Jody & Saskia

« Just a game »

EIl est assez rare de voir Saskia ouvrir sa boîte aux lettres, en même temps, qui pourrait bien lui écrire ? Personne. Non vraiment personne. Ses parents lui envoient en général des sms ou l’appellent sur son portable, le peu de fois où elle reçoit des cartes c’est lorsqu’ils sont en vacances et à sa connaissance, ils sont bien à la maison. Donc, elle ne se préoccupe nullement de savoir si la petite boîte à l’entrée est pleine ou pas et si jamais c’est le cas, elle se persuade que c’est pour son colocataire, Cato et elle passe devant sans y penser d’avantage. Cependant, en ce jour fameux et particulier, lorsqu’elle passa devant la boîte en question en revenant des cours, la petite blonde aperçut une enveloppe assez attirante. Comme dit un peu plus tôt, elle savait que ce ne serait sûrement pas pour elle. Mais, la curiosité l’empêcha d’ignorer une nouvelle fois et elle s’empara du courrier, s’inventant comme prétexte qu’elle rapportait le courrier de Cato à l’intérieur. En prenant l’enveloppe, très intéressante à ses yeux, dans les mains, elle aperçut son écrit dessus. Regardant de droite à gauche comme si elle était observée, elle entra dans la villa sans attendre une minute de plus. Finalement, en jetant un petit coup d’œil au reste de la paperasse, elle trouva une autre enveloppe, identique à la sienne mais au nom de Cato R. Hightfeel. Etait-ce une mauvaise blague ? La blonde posa le tout sur la table de la salle à manger et parcouru la grande pièce pour voir si son colocataire était là. Ne le trouvant pas, dans les pièces principales elle hésita à aller voir dans sa chambre. Ce qu’elle ne fit pas, après tout, c’était sa chambre, un lieu privé. Elle se contenta donc de rester dans le salon et d’appeler à haute voix le jeune homme :

« Cato ? … Tu es là ? … Il y a du courrier pour toi ! »

Après quelques minutes de silence complet, il n’y eu aucune réponse. Elle n’insista pas et s’en alla s’enfermer dans sa chambre pour prendre connaissance de cette enveloppe forte étrange. Fermant la porte derrière elle, déposant son sac sans délicatesse sur le sol, elle se laissa tomber dans son fauteuil avec un soupir. Elle espérait que ce ne soit pas une mauvaise blague, ce n’était pas vraiment le moment. Il faut dire que le retour de Caleb l’avait pas mal bousculé. Bref, il ne fallait plus penser à tout ça. Délicatement elle ouvrit l’enveloppe et en sortit une feuille sur lequel était inscrit un message, assez long. Ses yeux parcoururent rapidement les lignes et c’est avec un sourire en coin qu’elle replia la feuille pour la poser sur son bureau non loin. Un bal ? C’était amusant, surtout le reste du message, une sorte de, défis. Ce genre de petit jeu la faisait rire et surtout lui changeait les idées. Ce qui tombait merveilleusement bien d’ailleurs ! Saskia avait simplement besoin de s’amuser et de profiter de la vie. De plus, le bal masqué est une idée parfaite. Elle se souvint du discours de la directrice au sujet de cet évènement, tous les étudiants avaient été emballés par cette idée. En toute logique, tout le monde y serait sans savoir qui vraiment. La jeune fille se retrouvera devant des personnes qu’elle ne reconnaitra pas, ou peut-être quelques-uns … Caleb ? Elle se leva brusquement, elle en avait marre de l’avoir sans cesse dans sa tête, chaque pensée, chaque idée qu’elle avait la ramenait à lui.

