elle avait champ libre, et elle ferait de ce désert blanc, un endroit chaleureux, un doux repère. Elle aimait ses parents plus que tout et parfois elle se disait qu’ils ne méritaient pas une fille comme elle qui les fuit et refuse en quelque sorte leur amour, pourquoi faisait-elle cela ? Peut-être parce que cet amour passe notamment par l’argent et que Saskia ne veut pas qu’on l’achète, ce qu’ils n’avaient peut-être pas bien compris.

Anthony Domenichi & Saskia Adeïev

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Une villa. La princesse dans sa villa. C'était con mais ça collait. Il voyait Saskia et ses boucles blondes devant une immense baie vitrée à regarder le soleil se lever. Pourquoi avait-il écarté cette supposition d'emblée ? Parce que les étudiants normaux ne se payent pas des villas. Mais Saskia n'était pas vraiment dans la norme. il aurait dû y songer avant de parler. C'était tellement logique maintenant qu'il y repensait. Cependant, dans le tableau mental qu'il se faisait de la scène, une chose ne marchait pas...

« Toute seule dans ta villa ? »

Saskia ne pouvait pas vivre seule dans sa grande maison, si c'était le cas, sa demeure prendrait des airs de donjons ou de tours. Malgré sa bonne humeur, la blonde ne pouvait pas combler un espace aussi grand par son unique présence. Il devait y avoir au moins une autre personne. Il l'espérait pour elle, parce qu'une maison vide, il n'y a rien de plus déprimant. Mais après tout peut-être que ça convenait à la jeune fille d'être sans personne, peut-être était-elle plus solitaire qu'elle en avait l'air.
Anthony avait dû mal à réfléchir, son sens aigüe d'observation faiblissait. Il n'arrivait plus à analyser correctement la jeune fille pourtant si sincère dans sa gestuelle. Le manque de sommeil ? Il en doutait, il était depuis longtemps habitué à ses nuits de trois ou quatre heures. Non, autre chose... Son ventre grogna. Voilà ! Il avait sauté le petit déjeuner et son ventre vide faussait son esprit de déduction. La furieuse envie d'avaler une pâtisserie bien française le prit bien que le blond savait pertinemment que trouver de bons gâteaux ici relevait de l'impossible. Rien pour trouver du mangeable, c'était la croix et la bannière. Ah, qu'elle lui manquait sa chère France au moment des repas. Il aurait vendu son âme pour un simple pain au chocolat.

« Je commence à avoir faim, ça te dit qu'on aille se prendre un truc à manger et qu'on revienne sur la plage après ? »

Il avait invité Saskia par politesse, il ne se voyait pas la laisser en plan pour une viennoiserie, mais surtout parce qu'il n'avait pas envie de se détacher d'elle tout de suite. Elle était tellement lumineuse, qu’inconsciemment elle réchauffait Anthony malgré le froid glacial. Le garçon espérait qu'elle accepterait, son envie devenait de plus en plus forte. Il avait toujours eu des réactions excessifs vis-à-vis des pâtisseries, redevant un incroyable gamin. Son frère Lucas avait longtemps cru qu'il s'agissait d'une forme de boulimie et il avait que le psy du garçon confirme lui-même qu'il ne s'agissait que d'une grande gourmandise. Anthony, en bon efféminé qu'il était, adorait le sucré. Sous toutes ses formes.

Ecoutes le temps qui passé

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Il ne semblait pas adhérer à l’idée qu’elle puisse vivre dans une villa, remarque elle non plus ne s’était pas vue dans ces grandes maisons. Mais il avait l’air de changer d’avis, enfin c’est ce qu’elle pensait et comme elle avait du mal à savoir ce qu’il se passait dans la tête de cet Anthony, elle ne pouvait que poser des suppositions. Il lui demanda si elle était toute seule. Sa question semblait sous-entendre que si elle n’avait personne d’autre, c’était vraiment la mort. Ce qui n’était pas faux, toute seule elle se serait senti délaissée, terriblement seule et en plus se serait ennuyée comme un oiseau en cage. Ou alors elle aurait adopté des animaux, un gros chien, elle adorait ces boules de poils, malheureusement ses parents n’étaient pas fan et elle n’en avait jamais eu. En avoir un serait sympa mais ce n’était pas pareil qu’avoir quelqu’un avec soi :

« Heureusement non, j’ai un colocataire ! »

Elle sourit en pensant à celui-ci, elle l’aimait bien. Il était difficile à cerner mais il était très gentil. Saskia repensait peu à peu à leur rencontre, à son arrivée aussi. A la maison qu’elle était pressée de transformer, de décorer, … En tout cas elle ne pouvait plus rester seule, la solitude était la clé de son passé pour qu’il s’échappe du coffre-fort, hors de question de le laisser sortir, à moins que ce ne soit la solution ? Le ventre du jeune homme se mit à crier famine et elle rit avant que son ventre ne réponde à son SOS. Elle rit encore, ce qui lui faisait mal à son ventre vide. Pourtant elle avait mangé ce matin ? Oui, mais Saskia est aussi une grosse gourmande, capable de manger à tout heure de la journée. Parler d’aller manger lui donna l’eau à la bouche et elle eut soudain envie d’une gaufre, tartinée de Nutella et saupoudrée de sucre glace. Elle s’imaginait déjà croquant dans la pâte toute chaude. Allaient-ils en trouver ici ? Dans le cas contraire elle mangerait ce qui lui passerait sous la main ! Elle afficha un grand sourire, il ne l’avait peut-être pas encore vu ce sourire-là (il y en avait une palette entière) :

« Je suis d’accord ! »

Dit-elle toute excitée, comme si on proposait une glace à un enfant. C’est fou comme une simple proposition peut mettre de bonne humeur. Il ne serait plus seul dans son addiction pour le sucre. Manger. Rien de mieux pour redonner le moral. Par contre Saskia ne connaissait pas du tout le coin et suivrait Anthony comme un petit chien, vu son sens de l’orientation si elle se perdait, elle rentrerait à pas d’heure chez elle. Savait-il déjà où aller ? Connaissait-il déjà un bon endroit où l’on pouvait trouver de la « bonne bouffe » ? En tout cas, elle s’en alla vers sa bicyclette, la jeune blonde chercha un moment ses chaussures dans le sable et les remit maladroitement pour enfin s’emparer de son antiquité. Elle remonta vers la rue où elle s’arrêta pour enlever les grains de sable qui la démangeaient. Elle sourit de nouveau au blond, contente de continuer cette journée avec lui.

