Sujet: « RUN. RUN. » [Anthony & Caleb] Dim 20 Mai - 15:08
« RUN. RUN. » [Anthony & Caleb]
Immédiatement sa raison s'en alla. L'éclat de ce soleil d'un crêpe se voila ; Tout le chaos roula dans cette intelligence, Temple autrefois vivant, plein d'ordre et d'opulence, Sous les plafonds duquel tant de pompe avait lui. Le silence et la nuit s'installèrent en lui, Comme dans un caveau dont la clef est perdue. Dès lors il fut semblable aux bêtes de la rue, Et, quand il s'en allait sans rien voir, à travers Les champs, sans distinguer les étés des hivers, Sale inutile et laid comme une chose usée, Il faisait des enfants la joie et la risée. ► BAUDELAIRE
L’enveloppe tenait faiblement dans ses doigts. Le papier semblait trembler de la stupeur de celui qui l’avait reçu. De la stupeur tout autant que de la colère. Une jalousie violente qui prenait racine dans son sœur pour s’infiltrer dans son esprit. Il savait pourtant que là, était tout le but, on le connaissait apparemment trop bien. On anticipait ses réactions et ses conséquences et c’était bien cela aussi qui mettait en rage le jeune homme. Il avait l’impression d’avoir été enfermé dans une prison dans la seule obligation de faire une mission tout aussi ridicule que les propos tenus sur le papier. Il avait d’abord été enchanté par l’idée même du bal masqué. De quoi faire des rencontres, visualiser un peu les étudiants de l’université et passer une bonne soirée. Après l’annonce des missions, il avait été dans le même état que les autres : en attende de sa mission, fébrile, il attendait le partenaire. Anthony Domenichi. Stricte inconnu du nom, à part peut-être le sentiment désagréable que ce n’était peut-être pas un inconnu. Il ne pensait jamais avoir croisé son visage ni son regard et pourtant, les Anonymous, groupe scrupuleux qui espionnait les étudiants et connaissait leurs secrets, le mentionnait. Il voyait les lettres d’encre se fondre avec le papier. « […] qui est le meilleur ami d’Aaron Keenan. » Il déglutit pour la énième fois en lisant les mots. Ce n’était pas un simple inconnu avec qui il faudrait passer la soirée mais une personne, qui sans qui ne le sache, était aussi le meilleur ami de son propre meilleur ami. Il s’était d’abord dit que c’était un mensonge dans le simple but de le mettre en rogne mais selon le principe, non. C’était bien la vérité. En plus d’être violement jaloux, le jeune homme se sentait trahi de ne pas avoir été prévenu par Aaron. Non, bien entendu, il l’avait fait pour lui et pour ce soi-disant meilleur ami. Il savait très bien comment le brun allait réagir et Aaron avait voulu protéger les deux. Raté. Encore que l’idée de faire comprendre sa jalousie au dénommé Anthony ne l’aurait pas dérangé, il n’avait plus vraiment le choix. Il n’avait pas d’issu possible que la mission qu’on lui avait attribuée. Dérisoire, ridicule même. Il ne pouvait pas le faire. C’était même invraisemblable. Les raisons donnés ? Il préférait ne même pas y penser. Peut-être n’étais-ce pas le fait simple d’effectuer la mission. Il le ferait une fois et puis oublierait vite. Seulement, c’était plutôt la motivation. Lié à Aaron. Il sentait une nausée remonter. Il ne savait plus où il en était. Tout tournait. Les souvenirs, le pacte du sang, la drogue, les retrouvailles, le meurtre, la haine puis l’attachement. Etait-ce de cela que tout était partie ? Etait-il possible un instant, une minime seconde qu’il ne soit pas celui qu’il penser ? A moins qu’il ne ce soit toujours berné. Il s’était menti à lui-même pour ne pas voir la réalité en face. Il s’effrayait de plus en plus. Non pas que ce soit une nouvelle évaluation actuelle de soi, tantôt négative, tantôt positive mais plutôt cette compréhension, ce soulagement de enfin trouver. Ou non. Ce n’était peut-être que des idées. Il ne savait plus où il en était. Il tombait, il tombait de si haut.