Bon, qui dit bal, dit bien habillé et elle ne manquerait pas à la règle. Mais qui dit bal masqué, dit aussi un masque ! Pour ce qui était d’une robe, elle trouverait bien quelque chose d’assez potable. Peut-être même qu’en regardant bien, elle trouvera une jolie robe de soirée que ses parents lui auraient offerte en surprise, ce qui ne l’étonnerait pas. La jeune fille n’aimait pas vraiment être gâtée ainsi, elle n’allait pas non plus se plaindre, elle avait beaucoup de chance. Beaucoup de chance. Etant debout, elle resta plantée un moment au milieu de la pièce sans vraiment savoir quoi faire. Sa main s’empara de son portable pour constater l’heure qu’il était, et la soirée n’allait pas tarder à commencer. Bon, Saskia n’était pas du genre à arriver à l’heure ou même en avance, elle était même souvent celle qui arrivait en dernière, du fait qu’elle n’était jamais organisée. Mais dans une bonne résolution, elle décida de bien se préparer de sorte à arriver le plus rapidement possible, oui car arriver à l’heure c’était peine perdue. Et c’est donc dans un début de préparation assez précipité que Saskia commença à se poser des questions : Comment seront habillés les autres étudiants ? Comment seront les masques ? Comment seront les lieux ? La directrice avait parlé d’un endroit qu’ils n’avaient encore jamais vu. Connaissant le prix d’une année dans l’université, elle se doutait que ce serait sûrement un cadre magnifique. Elle pense également à la robe, la jeune blonde n’était pas du genre à vouloir être la reine de la soirée avec tous les regards braqués sur elle. Cependant, elle faisait en sorte d’être bien apprêtée. C’était aussi la bonne occasion pour enfin défaire ses valises et de commencer à ranger, ce qu’elle avait eu la flemme de faire auparavant. Ou alors elle n’avait pas osé le faire. Elle n’arrivait pas s’habituer au fait qu’elle vivait maintenant ici avec un colocataire, au Canada. Bref, elle farfouilla parmi ses piles de vêtements, cherchant sans vraiment chercher. Elle repensa à tout ce qui s’était passé jusqu’ici, à tout ce qu’elle avait découvert, à tout ce qu’elle avait retrouvé. Il fallait qu’elle arrête d’y penser sinon elle finirait par rester bloquée au fond du gouffre, un soupir s’échappa d’entre ses lèvres, comme si elle pourrait ainsi se débarrasser de tous ses mauvais souvenirs. Au fond, elle découvrit une longue robe qu’elle n’avait encore jamais vu. Ses parents. Elle eut un petit sourire, qu’est-ce qu’elle ferait sans eux ? Car, s’ils ne lui avaient pas offert cette robe, elle serait venue en jean avec un pull, ce qui ne la dérangerait pas tant que ça, mais vu les circonstances : un bal, c’est un bal. Saskia la brandit devant son regard ébahit, elle était simple et magnifique, ses parents connaissaient ses goûts contrairement à ce qu’elle pensait. Heureuse d’avoir quelque chose à se mettre, elle l’enfila sans plus attendre. Elle était déjà largement en retard. Et puis s’ensuivit tout le tralala où elle dut se battre avec son maquillage pour arriver à quelque chose de potable. N’étant pas perfectionniste elle se contenta d’un résultat satisfaisant. La blonde resta un moment devant le miroir, à se regarder sans vraiment se reconnaître, elle n’avait pas l’habitude de se voir ainsi. Elle tourna sur elle-même, c’était étrange. Tout ça lui faisait penser aux réceptions que donnaient souvent ses parents, réceptions qu’elle avait hais par leur sérieux horripilant, le côté strict et bonne manière qu’il fallait adopter tout au long de la soirée. Heureusement, ce ne serait pas le cas cette fois. Saskia attrapa son masque rouge, celui qu’elle avait acheté peu après la conférence de la directrice au sujet de ce bal masqué. Avec cet accessoire on ne voyait plus son visage. Cela donnait un côté mystérieux. Elle espérait que personne ne la reconnaisse en espérant de son côté reconnaître certaines personnes. La jeune fille grimpa sur des escarpins et sortit de sa chambre. Elle aurait aimé pouvoir y aller avec Cato mais celui-ci n’était pas encore arrivé, ou alors il y était déjà ? Arriverait-elle à le reconnaître ? Elle ne pensait qu’à s’amuser et avait totalement oublié l’histoire de sa « mission ». Dans la voiture elle relit rapidement en quoi consistait justement ce dernier. Jody Lipinski. Elle ne connaissait pas du tout et n’en avait jamais entendu parler. La blonde trouva rapidement une place, vérifia si le masque était toujours sur son nez avant de sortir. Pour cette soirée, elle ne serait pas la même, elle allait profiter de son anonymat. Des éclats de rires s’élevèrent, des bruits de talons claquant le pavé résonnèrent. Discrètement son regard balaya ses silhouettes qui ne lui disaient rien. Ses prunelles bleues en croisèrent d’autres. Tout se dire par leur regard. Quelque chose de rare, révélant une certaine complicité. L’idée de ne pas avoir à parler mais juste à regarder, l’enchantait. La salle dans laquelle Saskia s’engouffra était chaleureuse, une ambiance agréable déjà régnait. On l’incitait déjà à venir, on la prenait avec douceur par la taille pour l’amener au centre. Et c’est avec un sourire malicieux qu’elle se laissait faire. Toutes ces couleurs, tous ces bruits, lui faisait penser au carnaval de Venise, un spectacle magnifique. Elle se sentait entraîner dans une danse de caresses qui la berçait gracieusement. Mais elle dut arrêter le manège en apercevant l’escalier. Il ne fallait pas oublier la mission qu’on lui avait confié. Saskia monta les escaliers mais avant de disparaître, elle laissa son regard curieux balayé la pièce en-dessous, mais, chaque visage ne lui rappelait rien. Elle s’enfonça alors dans le couloir. Il faut le dire, elle préférait aller danser plutôt que d’aller s’enfermer dans une pièce, même si rencontrer une nouvelle personne ne lui déplaisait pas. Elle voulait juste s’amuser. S’amuser. Priant pour que cette Jody le veuille aussi, sa main tourna la poignée de la pièce close et elle entra dans une petite pièce. Celle-ci était plutôt douillette, mais l’ambiance n’était pas la même qu’en bas. Il n’y avait personne. Elle était en retard mais il faut croire que Jody aussi. Elle sourit alors et se dirigea vers un comptoir où elle remplit un verre de … Peu importe, elle se servit un verre.