Anthony Domenichi & Saskia Adeïev

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« Heureusement non, j’ai un colocataire ! »

Ah. Apparemment Saskia avait la même opinion que lui sur les grandes maisons vides. Sans pouvoir s'en empêcher, Anthony chercha à imaginer son colocataire. Etait-il aussi dynamique Saskia ? Ou au contraire était-il plus sombre qu'elle ? Pour le coup ça l'intriguait. Qui aurait bien pu être le prince du château de Saskia ? Anthony ne connaissait personne qui vivait aux villas - mise à part la blonde bien évidement - et il se décida à s'arrêter sur un grand classique pour visualiser le coloc' de la jeune fille : un fils de bourge en pantalon à pince et cardigan. C'était plus qu'un stéréotype et sa ne collait pas trop avec l'image de la blonde, mais tant pis, il n'allait pas épiloguer là-dessus pendant des heures.

La blonde avait rit en entendant son ventre grogner, trouvant la situation amusante sans se moquer pour autant. Il ne fallut d'ailleurs que quelques minutes avant que son estomac ne réponde à celui d'Anthony. Ils étaient sur la même longueur d'ondes, ce qui fit sourire le garçon. Elle répondit à sa proposition avec enthousiasme, dévoilant encore un nouveau sourire de sa large panoplie. Puis elle partit remettre ses chaussures et récupéra son vélo - probablement plus vieux qu'eux, vu les tâches de rouilles qui l'ornaient. Enfin ils commencèrent à quitter la plage pour rejoindre le sol dur et stable du bitume. Bien, où trouverait-il de quoi se rassasier ? Au vue du sourire de Saskia, la blonde attendait qu'Anthony la guide. C'est vrai qu'elle n'était là que depuis deux jours... Le garçon ne connaissait pas du tout le quartier mais il se rappelait d'avoir vu un café en arrivant en bus, un café qui servait les petits-déjeuner. Ils se trouveraient bien un beignet à avaler. Anthony remonta le long de la ligne de bus, tout en donnant une rapide indication à Saskia :

« Il y a un café par là, je crois. »

A l'angle d'une rue perpendiculaire à celle longeant la plage, se tenait en effet un lieu de restauration. La vitrine vantait des viennoiseries françaises. Anthony plutôt que de s'en réjouir, s'en méfia. Il n'y avait que les français pour réussir un croissant, les autres n'étaient que des pâles imitations. Néanmoins, la faim le poussa à ouvrir la porte du café où une délicieuse chaleur les enveloppa immédiatement. A cette heure matinal il n'y avait personne et la patronne leur servit un sourire superbe bien que légèrement commerciale. Retirant son manteau, superflu désormais, Anthony prit place sur une des tables près de la vitrine. Il aurait pu tirer sa chaise à Saskia, mais la galanterie et lui n'avait jamais été amis. Ce genre d'attention sonnait toujours faux à ses oreilles, comme une sorte de mensonge enjoliveur. Et puis ça ne collait pas avec sa personnalité. Il attrapa une des cartes posées devant, salivant d'avance à ce qu'il allait dévorer.

Ecoutes le temps qui passé

« Les oiseaux chantent après la tempête. Pourquoi les gens ne seraient-ils pas eux aussi libres de se délecter des jours ensoleillés qui leur reste à vivre » ► Rose Kennedy

Oh non, Cato ne correspondait pas au gros bourge hautain et ennuyeux comme il y en a souvent d’ailleurs ; non justement il semblait faire tout son possible pour ne pas montrer ses richesses et ne pas ressembler à ce genre de personne. Bien que venir habiter dans une villa laisse à supposer que ses poches sont plutôt bien remplies. Elle l’aimait bien même si au niveau du comportement ils ne sont pas tout à fait pareil, leur passé semble aussi difficile et comme quoi c’est important. Ca rapproche. Elle aurait peut-être dû dire le nom de son colocataire, peut-être qu’il le connaissait, quoique Cato venait d’emménager aussi puisqu’ils étaient arrivés en même temps, dans ce cas-là ils ne pouvaient pas s’être déjà rencontré, quoiqu’ils se sont peut-être vu avant qu’il ne vienne à la villa, ou peut-être qu’ils se connaissent même depuis plus longtemps ? Qui sait ? En tout cas la jeune blonde continuait de se poser des questions, elle avait beau se dire qu’il fallait qu’elle arrête de se tourmenter l’esprit et elle n’arrivait pas s’imaginer toutes les possibilités.

Elle marchait à côté de lui, tenant le guidon de sa bicyclette, la faisant rouler à côté d’elle. Faisant attention de ne pas se mêler les pieds aux roues. Ce qui pourrait arriver d’un moment à un autre vu sa maladresse et bien qu’elle ne fasse attention. Plus ils marchaient, plus elle s’imaginait des plateaux et des plateaux de viennoiseries, et leurs odeurs mélangés tout autant que les couleurs des papiers qui envelopperaient ces gâteaux fondants. Elle se souvint d’une photo qu’elle avait faite petite, lorsqu’elle se baladait dans la rue avec ses parents adoptifs, ils étaient passés devant une boulangerie remplie de biscuits multicolores, c’était magnifique et elle bavait devant sans qu’elle n’ait le droit d’entrer. Alors elle l’avait pris en photo, immortalisant l’instant et s’imaginant sans cesse quelles sont les odeurs qui auraient pu l’envelopper en entrant.

S’il était là depuis plus longtemps, il ne semblait plus fort qu’elle au niveau de l’orientation. Enfin c’est ce qu’elle put en déduire en entendant sa vague indication ce qui la fit sourire une fois de plus. Ca ne la gênait pas de se perdre, heureusement pour elle vu toutes les fois où elle se pomme, mais elle n’est pas pressée, jamais. Se perdre permet de découvrir même si au bout d’un moment ça devient inquiétant. Enfin, elle faisait confiance à Anthony pour retrouver ce fameux Café ! En arrivant devant, si le blond se méfiait des dire de la pancarte, Saskia y croyait dur comme fer ! Il fallait s’y attendre. Mais du coup elle était extrêmement pressée de s’installer à l’intérieur et de commencer à manger. Elle entra derrière Anthony et ferma la porte derrière elle pour éviter que le froid n’entre en même temps qu’eux. Il faisait bon et elle soupira de bonheur en retrouvant une température qui la mettait terriblement à l’aise. Il n’y avait personne encore et la femme qui devait s’occuper du magasin leur sourit, la jeune fille s’empressa de lui renvoyer un doux sourire. Elle enleva sa veste kaki qui ne lui avait pas porté chaud, elle avait sous-estimé la fraicheur du Canada, heureusement qu’elle n’était pas frileuse. Elle portait un t-shirt rose délavé ample et un foulard qu’elle enleva aussi pour le poser sur la table. Elle s’installa en face d’Anthony, et elle ne s’attendait à aucune galanterie de sa part, elle savait très bien que ce n’était pas son genre, mais ça dépend de la galanterie aussi. Tirer la chaise fait assez vieux jeu aux yeux de Saskia mais elle apprécie qu’on lui tienne la porte pour éviter qu’elle ne se la prenne en plein visage, ce qui lui est déjà arrivé !