Vêtu d’un pull cintré beige au col en v et d'une chemise dont les bords dépassés, et d’un pantalon slim sombre, son masque reprenait des couleurs plus marron et sombres, avec des traits ourlés de dorés sur le haut de ses yeux. Il ne supportait pas le contact mais il n’avait décidément pas le choix. Il jeta un regard à l’immense bâtisse qui le dominait de sa hauteur. Il fut subjugué par son côté mystérieux que lui donnait la façade aux pierres anciennes et alors grisé et bleuté par le ciel sombre. Ses volets grinçaient de temps à autre lorsqu’une bourrasque venait s’y engouffre comme un souffle. Les arbres se balançaient dans un murmure tout aussi impressionnant, entourant la maison, d’une barrière imposante. La porte en chêne qui dominait le parc, lui donna un frisson. Il n’avait pas le temps de s’attarder à regarder les lieux même si l’ambiance qui y régnait, l’attirait plus que l’intérieur, chaud et rougeoyant de fête. Il sentit une dernière fois l’odeur des pins, celle plus sauvage et plus douce de l’eau que produisait la fontaine et s’avança vers la porte. Les autres aussi, semblaient arriver de toutes parts, parfois seuls, parfois accompagnés. Il pénétra dans l’enceinte et arriva directement dans le salon, poussé par une vague d’étudiants. Il voyait les masques défilaient sous ses yeux. Une danse de couleurs dorés, argentés, de plumes virevoltantes et de perles cristallines. Les robes glissaient et le bruissement du tissu s’accompagnait avec le léger cliquetis des talons sur le pavé. Partout, les regards se croisaient, se cherchaient et le bal masqué était alors ce qu’il était vraiment. Un échange de sentiments. Il croisa les pupilles dorés de demoiselle et déglutit en pensant qu’il pouvait croiser Ambroise, Aaron, Saskia et toutes ces personnes qui s’entremêlaient à sa vie. Il s’imagina Aaron avec un masque avant de repenser à l’invitation. De quoi briser les pensées les plus heureuses. Il fut pris dans la ronde d’une danse, glissant près des corps, le regard se noyant dans ceux des autres. Des masques bleutés à ceux sombres, en passant par les plumes rouges. Il voyait le spectacle, il voyait défiler la vie, la soirée, comme si elle lui était étrangère. Il leva les yeux. Un escalier en colimaçon grimpait sur le mur. Apparemment, il devait aller dans une pièce close. Le nom lui faisait peur. Close. Aucun moyen de sortir. Il détestait ce genre de situation. Cette fois-ci, il n’allait pas être le maître de ces actes. Il allait être un simple acteur et il détestait ces situations. Il mourait d’envie de retirer son masque. Il détestait le fait de porter quelque chose sur ses yeux et le fait de ne pas pouvoir reconnaitre les personnes, l’horripilait encore plus. Il pensa à Anthony. Un nom qui portait déjà un mauvais espoir. Il aurait du le rencontrer dans d’autres circonstances. Malgré le fait que Caleb n’aimait pas particulièrement les journées entières avec les hommes. Il s’énervait souvent très vite pour des raisons inutiles, se sentant en concurrence. Sauf avec Aaron. Il monta les marches une à une comme si chaque pas le rapprochait d’un enfer comme d’un autre. Il s’appuya contre le mur en bois et observa les lumières qui vacillaient sur les