Spoiler:

Mesdames, mesdemoiselles : Serrez les corsages, faîtes voler les lanières, enfilez les jupons, secouez la dentelle, cambrez vos hanches, bandez vos muscles, et des rayons de dents blanches, et des rayons de fines jupes !
Non, je n'ai rien entendu qui ressemble à ça, pas de cris qui nous incitent à être les plus belles, à être les plus classes. Et pourtant, il y a ces rangées de dindes qui poussent des cris aigus, se font blanchir les dents et dandines leur gros cul, folles de joie ou folles tout court... Ce manège infernal a commencé il y a quelques jours. Les pintades se sont réveillées de bon matin, la gueule enfarinée, mais sûres d'elles, des coqs en pattes. J'ai vu leur air hagard et leur sourire écervelée, et j'ai compris qu'un changement opéré. Mais quel changement ? That's is the question. Je ne me suis pas encore intégrée, et je ne pense pas que ce sera jamais le cas. Je n'ai rien en commun avec ces poulets Canadiens, et j'ai encore moins envie que ça devienne une contagion, leur syndrome de la libido qui explose. Peut-être que je le vis mal, aussi - mais peut-être - , de ne pas encore avoir Bruno avec moi. La mauvaise humeur me poursuit toute la sainte journée, et j'ai une envie coriace de leur faire manger leur lime à ongle. Il faut que Bruno me revienne. Parce que sans lui, je deviens plus chiante qu'elles. Une vieille qui radote et qui grogne toute la journée, dans le rayon de la vieille aux chats, dans la série les Simpsons. A la différence que je n'aime pas les chats, non plus... Et que je suis peut-être pire qu'elle.
Au final, j'ai fini par comprendre toute seule - parce que oui, personne ne me l'a dit puisque je ne parle à personne. Le bal. Waouh. C'est ça qui les met dans cet état ? Le bal masqué. Ah pardon : WAOUH ! Le bal masqué, avec des missions, attention ! Là, j'ai tendu l'oreille. Anonymous, missions... J'avais entendu parler de ces gas-là, la dernière Fraternité clandestine qui suit de près les élèves, mais surtout met le bordel dans la paisible université. Là, ça m'a tout de suite plus intéressé. Y'a eu l'enveloppe plus ventarde que féérique. Mon nom en lettres d'or, ce que ça a put me faire rire. "Mlle Jody Halina Lipinski, votre mission sera, si vous l'acceptez...". J'ai commencé à devenir aussi pathétique que ces filles. Il fallait pas me tenter, je me prends au jeu si facilement... Lorsque Bruno m'a appelé, il s'est moqué de moi : "Oh, Judie-Jude s'est dérouillée ? T'as six ans ou quoi ? C'est un truc de nénettes ce truc-là...". Je lui ai parlé des missions. Il a aussitôt proposé de devenir mon cavalier. "Va te faire foutre, Bruno ! Commence déjà par traverser l'océan !". Il m'avait mit en retard, ce con. M'avait quand même envoyé une robe de soirée qui avait survolé l'Atlantique... alors bon. Je m'étais surtout concentrée sur mon masque. Un masque noir de loup, avec un extra en plumes toutes aussi ébénes. Je faisais quand même peine à voir à marcher dans la rue, seule, habillée comme dans les soirées mondaines des années soixante-dix. Et je l'ai vu dès que je suis entrée. Mademoiselle Saskia Adeïev, je me souvins. Connais pas. Belle blonde pulpeuse, déjà des paires d'yeux sur son dos dévoilé. Je grogne presque devant ces mecs. C'est ma mission, oh. Jettez votre dévolu ailleurs. Il me regarde comme la dernière des perdues. Si j'avais pas eu peur d'abîmer mon gant de soie, je leur aurais fait un doigts.