Elle se concentra sur la carte après s’être attaché les cheveux en un chignon, ses quelques mèches bouclées trop courtes ne rentrèrent pas dans le chignon et continuèrent de longer ses joues. Elle parcourait les listes et tout lui donnait envie mais elle avait surtout envie de quelque chose de chaud. Elle ne trouva pas sa gaufre, ce qui était dommage mais elle avait trouvé autre chose de bien plus intéressant, un beignet fourré au caramel. Le caramel … Son péché mignon. Elle se lécha les babines et observa Anthony :

« Tu sais ce que tu vas prendre ? »

Elle essaya d’imaginer les goûts d’Anthony, imaginer ce qu’il allait prendre. Mais il restait un mystère pour la jeune fille, il faut dire qu’elle n’était pas toujours très douée pour cerner les personnes.

Anthony Domenichi & Saskia Adeïev

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Après avoir détaillé la carte, il avait rapidement fini par se décider à ne choisir qu'un seul des divers gâteaux proposés. Un exploit en soi, parce que mine de rien, les propositions étaient toutes alléchantes, mais Anthony savait pertinemment qu'il devait sa taille finie non pas à un régime stricte ou à une hérédité mais bien à son petit appétit. Il était certes gourmand, mais un seul croissant avait raison de sa faim. Le blond replia la carte avant de la déposer sur la table qu'il fixa un instant d'un air absent avant de reporter son regard sur Saskia. Elle paraissait encore plus enthousiaste que tout à l'heure sur la plage, elle parcourait la carte, abhorrant des mines tantôt déçues tantôt réjouies. Un tel concentré de bonne humeur requinquait Anthony qui oubliait peu à peu son mal du pays. Sincèrement, il se doutait que vivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec Saskia devait se révéler épuisant - jamais il n'aurait tenu le rythme de sa joie débordante - mais à petite dose, la jeune fille avait vertus presque thérapeutiques. Sa joie était communicative.
Anthony passa un œil un peu discret sur le T-shirt de Saskia, rose pâle ou plutôt rose usé. Une couleur qui avait été éclatante et qui à force de dure lavage avait perdu de sa splendeur jusqu'à se rapprocher lentement du blanc froid et neutre. C'était assez joli comme teinte, bien que probablement créée artificiellement, ce rose délavé traduisait le temps passé et donnait un côté vintage plus qu'à la mode ces dernières années. En y repensant, c'est vrai que Saskia incarnait plutôt bien le vintage. Il n'y avait qu'à voir sa bicyclette posée devant le café et sa lointaine ressemblance avec l'idole Marilyn Monroe. Pourtant, malgré ses caractéristiques se rapportant à une mode ancienne, Saskia ne rappelait pas le vieux. Au contraire, en sa présence, on avait l'impression d'être en avance, d'être une sorte de Marty Mcfly perdu dans un passé devenu présent.
D'un geste souple, elle avait relevé ses cheveux en chignon d'où s'échappait quelques mèches indisciplinées. Un débraillement charmant.

« Tu sais ce que tu vas prendre ? »

« Fondant au chocolat. Et toi, tu as choisi ? On peut peut-être appeler la serveuse. »

Un plat à base de chocolat avait déjà toute l'attention d'Anthony, si en plus le chocolat coulait comme de la lave en fusion, il était à genoux devant son assiette. Le fondant était son dessert favori même si à chaque fois qu'il en mangeait un, il se brûlait toujours la langue. Un mal pour un bien. Son père était plutôt doué en pâtisserie et jamais Anthony n'avait goûter de meilleurs fondant que celui concocté par son paternel. Dès les prochaines vacances, il rentrerait en France uniquement pour dévorer un fondant et un plat de carbonara. Là encore, son père excellait dans la préparation de pâtes de toutes sortes. Mais on est italien ou on ne l'est pas...

Anthony pensa qu'il serait préférable d'avoir une conversation avec Saskia s'il ne voulait pas qu'un terrible silence pesant vienne gâcher sa dégustation. Il réfléchit à quel genre de sujets ils pouvaient aborder. Le cinéma ? La musique ? La littérature ? Il se rappela soudain d'un détail d'une discussion antérieure.

« Tu fais de la photo depuis longtemps ? »

Parfait. Il venait de trouver un sujet de conversation et qui plus est, un sujet intéressant - tout du moins, pour lui. Avec un peu de chance il arriverait à avoir des informations supplémentaires sur Saskia. Il fit un discret signe à la serveuse, son ventre trouvait que c'était le bon moment pour commander.

Ecoutes le temps qui passé

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Le café était un endroit chaleureux et doux, avec des couleurs chaudes. Une décoration que Saskia affectionnait particulièrement. Oui, elle était pétillante et pleine de vie comme les personnes le sont rarement, ils ne sont pas habitués à être constamment de bonne humeur. Mais il arrive que la jeune fille est, comme tout le monde, des coups de barres, mais elle déteste ces moments-là, ça lui rappelle de mauvaises choses et c’est ainsi qu’elle le camoufle derrière son joli sourire. Et c’est vrai, je peux le confirmer, être constamment avec la blonde peut se révéler épuisant surtout si vous avez envie d’être tranquille, enfin, si elle se rend compte que vous êtes pas d’humeur, je suis sûre qu’elle fera en sorte d’être douce, calme, … etc. Tout le tralala.

Elle ne remarqua pas le regard observateur d’Anthony, bien trop concentrée sur la carte qui était vraiment alléchante. Néanmoins, elle avait peur que tout ne soit pas à la hauteur de ses attentes. Son T-shirt, ah ce t-shirt, c’était l’un de ses préférés, d’abord parce qu’il était des plus confortables mais aussi parce qu’elle avait eu un mal fou à lui donner cette couleur ; celle-ci, à l’origine, était jolie mais Saskia savait qu’elle pouvait être encore mieux, et c’est pourquoi elle l’avait passé et repassé à la machine à laver, au grand désespoir de sa mère qui n’en pouvait plus. A la fin, cette couleur lui rappelait quelque chose d’ancien, qui vient de loin. Oui un côté vintage, c’était ça. Saskia était à fond dans le vintage et c’est vrai que la bicyclette confirmait parfaitement. Pourquoi cet attachement à ce style ? Parce que c’est à la mode. Et aussi parce qu’elle trouve cela joli.