murs. Il alla ensuite droit à la chambre portant le numéro 12 comme lui avait indiqué l’invitation et poussa la porte. Personne n’était encore dedans. Seul le silence lui répondait, comme toujours. Il referma la porte, enleva son masque et le posa sur la commode qu’il effleura du bout des doigts. Maintenant seul, il n’avait plus besoin d’être masqué. Il regarda avec détachement les canapés, le miroir qui lui refléta son image. Des yeux gris verts, des boucles brunes qui s’éparpillaient sur sa tête et son front. Il fuya l’image et se retourna, entendant le craquement de la porte. Il avait déjà de nombreux réflexes à force d’avoir toujours été sur le qui-vive. Il fixa la porte et demanda :
» Anthony ? »
Savait-il lui aussi qu’il avait devant lui Caleb Ryker, le meilleur ami d’Aaron. Avait-il une seule fois entendu son prénom. Il prit soudain conscience qu’Aaron avait surement honte de lui. A vrai dire, pourquoi cela changerait-il ? Oui bien entendu, il savait que Caleb allait s’énerver. Il avait tout prévu. Sauf ce qui se passait chez le jeune homme. Jamais un seul instant, il aurait pu avoir cette différence. Ce n’était qu’un déclic, et surement du à la jalousie naissante. C’était lui qui avait engendré le mécanisme. A trop s’attacher, on se perd. Il l’avait éloigné du cocon devenu presque rassurant de la cité. C’était de sa faute. Il tournait, il tournait et il tombait. Il fixa la porte. Il ne s’attendait plus à rien. Il voulait juste comprendre. Il regarda la tapisserie aux couleurs pastels. Puis la porte. Qu'allait-il se passer ? Il se le demandait, il se le demandait. Il ne pouvait plus rien prévoir, il ne pouvait plus réfléchir à ce qu'il devait faire. La jalousie, la colère et cette incompréhension face à ce qu'il ressentait. Ce vide impressionnant qui avait remplacé la peur. Cette acceptation de l'autre, comme s'il était enfin dans le bonne note. Le fil était juste tendu, il ne se casserait pas. Où était la faille ? A trop savoir que les coups arrivent sans qu'on s'en aperçoive, Caleb prévoyait un très mauvais tons pour ce bal. Comme si brusquement, il y aurait un immense tournant.
BY CAELIS
Dernière édition par Caleb K. Ryker le Mer 6 Juin - 17:43, édité 5 fois
Sujet: Re: « RUN. RUN. » [Anthony & Caleb] Mer 23 Mai - 16:48
« Une main qui échappe à la succion d’une eau noire, un poing qui a fendu la couche de glace et un corps qui se traine jusqu’à la surface. Un garçon qui gît dans la lumière cireuse du soir, des poumons qui aspirent l’air propre de l’hiver, des yeux tournés vers le ciel où même les étoiles les plus pâles brûlent intensément après une aussi longue obscurité. Je vois un homme qui marche vers le lac, venant de l’ouest, son corps projette une fine ombre. Il offre sa main : tordu, arthritique, une vraie serre. Le visage du garçon est lisse, sans une ride, il est préservé sous la glace ; celui de l’homme est comme une carte routière de nœuds, de cicatrices et d’os mal ressoudés. Pendant un long moment, le garçon ne bouge pas. Puis il lève le bras, prend cette main. L’homme serre très fort ; le garçon a le souffle coupé devant la force de cette poigne. Ils marchent dans l’ombre, ils marchent dans la lumière. » ► Craig Davidson.