Me mêler aux gens, ça me fera le plus grand bien. Je me répéte ce que m'a dit Paul, lui. Ô grand sage Paulo Lipinski, toujours la parole subtile qu'il faut pour te rappeler que tu es seule au monde. Je m'assoies à côté d'elle en un 'pouf' aussi sexy qu'il en a l'air... Je suis au sommet de ma forme... Ce n'est que maintenant que je m'aperçois qu'on est seules. Je regarde la pièce, impressionnée. Puis pose finalement mes yeux sur Saskia. Je m'effraie à être aussi spontanmée. D'ordinaire, j'aurais mi le plus de distance possible. J'ose un "Bonjour..." en me convainquant que, non, je n'ai pas l'air d'une imbécile...

Sa main fine entourait le verre alors que son autre main s’emparait de la bouteille dont elle ne prit pas la peine de vérifier le nom. Qu’importe, il lui fallait juste, un verre. Un petit sourire aux lèvres, elle se dit qu’il y devait y avoir tous les étudiants ici. Elle aurait bien revu Avril, sa voisine, puis Anthony aussi, ce mangeur de fondant au chocolat, et Aaron, son guide. Saskia sourit encore en versant le liquide dans le verre toujours vide. La jeune blonde l’emmena aussi jusqu’à ses lèvres qu’elle trempa d’abord doucement, puis l’enfila d’un coup. Elle se resservit un verre et alla s’asseoir sur le canapé. Le masque la démangeait atrocement, elle tentait de se gratter en passant ses doigts sous l’accessoire sans grand succès, elle l’aurait bien enlevé mais, c’était un bal masqué. Masqué. Un soupir se fit entendre dans la pièce. Elle était toute seule. Elle s’était cru en retard mais finalement, elle ne l’était pas tant que ça. Finalement, une brune entra, elle ne voyait évidemment pas son visage ce qui était pour le moins, énervant. Tout ce qu’elle savait à son sujet, c’était son nom, et Saskia aimait pouvoir mettre un nom sur une tête, mais là, ce ne serait pas le cas. La jeune blonde ne la quitta pas des yeux, jusqu’à ce que Jody s’assied à côté d’elle. La blonde esquissa alors un grand sourire, comme à son habitude d’ailleurs. Il faudrait peut-être qu’elle arrête de sourire, qu’elle arrête d’avoir toujours l’air faible, fragile, frêle. Tout c’est truc qui la ramène à cette position d’infériorité. Quelle idiote elle faisait tout de même. Ses yeux parcoururent la pièce, elles étaient enfermées là toutes les deux, elle ne s’en était pas rendu compte auparavant. Elle n’avait pas fait attention. Elle ne faisait jamais attention. La porte était-elle fermée à clé ? Oh non, sûrement pas, ils ne pourraient pas faire ça ? Non, ils savaient qu’elles resteraient pour la mission, elles n’étaient poussées que par cela de toute façon. Peut-être même que Jody n’était venue que pour accomplir la tâche qu’on lui avait confié. Saskia trempa à nouveau ses lèvres dans l’alcool. Un bonjour se fit entendre, perçant le silence qui s’installait, à nouveau elle posa ses yeux bleus sur la brune avec un petit sourire :