Alors qu’avait-il choisi ? Un fondant au chocolat ? Oh ça aussi c’était bon, je dirais même plus délicieux. Elle regarda à nouveau envieuse la carte, hésitante. Mais le caramel était son péché mignon, et bien que le chocolat lui fasse les yeux doux, elle ne pouvait résister face au beignet. Désolé chocolat, la prochaine fois peut-être ! Elle releva les yeux vers le blond pour confirmer son choix :

« Oui c’est bon, je vais prendre le beignet au caramel »

Dit-elle avec un grand sourire. Souvent les filles sont totalement obsédées par leur poids, leurs formes. Et elles en arrivent à faire des régimes, arrivé à ce point elles ne peuvent que se priver jusqu’à la fin de leur vie. Et c’est une situation inadmissible pour Saskia, se priver ? Et puis encore ? Ah non, non, jamais elle ne pourrait refuser une pâtisserie, une sucrerie, tout ce qu’il y a de meilleurs au monde. Il suffit de parfois faire attention, mais de là à se priver. La jeune blonde était fière de pouvoir profiter. Ah si ses parents la voyaient, ses parents biologiques. Elle était persuadée que jamais ils n’auraient pu imaginer qu’elle soit aussi heureuse, c’était un peu, une vengeance, même s’il était fort possible qu’ils s’en foutent totalement. Elle avait l’impression qu’ils avaient tout fait pour qu’elle tombe, pour qu’elle sombre …

En face d’elle, le jeune homme semblait réfléchir à une conversation. Elle sourit. Le silence ne la dérangeait pas. Ca dépend parfois du silence aussi. Mais parfois le silence repose comme parfois il fait ressurgir ce qu’on aimerait enfoui. Saskia entendit sa question, et pourtant elle resta immobile, vide, silencieuse. Elle y avait pensé déjà à cette question. Depuis quand prenait-elle des photos ? Depuis que ses parents étaient morts. Pourquoi à partir de ce moment ? Elle s’était proposée des centaines de réponses, des centaines de raisons, toutes fausses ou insatisfaisantes. Finalement elle n’avait commencé à photographier que pour garder ses beaux moments tellement nouveaux pour elle, par peur qu’ils ne disparaissent à jamais et que la noirceur ne revienne. Elle s’accrochait à ses photos, elle s’y accrochait dur comme fer, comme un noyé à sa bouée. C’était tout ce qui lui permettait de se souvenir et d’oublier en même temps. C’est fou comme une photo peut faire jaillir comme émotions, autant qu’une jolie mélodie. C’était très important pour elle. Du coup cela apparaissait plus comme une nécessité que comme une passion. Anthony avait posé la question, et lui dire que c’était depuis que ses parents étaient morts allait légèrement plomber l’ambiance. C’était un peu ce qui s’était passé avec Cato, tout de suite ils avaient parlé de ça, comme s’ils en avaient besoin, sauf que tous les deux avaient eu gros sur la pomme, et au lieu que ça ne plombe l’atmosphère, ils avaient été libéré. Enfin elle espérait que ce soit pareil pour Cato. Seulement elle avait peur avec Anthony. Et il ne s’attendait sûrement pas à ce genre de réponse. Elle restait plongée loin dans ses pensées, le regard vide de toute expression. Assez rare pour la jeune fille qui avait l’habitude d’avoir toujours les yeux rieurs. Dire, ne pas dire. Elle aura l’occasion de lui dire un jour peut-être. Et lui, quel était son passé ? Etait-il dur ? Pesant ? Encore des milliers de questions qui lui emplissaient les yeux. Une fille facile … Oui, en perpétuel combat. Et qui sait … Ce qu’elle se cache encore à elle-même :

« Oui assez longtemps, j’ai commencé petite, c’est quelque chose qui m’a vite intrigué et intéressé »

Elle reprit peu à peu des couleurs, son regard redevint pétillant et elle esquissa même un petit sourire en coin :

« J’ai des piles et des piles d’albums, pleins de photos en vrac »

Dit-elle amusé et mimant la grandeur des piles, exagérant même. Anthony appela la serveuse qui arriva toujours avec ce sourire légèrement forcé. Elle avait un calepin et un crayon, pour deux personnes elle n’allait tout de même pas noter ? Saskia annonça sa commande, pressée de la recevoir rapidement.

Anthony Domenichi & Saskia Adeïev

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La réponse d'Anthony plongea la blonde dans une subite hésitation et elle se remit à parcourir la carte de ses yeux bleus illuminés par une lueur gourmande absolument pas dissimulée. Apparemment Saskia n'était pas le genre de fille à s'enchaîner dans un régime pour atteindre la taille parfaite, au contraire, elle semblait profiter des plaisirs gustatifs et caloriques sans se soucier le moins du monde des kilos attrapés en route. De toutes façons sa silhouette élancée témoignait qu'elle n'avait absolument pas besoin d'une diète. Tant mieux pour elle. Anthony était quelqu'un de superficiel et pour lui, tout devait être beau et ce même s'il fallait en baver pour le devenir. Néanmoins, pour lui la beauté ne s'arrêtait pas à la taille de guêpe des mannequins des podiums, il avait vu des personnes dont les rondeurs s'accordaient avec merveille avec le reste dans une harmonie parfaite. Il lui était même arrivé de revoir des connaissances qui avaient été enveloppées et qui savaient parfaitement gérer leur silhouette, mais avaient un jour fait l'erreur d'entamer un régime. Une fois, Anthony avait failli hurler au scandale en voyant une des anciennes modèles revenir avec vingt kilos de moins, devenant alors complétement fade et perdant l'intégralité de son charme.

Saskia se décida pour un beignet caramel et ce n'était pas ça qui allait redéfinir toute son apparence. Pendant un temps, Anthony s'en voulut de ne penser qu'au paraître. Son côté photographe recherchait le magnifique partout et ce au détriment du reste, des valeurs et des caractères des autres. Il se savait proche de ces blondes écervelées si horripilantes des séries américaines, à la différence qu'elles et lui n'avaient pas du tout les mêmes critères de beauté. C'était vrai que son scanner héréditaire lui permettait de voir plus loin que les corps bodybuildés de surfeurs blonds, qu'il était plus ouvert, que certaines fois il avait la sensation d'entrer par effraction dans l'âme de son vis-à-vis, mais ça restait une histoire de regard, de surface.