Il parait que les ronds formèrent les lettres. Que les lettres formèrent les mots. Que les mots formèrent les phrases. Que les phrases formèrent les histoires. Il parait qu’on a tous une place quelque part et que le temps emporte parfois nos chances de la trouver, nous projetant loin de ceux que nous devrions, et avons toujours désiré être. Selon d’autres, on a le privilège de la vie, peut-être ces quelques minutes qui s’écoulent comme des grains de sables mais au moins savons-nous que chaque fois que nos poumons s’emplissent d’une nouvelle bouffée d’air, nous vivons. Ephémère de savoir que nous sommes qu’un point dans l’univers, un pixel semblable à une poussière. Illusion ou simple réalité brut ? Il parait que les ronds formèrent les lettres. Que les lettres formèrent les mots. Que les mots formèrent les phrases. Que les phrases formèrent les histoires. Il parait qu’il y a des histoires aux fins mélancoliques, d’autres dont les débuts sont les plus heureux. Il n’y avait plus d’histoire pour l’ombre qui s’étalait sur le mur de la pièce close. Une ombre, une simple ombre. Océan noir d’obscurité qui se noyait dans ses propres ténèbres. Ce n’est pas la vie qui nous dévore, c’est nous-mêmes. Ce n’était pas son passé qui le rongeait mais lui-même. Son regard vide se plongeait dans les reflets de la lumière blanchâtre de la lampe, vagabondant dans les lueurs légères, tressautant face aux faisceaux agressifs. Il se noyait. Ce n’était pas un dénouement, ce n’était pas une conclusion, un début d’une fin, ou le commencement mais un relâchement. Longtemps, il avait cru chevauché près de la mort, ridiculisant la vie, presque comme savoir qu’il gagnait. Il avait battu sa propre existence, il en contrôlait les rouages. Longtemps, il avait cru que tout était divagations, que tout était mensonges, que tout était ironies, que tout était sarcasmes. Il s’était cru mur de glace aux sentiments, qu’après tout, c’était ridicule de pleurer pour quelques propos mal tenus. Les angoisses revenaient. Une à une, elles s’égrenaient. Il était devenu paranoïaque. De quoi prendre peur et se fuir soi-même mais il avait laissé une once de sentiment en permanence chez lui. Toute sa vie avait été construite sur des principes. Règles simples ou complexes, limites, dépassement. Il n’aurait su dire. Il devait tout briser, tout détruire, pour que rien, jamais ne l’empêche d’être celui qu’il n’était pas. C’était donc un ensemble de contradictions qui brillaient sur l’ensemble de sa fierté. Cela pouvait paraitre ridicule : tout le monde gardait la tête haute, pleine d’un espoir de vaincre encore et encore mais lorsque les coups de la vie pleuvaient, on lâchait prise. Les principes résistaient ; mur de sentiments à peine dévoilés. Les larmes étaient tout simplement une marque de faiblesse. Les sourires, les murmures, les chuchotements. Tout un ensemble marqué. Peut-être l’ombre aurait été différente si cette petite vague, même s’il ne dépassait parfois pas même une minuscule limite, n’était là. La violence aurait pu partir au premier mouvement et grincement que fit la porte. Légèrement agaçant pour ce tintement irrégulier face à la tête déjà en feu du jeune homme. L’apparition de la haine lui parut comme un minuscule pantin. Blond, les cheveux raides mi-longs, malgré quelques mèches en zig-zag, le costume élégant du jeune homme qui se veut prêt à plaire, les yeux lumineux. Une description presque impossible pour les yeux critiques du brun qui détaillaient avec appréhension celui qui venait d’arriver dans la pièce. Il aurait presque pu pousser un soupir. Un craquement d’épaule et il n’y avait plus de tête blonde dans la pièce. Caleb ne cherchait même pas pourquoi Aaron était devenu ami avec lui. Il le savait. Aaron, n’était pas une personne, balançant son idéal d’amitié à tout va. On devait s’imposer quelque peu dans ses idées et ses goûts, quitte à prendre la place. Anthony – puisque le frêle jeune homme – était donc doté de ce prénom, avait un charme tout autre. Celui qui vous enveloppe, qui vous pousse à chercher à le comprendre, à le déchiffrer. Caleb aurait presque pu oublier la vengeance, la colère, l’invitation, la haine, la mission ridicule, les rumeurs et tout ce qui courait tout en ajoutant les sentiments contradictoires. Bien entendu, la pointe de fierté résonna dans sa tête. Jalousie, mensonge. Ce n’était pas le meilleur ami d’Aaron, il le savait, ces yeux avaient exagérés les mots de l’invitation. Il leva les yeux, sourcils froncés, poings tendus mais qui se décontractèrent à la venue du sourire du jeune homme. Il se demandait ce qui tintait de changement chez lui. Les mots, les mots qui rentraient dans son esprit, bousculaient ce qu'il pensait. Il aurait pu tout lâché. Il aurait pu tout simplement faire connaissance, se raisonner et savoir qu'après tout, il avait Aaron et il n'avait pas besoin de savoir le courant réciproque. Il le savait bien entendu ; il avait juste besoin.Il aurait pu tout simplement passer une bonne soirée. Il se réconforta même dans cette idée, lâchant ses défenses, oubliant sa fierté, le fond des problèmes tout en entendant la réponse d’Anthony. Les mots lui firent l’effet d’un baume. Ce n’était pas un ennemi, c’était juste une personne comme les autres, malgré le fait qu’il pouvait avoir Aaron tout comme lui. Egoïste comportement d’enfant, devenu adulte trop vite.