« Bonjour »

La tournure de la situation était assez étrange, elle ne pouvait pas se présenter comme d’habitude, dire son nom par exemple serait totalement inutile car elle le savait déjà. Saskia n’allait pas non plus lui raconter sa vie, elles ne se connaissaient pas. Au vu de la situation, la jeune blonde ne savait pas vraiment quoi dire, pourtant, elle voulait faire connaissance avec cette jeune fille. Après tout, Saskia avait toujours aimé les nouvelles rencontres. Elle leva un peu son verre en le remuant légèrement :

« Tu veux un verre ? »

C’était la moindre des politesses, et puis, ça les mettrait à l’aise comme ça. Ou pas, peut-être que Jody n’aimait pas l’alcool. C’était fort possible. Néanmoins c’était la politesse, elle se voyait mal continuer de boire son verre en regardant la brune dans le blanc des yeux. Elle attendit sagement sa réponse. Tentant même d’imaginer son caractère. Saskia avait toujours vu les brunes comme des têtues, des fêtardes, des sans gênes, bref, dans ce genre. Ce n’était qu’un préjugé sans aucun doute car elle-même pouvait être comme ça ou ne pas l’être ; tout dépendait de la situation. Jody pouvait être une vraie peau de vache et faire un effort en même temps. Il faut l’avouer, si elle était une peau de vache, Saskia priait pour qu’elle fasse un effort. Son masque la démangeait toujours et elle ne savait pas combien de temps elle devrait rester ici, ainsi, elle ne savait pas si elle tiendrait jusqu’au bout avec ça sur son visage.

Elle sirote un verre comme un de ces films où la belle attend son prince charmant, et voilà que j'arrive enrobé de ma robe crème chantilly : c'est le crapeau qui déboule, y'a erreur sur la commande.
Boire à cette heure, ça me semble déjà déraisonnable. Paulo commence à déteindre sur moi, j'ai peur - déraisonnable, ça c'est bien un mot à lui. Mais c'est ce que je pense. A peine arriver, se mettre à boire. En même temps, pauvre d'elle ; en voyant avec qui elle est tombée, c'est pas le verre qu'elle va se faire, mais la bouteille. Malgré le cadre pire que magnifique, il n'y a pas de grandes disctractions. une fois que tu as fais le tour de l'ambiance bon chic bon genre à l'italienne et des tons chauds que la lumière projette, tu t'ennuies comme un rat mort. La clef du succés ? La conversation. C'est pas une bouteille qu'elle va se faire, mais deux la jolie... Bon noyer le désespoir, dans un premier temps, puis pour noyer l'ennui... Ah, et dire que les princes de bouscoulent à l'entrée et qu'elle est tombée sur le crapeau. Une moue d'enfant se dessine sur ma bouche. Je m'invente un conte de fée : la belle princesse désespérée, le prince doublé par le crapaud, la belle princesse se saoule, de désespoir et d'ennui... Un best-seller, sans aucun doute. Et là, je vois bien d'un côté Paulo qui me dit que je devrais grandir, et de l'autre, Bruno qui, attendrit par mon pôle enfantin, me sert un verre - parce que oui, tout est logique... Ça y est, je suis ridicule.

- Tu veux un verre ?