Sa question, qu'il avait voulut anodine parut enfoncer Saskia dans une profonde réflexion, à travers ses yeux, il la voyait - il pressentait - qu'elle allait chercher sa réponse, loin très loin dans ses souvenirs. Elle tentait de retrouver la genèse de cette passion. Des images défilaient comme des lumières dans le bleuté de son iris, mais c'était trop flou, trop abstrait pour qu'Anthony puisse y interpréter quoique ça. Sa curiosité se réveillait tandis que Saskia se noyait dans ses mémoires le regard dans le vide, silencieuse. La peur aussi, peur de découvrir une histoire dure, pas joyeuse, qui fout terriblement le cafard. Il jugeait qu'il avait suffisamment donné de ce côté là et que pour une fois il voudrait bien un récit idéal plein de bonheur et d'autres guimauves. Il n'en pouvait plus des larmes et de la douleur.

« Oui assez longtemps, j’ai commencé petite, c’est quelque chose qui m’a vite intrigué et intéressé »

Anthony arqua immédiatement un sourcil. Elle mentait ou plutôt, elle ne disait pas tout. Son angoisse au sujet d'une origine sombre et triste se confirma. Il n'allait pas creuser, ça faisait toujours mal ce genre de truc et sincèrement, le masochisme n'avait jamais été pour lui. Peut-être que ça aurait soulagé Saskia de se confier, peut-être qu'elle avait vu une perche tendue dans sa question mais qu'elle n'osait pas encore tout à fait la saisir, qu'il lui aurait fallut un coup de pouce minuscule pour qu'elle puisse se libérer. Mais Anthony ne pouvait écouter son histoire sûrement tragique, il n'avait pas les épaules, ni la force. Lucas lui aurait pu écouter, réconforter même. Lucas savait mettre de côté sa peine et aller au secours des autres, c'était sa gentillesse naturelle. Anthony n'avait pas cette compassion innée, il n'y parvenait pas. Trop faible encore malgré les années. Égoïste aussi. Pour cette fois, il fit comme s'il n'avait rien vu passer dans ses yeux.

Saskia était sorti de sa léthargie et souriait, pétillante d'enthousiasme à nouveau. Elle parla des albums qu'elle avait chez elle juste avant que la femme prenne leur commande avant de disparaître à nouveau. La blonde devenait impatiente, affamée à ce point ? Cette joie qui recommença à inonder leur petite table arracha un sourire soulagé à Anthony. Il aimait mieux cette ambiance, lâche qu'il était.

« C'est cool. »

Le blond ne savait plus quoi ajouter, quoi répondre. Pourtant il devait trouver, sa peur que le silence ramène les démons de Saskia remonta à nouveau en lui. Il devait trouver quelque chose, pour que le soleil continue de briller. Rien ne venait. L'absence de la jeune fille dans ses pensées avait réveillé ses fantômes à lui, comme sur la plage. Et il se rappela soudain que le fondant au chocolat était également le dessert préféré de Marco. Il s'en serait tapé la tête sur la table.

Ecoutes le temps qui passé

« Les oiseaux chantent après la tempête. Pourquoi les gens ne seraient-ils pas eux aussi libres de se délecter des jours ensoleillés qui leur reste à vivre » ► Rose Kennedy

Elle ne voyait pas vraiment Anthony comme un confident, du moins elle n’était pas prête à raconter tout ça, elle cherchait pour l’instant à juste effacer le passé. Elle voulait tout simplement l’oublier à jamais, passer à autre chose. Elle savait parfaitement que tout le monde ici avait une histoire difficile et que la sienne n’était qu’une de plus. Ce n’était pas du tout son genre de s’apitoyer sur son sort en pleurant à chaude larme sur une épaule gentiment tendu, pourtant cela lui arrivait quand on la poussait à parler, on ne peut lutter contre le passé, mais on peut toujours essayer, non ?

Saskia sentait le regard du jeune blond, que pouvait-il bien discerner sur son visage livide ? Elle n’avait que rarement cette expression de vide qui ne lui allait pas, cet air soucieux qui ne lui était pas propre. Elle n’allait pas gâcher ce moment par des histoires malheureuses et déprimantes, hors de question. C’est ainsi que son air angélique, son petit air naïf revint comme s’il n’avait jamais quitté son visage. Ses yeux redevinrent pétillant de joie, aspirant au bonheur. Elle sortit donc une réponse tout à fait banale, passe-partout et pas tout à fait fausse. Saskia remarqua tout de même le sourcil arqué d’Anthony, avait-il deviné ? Il n’était pas idiot et il avait une grande capacité à voir au fond des gens, et il faut dire qu’elle n’était pas difficile à comprendre. Elle sourit de nouveau et attendait avec plus d’impatience son petit beignet. La chaleur revenait peu à peu alors qu’un vent glacial venait de traverser la table. Il répondit que c’était cool, elle afficha un sourire amusé, il avait l’air soulagé. Si elle avait dû mal à lire sur le visage des personnes aussi bien que le jeune blond, elle lisait parfois entre les mots. Cependant elle le remercia intérieurement, il n’insistait pas, et même si elle ne savait pas pourquoi, elle se convint que c’était pour ne pas la faire plonger dans ses sombres souvenirs. Vrai ? Faux ? Quelle importance, il ne rajouta rien.

Un silence s’installa doucement et le jeune garçon ne semblait pas à l’aise dans cette atmosphère. La serveuse revint avec leurs friandises, leurs sucreries, leurs pêcher-mignons. Elle déposa les assiettes, Son beignet était luisant de sucres ce qui lui faisait lécher les babines, jamais elle n’avait pensé au petit bidon qu’elle prendrait si elle continuait à manger comme cela. Elle trouvait les formes attirantes et la perfection ne l’intéressait pas. C’est pour cela qu’elle ne faisait jamais vraiment attention à l’apparence d’autrui et d’elle-même. Elle était fasciné par le met qu’elle avait choisi mais elle remarqua qu’Anthony était lui aussi plongé dans ses songes, des songes ténébreuses ? Elle ne l’espérait, ils n’allaient pas y passer chacun à leur tour. Saskia sa frotta les mains, elle se voyait déjà croquer dedans, elle imaginait déjà le goût du caramel lui caresser la langue. Mais elle ne pouvait le laisser plonger dans les abysses lui aussi, il fallait qu’il pense à autre chose :

« Et toi alors ? Tu es passionné de photo depuis longtemps ? »

Dit-elle en le regardant avec un petit sourire rassurant. Ses doigts la démangeant mais elle préférait attendre la réaction du petit blond en face d’elle. Est-ce que sa question allait changer quelque chose ? Est-ce que cela allait empirer au contraire ? Le temps passait plus vite qu’elle ne le pensait, quelques personnes commençaient à entrer dans le café, s’installant sur les quelques tables vides. La jeune fille les regarda discrètement s’installer, mais c’était Anthony qui attirait toute son attention.