» Aaron m'a brièvement parlé de toi, » ajouta Anthony, transformant sans le vouloir son sourire en rictus arrogant.
Il parait que les ronds formèrent les lettres. Que les lettres formèrent les mots. Que les mots formèrent les phrases. Que les phrases formèrent les histoires. Il parait que des histoires pourraient commencer bien mais l’on sait qu’elles vont finir mal. Caleb rejeta sa tête en arrière, planta ses yeux dans ceux d’Anthony. Il détestait déjà ce petit ton supérieur, cette voix trop arrogante. Il détestait ce mot « brièvement » et ce sourire sur ce visage. Il détestait sans comprendre vraiment pourquoi. Peut-être qu’il lui en voulait de lui faire comprendre la vérité en face. Pas de celle d’Aaron, celle plus invisible. Il sentait ses paumes se tendre près de son corps. Il quitta le regard d’Anthony pour visualiser la porte et le verrou tourné vers la gauche. « Pièce close ». Il se rappelait maintenant du terme utilisé dans la lettre. Enfermé avec un abruti durant tout ce temps ? Caleb détestait les personnes qui pouvaient lui prendre et selon lui, alors lui voler, ce qui lui appartenait. Et en l’occurrence, les personnes auxquelles il était le plus attaché. Or Anthony avait quelque chose de bien plus mystérieux qu’un simple charme qu’on remarque. Sombre, peut-être. Le jeune homme n’avait aucune envie de le cerner. Il n’avait plus vraiment non plus envie de réfléchir. Chaque minute qui passait lui faisait faire l’effort de réfléchir, encore et encore et il sentait qu’il lâchait prise. C’était si bêtement évident. Le mur de glace allait se briser : un jour ou l’autre, il s’effondrerait dans le gouffre et personne ne le rattraperait. Il tourna la tête après avoir regardé en silence le reflet léger que projetait la lune sur le devant de la terrasse. Caleb avait pris soin d’ouvrir les fenêtres, il détestait lorsque tout était enfermé. Les rideaux se soulevaient dans un souffle régulier pour se plaquer contre les vitres puis redescendre comme une caresse. Le parquet brillait de cette lumière nouvelle. L’ombre de Caleb s’étala sur le mur puis s’agrandit en s’approchant d’Anthony. Il le fixait de toute sa hauteur, un sourire démoniaque sur le visage, bien conscient de l’effet qu’il produirait sur le blond. Sa voix pleine de sous-entendus acheva :
» Ah vraiment, il t’a parlé de moi ? »
Il soupesait ses mots. Lentement, il articulait chaque lettre pour lui en faire comprendre les formes. Chaque syllabe prononcé avec un sarcasme glaciale et provoquant, tandis qu’un sourire tout aussi froid se plaquait sur son visage. Il s’adossa au mur, le visage légèrement en arrière, quelques mèches folles lui barrant les yeux, le sourire s’éloignant doucement pour laisser place au vide. Rien d’autre qu’un gouffre puissant qui s’abattait sur lui. Il savait ce qu’il restait à faire. Aaron lui en voudrait à jamais s’il s’énervait sur le blond alors ne restait qu’à agir par d’autres moyens. Il allait le tester. Voir ses réactions, ce qu’il aimait, ce qu’il détestait. Le tester. Lentement. Il soupira, tourna les yeux. La jalousie restait pourtant là. C’était plus fort que lui et les mots qui sortirent de ses lèvres, il aurait aimé ne jamais les prononcer mais ce n’était plus son esprit calculateur qui parlait mais son cœur.