ALLELUJAH. J'allais encore plus m'enfoncer si elle n'avait pas secouer sa coupe sous mes yeux. Je m'empresse d'accepter, à ma façon, comme toujours :

- Boire ou mourir. C'est comme ça que ça marche ici, j'ai l'impression...

Pas moins sur qu'elle comprenne qu'il s'agit là de mon humour bizarre... Pas moins sur qu'elle m'assome avec la bouteille et s'enfuit. Ce soir, j'ai l'air d'une illuminée, vraiment...

- Je veux dire, oui s'il te plaît, je traduis en bon Français.

Moi qui critiquais un instant plus tôt l'heure pour boire, je suis la première à céder. En réalité, je pris pour que ça me fasse taire.

C’est vrai que boire à cette heure-là, ce n’était pas raisonnable, pas raisonnable du tout même. Mais, depuis quand existe-t-il des règles pour ça ? Depuis quand existe-t-il des horaires ? Oh oui, il y a des secondes, des minutes, des heures, chacune sont consacrées à quelque chose en particulier, chacune sont réservées pour faire quelque chose de spécial. Et malheur à celui qui ne respecte pas les règles. Les règles de la vie. Les règles de vie. Mais Saskia en avait marre de ces règles, celles que ses parents adoptifs avaient finies par lui imposer. Car les règles impliquent des obligations, car les règles impliquent des restrictions. Car les règles impliquent forcément quelque chose. Et s’il n’y avait plus de règles ? Est-ce qu’elle serait plus libre ? Et faire des choses en dehors des règles ? Est-ce pour elle une manière de montrer son épuisement à suivre les règles à la lettre ? La blonde pouvait retourner les questions dans sa tête, cela ne changeait rien, elle était en train de siroter son verre. Le regard quelque peu dans le vide. Le silence était agréable, le silence était reposant mais le silence laissait passer les doutes, laissait passer les craintes. Mais n’est-ce pas agréable de parfois se remettre en question ? Peut-être pas. Mais ne jamais se remettre en question, c’est ne jamais agir. Non ? Oh, elle partait dans de trop grandes questions, dignes de ces cours de philosophie. Il fallait sortir de tout ça.

Ses yeux se baladèrent sans pudeur sur les murs aux couleurs chatoyantes, ces couleurs chaudes nous mettaient dans une ambiance chaleureuse. Cela aussi était agréable. Effectivement, après avoir regardé les meubles en bois et le papier peint devant elle, il n’y avait plus grand-chose à faire. Heureusement que cette jeune fille était là. Qui était-elle ? Cette fille cachée derrière son masque ? Peut-être qu’elle suivait les règles, elle aussi, peut-être qu’elle ne quittait pas les chemins tracés ? Ces chemins existaient-ils seulement ? Quitter le chemin tout tracé, était-ce être perdu ? Etait-elle perdue ? Sûrement. Elle se sentait délaissée et en même temps, totalement libre de faire ce qu’elle avait envie. Jody accepterait-elle le verre ? A quoi pensait-elle ? L’alcool n’était jamais bon pour elle. Trop faible pour supporter quoique ce soit. Il la faisait divaguer parmi des questions incessantes et inutiles. Saskia ferma les yeux quelques secondes, tentant de retrouver une logique dans ses raisonnements. Elle se perdait toute seule.

Jody finit par répondre, et ce fut une libération en quelque sorte, bien que la blonde se rendit compte que la jeune femme n’avait pas mis si longtemps à lui répondre. Et cette réponse était pour le moins … Amusante. Surprenante même. Boire ou mourir ? Etait-il préférable de mourir plutôt que de se noyer et de se perdre dans ce liquide ? Peut-être. Que voulait-elle dire par là ? La vie était-elle si horrible pour que les hommes n’aient que ce choix pour échapper à cette misérable existence ? Ce point de vue était assez pessimiste sur la nature de l’homme, sur la vie en elle-même. Une fois de plus elle partait trop loin dans des pensées exténuantes. Saskia finit par rire en regardant Jody, non pas par moquerie, pour rien. Rien. Si elle commençait à faire des trucs incohérents, la brune allait s’enfuir en courant. Et la dernière chose dont elle avait envie, c’était d’être seule. Saskia posa son verre :