Anthony Domenichi & Saskia Adeïev

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La serveuse déposa devant eux leur commande. Saskia n'y toucha pas, un élan de politesse sans doute. Quant à Anthony il fixait son dessert d'un œil dégoûté, répugné par lui-même. Finalement son psychiatre, Lucas et ses parents avaient raison, il n'était qu'un gamin perturbé qui cherchait inconsciemment à faire revivre son frère mort en reprenant sa personnalité et laissant la sienne disparaître. Ses souvenirs étaient trop flous pour qu'il se rappelle lequel des deux garçons idolâtraient le fondant, lui ou Marco ? Comment avait-il pu en arriver à se confondre avec lui ? Ce n'était pas la première fois qu'il se trouvait des points communs sortis de nulle part avec Marco, mais avant il avait toujours misé sur les coïncidences. Mais maintenant, face à ce gâteau, il ne savait plus, il ne se souvenait plus s'il aimait vraiment ça. Son appétit s'était coupé, ne restait que ce dégoût impossible à chasser. Il se sentait ridicule et profondément perdu.

« Et toi alors ? Tu es passionné de photo depuis longtemps ? »

La voix douce de Saskia le tira de ses mornes pensées et, relevant la tête, il la remercia d'un sourire sincère. Le rayonnement que dégageait la blonde lui donna la force d’attraper sa cuillère et de l'abattre sans douceur dans la pâtisserie, engageant le début de la dégustation. Il porta une première bouchée à ses lèvres encore indécis, le goût lui plût, c'était déjà ça.
Concentré à disséquer son gâteau à coup de cuillère, il répondit à Saskia sans croiser leur regard.

« Je n'ai jamais aimé être pris en photo, alors depuis que je suis gamin c'est moi qui m'occupe de tenir l'appareil. Tout naturellement, il arriva un temps où j'en ai eu assez de ne prendre que des souvenirs de vacances, alors j'ai cherché d'autres images. Des trucs éphémères au début. Je me passionnais pour tous qui n'étaient pas éternels. puis vers treize ans j'ai complètement changé de sujet, j'ai développé un culte de la beauté. Dès que je voyais une image qui me ravissait, je pressais le déclencheur, c'en devenait compulsif. Tiens d'ailleurs, ajouta-t-il en levant à nouveau la tête de son assette, quand je vois quelque chose qui me plait et que je n'ai pas mon appareil photo, je presse mon doigt dans le vide. C'est con, mais c'est vrai. »

Il laissa un nouveau sourire s'échapper alors qu'il mimait un appareil photo imaginaire. La photo n'avait jamais été un passe-temps de Marco, c'était un truc juste à lui. C'est vrai que son frère avait souvent posé pour lui, mais jamais il n'était passé derrière l'objectif. La photographie était un des derniers témoins que le vrai Anthony persistait quelque part. Même sa passion pour la mode lui avait été inspirée par son frère qui dépensait toujours son argent en jean et T-shirt griffés. Il en avait d'ailleurs récupéré beaucoup de ses fringues à sa mort.
Saskia avait eu la bonne question, celle qui avait éloigné le spectre de Marco, celle qui avait sauvé à temps Anthony de la noyade dans l'océan sombre de sa nostalgie. Elle ne pouvait pas en être consciente, mais ce n'était rien.
Le café se remplissait, mais Anthony ne le voyait pas. Devant lui, il y avait la présence ensoleillée de Saskia qui éclipsait tout. A nouveau ses lèvres s'étiraient alors qu'il retournait à son dessert. Il aimait vraiment bien cette fille.

« Un jour il faudrait qu'on fasse un shoot tout les deux, ça pourrait être sympa, non ? »

Il porta à nouveau sa cuillère à sa bouche, beaucoup plus détendu que précédemment. La tension amenée par ses souvenirs de Marco avait disparu, il ne restait qu'une ambiance légère dans un café au bord de la mer. Il ne remercierait jamais assez l'entité obscure qu'est le hasard de lui avoir fait croiser la route de Saskia.

Ecoutes le temps qui passé

« Les oiseaux chantent après la tempête. Pourquoi les gens ne seraient-ils pas eux aussi libres de se délecter des jours ensoleillés qui leur reste à vivre » ► Rose Kennedy

Elle le regardait, ou le fixait plutôt, plantant son regard inquiet sur le petit blond. Pourquoi ? Parce que lorsque le gâteau qu’il avait tant attendu, c’était retrouvé devant lui, il avait exprimé une moue de dégoût. Et cette réaction, elle n’arrivait pas à la comprendre. Le fondant au chocolat paraissait tout simplement succulent, faisant presque regretter à Saskia de ne pas avoir pris la même chose. Est-ce que la serveuse s’était trompée dans la commande, avait-il demandé autre chose, pourtant, dans le souvenir de la jeune blonde, Anthony avait bien demandé un fondant au chocolat. Qu’avait-il alors ? Il n’en voulait plus ? Elle en doutait, ce jeune homme semblait trop gourmand pour refuser un fondant, et pourtant … Il sombrait petit à petit, dans des souvenirs ? Sans doute, mais elle n’aimait pas le voir ainsi, cette expression sur son visage ne lui allait pas. Il fallait qu’elle le sorte de ses pensées et rien de mieux pour cela qu’une bonne question ! Une question qui eut l’air de lui plaire puisqu’il lui adressa un sourire, ce qui fit évidemment plaisir à Saskia, qui ne résistait plus devant son beignet. Elle le prit délicatement entre ses doigts et croqua dedans, le sucre s’envola, s’incrustant un peu partout : sur la table, sur ses vêtements, sur ses joues. C’était délicieux mais difficile à manger sans être collé par le sucre ; la jeune fille s’arma d’une serviette en papier gentiment proposé par la serveuse qui s’était rendu compte de ses difficultés, pour tenter de vaincre cette invasion. Elle fronça les sourcils en voyant que la serviette n’était pas d’une grande aide et préféra s’avouer vaincu plutôt que de passer son après-midi à épousseter son jean. Elle adressa un petit sourire gêné à Anthony et continua de mâchouiller tranquillement dans la pâte moelleuse du beignet tout en se reconcentrant sur la réponse qu’allait lui donner le blond. Celui-ci avait également entamé son fondant, qu’il ne quittait plus des yeux.