» Si tu comptes lui faire du mal ou que tu fais quoi que ce soit qui aurait un rapport directe avec Aaron et qui changerait quelque chose, je te promets que j’écrase ta tête contre un mur. »
Cependant, il restait une dernière chose. Il allait être enfermé toute la nuit avec cet abruti alors tant qu’à faire, il n’allait pas s’ennuyer. S’ennuyer et aussi en profiter pour récolter un maximum d’informations. Il valait donc mieux reprendre du tout début, voir comment était Anthony. C’était bien plus compliqué dans la conscience de Caleb. Les sentiments contradictoires se battaient à sang pour savoir ce qu’il resterait dans la lutte de son esprit. Il fallait faire un choix et il en faisait tellement qu’il ne savait plus si c’était pour cette raison ou une pour une autre. Tout se mêlait dans un seul choix. La mission, la soirée, la jalousie et Aaron. Ainsi que les propos de la lettre et ce qu’elle lui apportait. Caleb avait toujours eu besoin de se tester, de se chercher au plus profond de lui-même et pour cela, il n’avait pas trouvé meilleure choix que de dépasser les limites qu’on lui imposait. Il se testait, il cherchait ses réactions, anticipait ses émotions pour mieux savoir qui il était. Il se savait complexe tout autant qu’abruti. Il voulait des problèmes là où il n’y en n’avait pas. Dans les autres années, il y en avait eu tellement … Sans, c’était presque mourir. Dans un autre moment, il serait surement partie mais ce soir-là, tout était différent. Il allait enfin comprendre. Comprendre certains secrets qu’il s’était toujours caché. Anthony n’était qu’un point dans le jeu. Malgré tout, c’était un point mais il ne fallait jamais négliger une seule pièce. Il finit par s’assoir sur un siège, croisa ses mains sur ses genoux et entonna :
» Vous vous êtes rencontrés comment d’ailleurs tous les deux ? »
Son sourire était parfait. La juste symbiose pour savoir que ce n’était ni un mensonge ni une vérité. Un petit étirement du coin des lèvres qu’il avait toujours manié à merveille. Un sourire bienveillant, de celui qui veut éloigner les autres idées noires. Mensonge.
BY CAELIS
Dernière édition par Caleb K. Ryker le Mer 6 Juin - 17:28, édité 1 fois
Sujet: Re: « RUN. RUN. » [Anthony & Caleb] Mer 6 Juin - 17:27
Il me semble parfois que mon sang coule à flots, Ainsi qu'une fontaine aux rythmiques sanglots. Je l'entends bien qui coule avec un long murmure, Mais je me tâte en vain pour trouver la blessure.
À travers la cité, comme dans un champ clos, Il s'en va, transformant les pavés en îlots, Désaltérant la soif de chaque créature, Et partout colorant en rouge la nature.