« Pourquoi boire ou mourir ? Il n’y a pas d’autres alternatives ? »

C’était bien à elle de dire ça alors qu’elle s’était précipitée sur ce petit verre. Jody enchaîna par ce qu’il semblait être une traduction de sa réponse précédente, fort utile à vrai dire puisque la jeune fille n’avait pas vraiment compris où elle voulait en venir. Mais elle sourit tout de même, cette fille était pour le moins, originale, vraie en quelque sorte. Pas comme toutes les autres filles stéréotypées. Elle-même était un stéréotype, ce qu’elle détestait, mais une fois encore, ses parents adoptifs y avaient beaucoup contribué. Elle était une image. Une simple image. Saskia se leva souplement, toujours avec un sourire, et se dirigea vers le meuble sur lequel était posé la bouteille et un autre verre. En servant le liquide, elle se demanda en quoi consistait la mission de la brune ? C’est vrai, que pouvait-elle bien lui vouloir ? C’était stressant et amusant de savoir que l’autre dans cette pièce, avait aussi quelque chose à faire, un but inconnu, mystérieux. Elle se retourna et s’approcha de Jody en lui tendant le verre :

« Et voilà ! »

Saskia se laissa tomber dans le canapé, lâchant un soupir. Elle était bien tout de même ici. Rien ne pouvait l’atteindre, rien ne pouvait lui faire du mal, si ce n’est ses souvenirs, mais ceux-là, elle les garde au fond pour l’instant. La jeune fille se tourna vers Jody. Il était temps de briser le silence et de faire connaissance avec cette fille, rien de mieux que de commencer par les questions basiques du genre :

« Tu es dans l’université depuis longtemps ? »

Assez pathétique comme commencement d’ailleurs. Faut bien un début à tout.

- Pourquoi boire ou mourir ? Il n’y a pas d’autres alternatives ?

Oh si, il y en avait des tas. Mais je suis dans cette phase où tout ce qui me passe par la tête ne peut s'empêchait d'en sortir aussitôt. Que ça ait un sens ou non.
Boire ou mourir, c'est ce que cette salle m'inspire, en fait. Dans sa fausse modestie, sa dentelle à la Louis XIV, la pièce close reflête tout ce que l'ennui a à vous offrir. Le petit ditraiement, je ne vois que l'alcool. Boire ou mourir. J'ai l'impression qu'ils nous ont condamnés à ça, les salops.

- Y'a toujours la parlotte. Autant vous dire que je suis pas forte à ça.

Une des raisons qui me poussent dans mon raisonnement. La parlotte, la belle parlotte, est peut-êtrela seule alternative à la masse de ronflements qui plâne au dessus de nos têtes, mais aussi un art dans lequel je me montre bien téméraire autant que catastrophique... peut-être pour ça que je l'ai tout de suite éliminée... sûrement même. En même temps, qu'est-ce que je fiche ici alors ? On est pas venu pour voir les mouches volées, ça faisait partit du deal de remuer péniblement la langue.
Bientôt mon verre fut plein. Je me moquai intérieurement de moi-même qui avait râler en voyant l'heure. Ah, petite mamie qui raisonne en "fais pas ce que je fais".

- Tu es dans l’université depuis longtemps ?

Nous entrons dans la première phase : les banalités. Un passage obligatoire pour toute conversation. Peut-être celui que je maitrise un temps sois-peu aussi.
Je me redresse sur mon siège, et réalise que j'ai la boisson entre les doigts. Mon regard trahit mon manque d'accoutumence, je remercie saskia dans un murmure tardif.

- Quelques semaines, un mois à tout casser.

Je n'ai pas évoqué mon arrivée en pleurant. C'est déjà un exploit. Je n'ai pas évoqué Bruno en hurlant. Deuxième exploit. Autant dire que fermer ma gueule, pour la première fois dans toute ma vie, c'est dur ce soir.

- Et toi ? Habituée à ce genre d'évênements ?