Sa réponse lui plut, c’était … Logique et très intéressant, l’évolution surtout, l’évolution de ses points de vus. Sa dernière phrase la fit rire. Presser le doigt dans le vide était une situation amusante, et les paroles accompagnées des gestes étirèrent un grand sourire sur les lèvres de Saskia. Elle le voyait très bien le faire, elle était persuadée que certaines personnes pouvaient s’en moquer mais elle, elle trouvait cela fascinant. Il n’y avait plus aucun doute sur l’addiction d’Anthony, et c’était quelque chose qui lui allait bien, très bien même. Il avait quelque chose d’original, de particulier. Elle lâcha un petit rire à son imitation puis croqua à nouveau dans son beignet. Il avait l’air mieux, il était à nouveau ici, en quelque sorte. La jeune fille hocha la tête, il était intriguant, passionnant et il ne cessait de titiller sa curiosité d’avantage. Elle aimerait pouvoir savoir ce qu’il se passe dans sa tête, ce n’était peut-être pas tout rose, peut-être pas tout noir non plus, mais elle aimerait mieux le comprendre. Il souriait encore, c’est fou comme les personnes sourient de plus en plus en sa présence, on lui avait souvent dit qu’elle avait un sourire communicatif mais elle n’avait jamais vraiment cru à cela.

Il lui proposa un shooting photo, elle s’imagina tout de suite la scène, c’est vrai que ça pouvait être amusant, vraiment très amusant. Elle acquiesça en savourant son beignet, puis, quand elle eut la bouche libre, elle répondit :

« Oh, très bonne idée, ça pourrait être vraiment sympa »

Dans sa tête, les plans se formaient déjà, où est-ce qu’ils pourraient faire ça ? Chez elle ? C’était en pleins travaux, elle était en train de tout refaire, c’était un vrai chantier. Cato et elle marchait entre les pots de peintures, les bâches, et tout son matériel. Elle espérait que son colocataire ne regrettait pas de lui avoir laissé champs libre en voyant, pour l’instant, le désastre. Mais elle y croyait, elle avait toutes ses idées bien au chaud dans sa tête et elle était persuadée du résultat douillet. Bref, pour l’instant, faire un shoot là-bas, ce n’était pas vraiment possible, ou alors dans le jardin, c’est vrai qu’ils avaient un jardin paradisiaque, l’une des seules choses dans la demeure qu’elle ne toucherait pas. Chez lui ? Après tout elle ne savait pas comment c’était, la taille d’une pièce n’était pas vraiment le problème. Il devait sûrement avoir tout le matériel, ce serait amusant d’aller chez lui. Curieuse, elle préféra lui demander directement, parce que de son côté, elle n’était organisée que très rarement, alors dans ce domaine, elle espérait qu’Anthony le soit mieux qu’elle :

« Tu ferais ça où toi ? »

Lui demanda-t-elle avec un petit sourire et en terminant son beignet au caramel.

Anthony Domenichi & Saskia Adeïev

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Dès qu'il s'était mis à sourire, Saskia avait entamé son beignet. Honteusement il se rendit compte que son malaise n'était pas passé inaperçu et que la blonde, polie, avait attendu qu'il se remette de ses sombres émotions pour commencer à déguster. Quel crétin il faisait tout de même. Enfin au vu de la façon dont la jeune fille dévorait son gâteau, l'incident venait d'être oublié. La regarder se débattre avec le sucre avait quelque chose de plutôt amusant, mais cette fois-ci il retint son rire. Ce petit spectacle que lui offrait Saskia, débordant de vie et d'une grâce enfantine, acheva de chasser son coup de blues passager. Elle épousseta son jeans à l'aide de sa serviette sans grand succès avant d'abandonner et de profiter de son beignet sans prendre garde aux taches. D'un œil distrait, Anthony admira les cristaux sucrés s'échapper de la pâte du dessert et s'accrocher au T-shirt et au menton de Saskia, comme autant de flocons prisonniers dans une boule à neige. Il laissa ses yeux couler jusqu'à la fenêtre proche d'eux, s'attendant à voir un paysage déchiré par une tempête d'une blancheur immaculée, mais la neige ne s'était pas remise à tomber, seul le vent soufflait, en témoignent le balancement des arbres.

La réponse qu'il fournit à Saskia paru la satisfaire, il parvint même à la faire rire. La mélodie de son gloussement cristallin ravit le garçon et il ne put s'empêcher de sourire comme un imbécile heureux. Ce dont il n'était pas loin d'ailleurs. Elle planta à nouveau ses dents dans le corps du beignet et la situation reprit complètement ses airs bonne enfant du début. Les deux jeunes gens se souriaient mutuellement en avalant avec gourmandise leur commande sans qu'aucune autre fausse note ne se glisse entre eux. Anthony se demanda si les autres clients du bar les prenaient pour un gentil petit couple. Ils en avaient l'attitude, bien qu'ils ne se connaissaient pas il y a encore quelques heures de ça. Leur complicité ne reposait sur pas grand chose, mais cette simplicité plut au blond. Avec les personnes comme Saskia, il n'avait pas besoin de se prendre la tête, tout coulait tout seul, c'était un lien agréable.

A sa proposition, Saskia acquiesça vivement, ce dont se réjouit Anthony. Il voulait vraiment faire ce shooting, ce n'était pas juste une parole en l'air balancée pour meubler la conversation. Il ne savait pas où et quand il le ferait, le lieu lui importait peu, tant que la présence ensoleillée de Saskia serait au rendez-vous. La blonde sembla partir dans une profonde réflexion, s'imaginant sûrement déjà le cadre, les poses, les points de vue. Elle devait réfléchir aux meilleurs de chaque catégorie, à ce qui donnerait les plus beaux clichés.

« Tu ferais ça où toi ? »

« Je ne sais pas. En extérieur ? Autant profiter du sublime paysage montagnard que nous offre le Canada. »

C'était vrai après tout, ce pays leur offrait des reliefs superbes, des montagnes, des forêts et des plages sans défaut, dans toute la force de la Nature. Avant de venir, il avait regarder des guides touristiques, des films et à chaque fois,les vues panoramiques lui avaient coupé le souffle. Le Canada était un pays encore assez sauvage, surtout dans ce coin où le béton des grandes villes comme Montréal et Ottawa était bien loin. Il souhaite depuis son arrivé capturer avec son objectif l'insoumission de la nature aux lois strictes de l'urbanisme.
Il pensa soudainement qu'il leur faudrait peut-être quelques modèles. Il avait quelques visages en tête, mais de là à ce qu'ils acceptent... De toute façon, ils avaient le temps d'y penser.
D'un coup de cuillère, Anthony acheva son fondant, se retenant cependant de racler son assiette à la recherche des dernières traces de chocolat. La logique aurait voulut qu'il demande l'addition, mais la chaleur du café combiné au visage souriant de Saskia l'en empêcha. A la place il recommanda un café après avoir bien vérifié qu'il avait suffisamment d'argent sur lui. Ayant bien plus de billets qu'à son espérance, il proposa à Saskia un supplément au beignet :

« Tu veux quelque chose à boire ? Je te l'offre. »

Il ne se connaissait pas ce côté charitable, mais il devait bien ça à la blonde pour l'avoir tiré de ses abîmes d'un sourire éclatant.