► BAUDELAIRE
Dans toute la splendeur de toute son imagination, le jeune homme n’aurait pu parier, ne serais-ce que quelques pièces, sur le déroulement de la soirée. Alors que son regard effleurait celui de l’autre avant de se planter dans ses pupilles, il réfléchissait à la façon dont pouvait tourner la soirée – et l’empêcher, il n’en doutait plus, d’exécuter sa mission. Il aurait presque pu dans ce dédale d’actes et de paroles, réfléchir à ce qui l’avait poussé à venir passer sa soirée ici alors qu’il savait pertinemment qu’elle ne se terminerait pas en conte de fée. Seulement, l'envie de continuer à entrer dans le jeu pour tester Anthony et voir si cette fine figure qui aurait pu avoir une place chez les anges, avait autre chose que des remarques cyniques et froides. Il aurait aimé connaitre l'essence même qui se cachait derrière ces yeux, comprendre encore une fois, ce qui se bousculait dans son esprit. Les mots de l'invitation ne cessaient de tournoyer dans sa conscience, l’emplissant d'un bourdonnement qui en devenait insoutenable. Il n'aurait pu, même si l'envie ne cessait de le démanger, partir en poussant d'une main violente la porte en bois de la chambre. Dans tout le chaos de ce qui se passait et ce qu'il ressentait, il visualisait la lumière d'une vérité presque possible. Ce n'était rien, peut-être qu'une faille dans tout ce qu'il était mais il avait toujours pris l'habitude de trouver comment les combler pour ne pas rencontrer d'autres gouffres. Après tout, ce n’était qu’une suite de mots et pourtant, même s’il aurait souhaité assimiler la lettre à une simple boutade, il savait que le fond révélait une autre vérité. Il hésitait encore à réellement mettre des mots sur ce qu’il ressentait : à force de trop s’être enfermé dans des principes, cela lui paraissait impossible d’en sortir.
Son corps était brasier : il brûlait d’un feu intense et détruisait ce qui l’entourait. Il poignardait, il achevait les autres avec des mots qui n’étaient peut-être pas les siens. Il avait trouvé des causes dans chaque recoin de son âme : son enfance, sa mère, son père et la mort omniprésente qui rodait autour de lui. Il voyait le noir s’insinuait dans son corps, envahir sa conscience tout comme l’avait fait si justement la drogue. Sa vie aurait-elle été différentes des autres ? Il n’y avait que des mots. Chaque minute était rythmé par un mot. Les mots détruisaient les personnes, selon Caleb, les rongeant comme une flamme qui aurait embrassé du bois. Il avait beau jouer avec, et là était toute la subtilité, ce n’était qu’un jeu. Il se souvenait des mots jetés, des mots soufflés, des mots envolés, des mots murmurés, des mots criés. On lui avait dit qu’une vie sans avenir n’en n’était pas une. Qu’on ne vit pas sans projets puisque seuls eux animent notre vie. Pouvait-il songer à ce plus tard, à cet après qui semblait si loin ? Il n’osait avouer qu’il était parti à l’université juste pour fuir la cité, juste pour s’envoler, et il prônait des principes devant Aaron, lui expliquant sa volonté de changer, de devenir un autre. Cependant, il resterait toujours le même. Le changement restait un désir, un graal inaccessible alors qu’il savait que ces souvenirs étaient ancrés et constituerait à jamais sa seule personnalité.
Un jour, il avait planté ses yeux dans ceux d’Aaron et dans un souffle ultime, avait prononcé ces mots qui étaient restés gravés : « Nous attendons, nous attendons mais un jour, ce ne sera plus à nous d'attendre. » Et si sa vie n’était qu’une attente ? Une attente de quoi, il ne le savait pas encore. Figé sur place, arpentant sans grand succès toutes les voies disponibles, il cherchait cette place, cet endroit qu’on lui aurait désigné. Y en avait-il un réellement ? Chaque jour, il en doutait un peu plus. C’était une traque, un recherche continuel de lui-même sans pour autant qu’il ne réfléchisse, qu’il prenne le fond du problème. Il n’avait aucun endroit où se raccrocher à quelque chose : il avait tout perdu et c’était lui-même qui avait provoqué chaque instant, chaque conséquence. Son regard vola vers le mur. Faudrait-il s’arrêter pour mieux comprendre les autres, pour percer leurs secrets, de ceux qui se cachent derrière les sourires, les regards rieurs alors que tout est faux. Pourrait-on penser que la vie n’est en fait qu’un véritable mensonge ? Une facette de plus que les personnes se donnent pour ne pas se vouer à la vérité. La vérité faisait peur à chacun même si on s’évertuait de le nier. Il entendit la voix du jeune homme et releva doucement les yeux.