Ecoutes le temps qui passé

« Les oiseaux chantent après la tempête. Pourquoi les gens ne seraient-ils pas eux aussi libres de se délecter des jours ensoleillés qui leur reste à vivre » ► Rose Kennedy

La cuillère s’abattit sur le pauvre fondant au chocolat, s’en fut finit de lui. Il n’en resta pas une miette, il avait dû aimer, son expression de dégout n’avait donc pas été provoqué par le dessert chocolaté mais bien par quelque chose qui dépassait la blonde. Néanmoins elle décida d’arrêter d’y penser bien que cela soit particulièrement difficile car les questions se bousculaient toujours dans sa tête. Ce fut à elle d’achever son beignet qui ne ressemblait plus vraiment à quoique ce soit, il y avait plus de sucre autour que dans la bouche de Saskia, mais elle ne s’en préoccupait plus non plus, seul le goût du caramel restait sur sa langue et dans son esprit, cette saveur sucré qui adoucit ses pensées. Elle sentait le regard d’Anthony posé sur sa façon de manger, mais elle n’eut pas honte, elle s’en fichait. Saskia se rendit compte qu’ici, dans ce café, avec Anthony, mangeant tous les deux, elle pouvait se foutre de tout car tout allait bien, et si quelques ombres noirs venaient parfois noircir le tableau, la jeune fille savait qu’avec lui, elle pouvait faire partir les traces sombres en les recouvrant de couleurs vives ; ce qu’elle faisait avec tout le monde finalement, s’occuper des blessures des autres sans s’occuper des siennes, elle l’avait toujours fait sans se remettre en question, sans prêter attention aux conséquences que cela engendraient même si c’était parfois plus difficile qu’elle ne le pensait.

Le regard des autres ne l’avait jamais vraiment gêné, la façon dont on l’observait, la façon dont on pouvait la juger lui emportait peu car même elle ne savait pas comment se décrire. Qu’était-elle dans ce monde gris qu’elle essayait de colorer ? L’idée du shoot lui paraissait parfaite, elle ne doutait à aucun moment que ce ne soit une idée lancée au hasard, elle serait ravie de partager sa passion avec Anthony, histoire même d’en savoir un peu plus sur lui, histoire de passer encore du temps avec lui. Ce serait amusant et intéressant. Il ferait cela à l’extérieur ? C’était une bonne idée, autant mettre en valeur les paysages que leur offrait ce pays glacial. La blonde se voyait déjà au milieu des arbres s’élevant jusqu’au ciel, marchant dans le froid lui caressant le visage. Et puis, ils pourraient partager leurs astuces, leurs techniques, mais elle préférait les démonstrations que les paroles, elle pourrait dans ce cas le regarder faire. Si le shoot ne se faisait pas tout de suite, elle aurait au moins les cours de l’option photographie pour le regarder faire, elle ne doutait à aucun moment de son talent. Elle pensa à Aaron, était-il doué lui aussi ? Il ne s’agissait pas vraiment de ça, mais de ce que chaque personne apportait à ses photos, qu’est-ce qu’il y avait de plus dans leurs clichés que dans ceux des autres ? Elle-même ne savait pas ce que ses photos avaient de particulier, mais elle aimait les regarder, et c’était sans doute le plus important. L’avantage du Canada c’est qu’il y avait un grand choix de paysages, la forêt, certes, était peut-être la plus importante avec les montagnes, mais la plage avait aussi une grande place dans ce pays. Saskia adorait l’altitude, les montagnes, le précipice sous ses pieds, la sensation de vertige, l’horizon à perte de vue, le panorama en quelque sorte. Bref, tant d’endroits où ils pourraient faire de choses magnifiques.

Son assiette était vide, et la sienne aussi. Le beignet allait lui rester dans l’estomac un bon moment, elle espérait ne pas en être malade. Etant une grande gourmande, il lui arrivait de manger un peu trop vite et c’était son corps qui en subissait les frais en la punissant par un mal. Mais tant pis, il faut parfois faire des concessions pour pouvoir profiter ! Ayant tous les deux terminés, elle se dit que leur entrevu était fini et qu’elle devra bientôt retourner dans ses pots de peintures, tentant d’avancer dans ses travaux qui duraient une éternité si elle ne se bougeait pas un peu plus. Cependant, malgré le devoir qu’elle avait à faire dans la villa, elle ne voulait pas partir, pas tout de suite. Saskia était bien ici alors pourquoi mettre fin à tout ça ? Profiter. Il faut profiter, elle n’avait que ce mot dans sa tête. Heureusement, Anthony trouva une rallonge en lui proposant une boisson, ce qui n’était vraiment pas une mauvaise proposition. Rien de mieux après un beignet au caramel qu’une boisson chaude pour se réchauffer. De son côté, le blond prit un café après avoir jeté un petit coup d’œil au nombre de billet qu’il avait sur lui. D’ailleurs elle se demanda si elle avait de quoi se payer son beignet, elle pria pour que ce soit le cas sinon elle serait obligée de demander à Anthony de lui payer sa viennoiserie, ce qui était vraiment très gênant. Elle tapota avec hésitation sur sa poche, elle sentit quelques pièces et les entendit tinter entre elles. Saskia poussa un soupir de soulagement, elle plongea sa main dans la poche de jean et en ressortit quelques ronds jaunes dans la paume de sa main qu’elle s’empressa de compter, elle devait avoir cinq ou six euros, ce qui était largement suffisant pour payer ce qu’elle venait d’engloutir. Elle laissa un sourire s’élargir sur ses lèvres et elle se tourna vers le blond. C’était vraiment sympa de sa part de lui payer quelque chose à boire, elle aurait été obligé de regarder Anthony boire sa boisson chaude sous son nez sinon :

« Merci beaucoup, je vais prendre un café moi aussi alors »

Dit-elle en s’adressant à la serveuse qui était venu prendre leur commande une seconde fois. La blonde regarda à l’extérieur. Les cours n’allaient pas tarder à commencer pour elle, l’administration lui avait laissé le temps de s’installer mais elle ne serait bientôt plus assez patiente pour l’attendre indéfiniment. Anthony lui avait dit un peu plus tôt qu’il n’était pas un nouveau, il était donc là depuis un petit moment, quelques semaines peut-être, connaissait-il déjà quelques personnes où était-elle la première ? Elle en doutait fortement. Le blond n’était peut-être pas du genre à aller vers les autres facilement, mais il incitait les autres à venir vers lui. Elle se pencha vers lui comme si elle allait lui confier un secret, et c’est avec un grand sourire qu’elle laissa s’échapper d’entre ses lèvres une autre question :

« Alors ? Tu as rencontré d’autres étudiants ? »

Anthony Domenichi & Saskia Adeïev

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