- Il m'a juste dit qu'il ne fallait pas se fier à ce que l'on racontait sur toi, déclara Anthony impassible.
Caleb s’était attendu à ce que le jeune homme lui dise une toute autre réplique, beaucoup plus glaçante – du moins pour lui – qui l’aurait conforté dans son idée qu’Aaron ne voulait pas qu’on sache qu’ils se fréquentaient. Après tout, même si une partie de lui-même, il ne pouvait en douter, en aurait voulu à son meilleur ami, une autre partie aurait analysé la situation et comprit que si les situations étaient échangés, il aurait peut-être fait de même. Ce n’était qu’une supposition, le « peut-être » rentrait bien dans sa vision de choses mais les rumeurs qui couraient sur son compte, avaient surement gênés Aaron, conforté dans sa vie tranquille sans problème et qui se voyait secoué par un manipulateur amateur de toutes sortes de situations le mettant dans des états critiques. Cependant, à un ami qui avait l’air, selon les informations, proche du jeune homme, il avait encore défendu – si on pouvait utiliser le terme dans la situation présente – pour répéter qu’il ne fallait pas se fier aux apparences. Loin de là l’idée que cela gênait Caleb, il en ressentait un peu plus d’attachement pour la seule personne qui réfléchissait vraiment à ce qu’il était. Quoiqu’en y pensant, le jeune brun ne faisait rien pour détourner les rumeurs, cela lui permettait de s’offrir un répit incertain mais qui lui permettait de se confirmer dans son rôle.
- T'es sérieux là ? Mais, tu m'as regardé ? Je fais la moitié du poids d'Aaron, tu crois vraiment que je pourrais lui faire du mal ? Et quand bien même, par je ne sais quel sortilège, j'y parviendrai, t'as pas l'impression qu'Aaron pourrait se défendre tout seul ? C'est un grand garçon, laisse-lui de l'air.
Les paroles atteignirent le brun, le vexant plus qu’il n’aurait voulu le dire. Encore que ces paroles précédentes ne pouvaient amener une autre réponse de la part du blond et il le savait mais le fait d’entendre ce qui mettait un mot sur sa surprotection, avait le don de l’exaspérer au plus haut point. Il savait bien entendu qu’il devenait paranoïaque, il en devenait fou : il tournait en rond, il tournait en rond. Il avait peur chaque jour de revivre le même enfer de la cité, un couteau sous la gorge, les coups qui pleuvent, les sourires cachés, les critiques chuchotés. C’était un cercle vicieux qu’il avait voulu arrêté – le gout du sang revenait dans sa bouche. Il avait pris sur lui dans le premier temps puis il était tombé dans le rouage. Il avait fait comprendre qu’il n’était pas simplement une ombre, pas une faiblesse qu’on croyait deviner. Vite, les coups s’étaient inversés. Il avait toujours gardé son passé, ses histoires, déviait toutes les questions et ne donnait aucune réponse. C’était efficace : il n’avait personne autour de lui. Juste de la haine et à ce point-là, la haine, il l’avait attisé, il l’avait gardé près de lui pour la chauffer et l’utiliser. C’était devenu une tactique : en ayant la violence, il la provoquait mais elle ne se retournait pas contre lui. Equation dangereuse.
- C’est sûr qu’avec ta face de tapette et ton corps d’anorexique, tu vas pas faire long feux face à lui, ricana-t-il avec un rictus.
Il savait qu’il prenait un risque immense. La mission semblait si loin mais en même temps, ne la rendait-il pas plus réalisable ? Il était dépendant de la suite des évènements et de la réaction du jeune blond.
- Si tu avais été, ne serais-ce qu’une seconde dans notre vie, tu comprendrais peut-être pourquoi je le protège, souffla-t-il d’une voix froide.