Fine feathers make fine birds ✿ Aaron

Il est temps de partir ...

« L'homme est le plus cruel des animaux, il est le seul capable d'infliger une douleur à ses congénères sans autre motifs que le plaisir. » ► MARC TURAIN

Le grincement de la porte la réveilla, elle n'a pas le sommeil lourd. Sa mère passa la tête dans l'entrebâillement avec un petit sourire gênée, elle n’aime pas venir déranger sa fille. Elle vint s’asseoir sur le lit et, regardant tendrement sa Saskia, elle passa sa main dans ses cheveux blonds. La jeune fille sourit et se redressa pour faire la bise à sa chère maman. C’était le jour J. Elle était à la fois extrêmement excitée et à la fois attristée par la mine inquiète de ses parents, ils ne voulaient pas qu’elle s’en aille, et pourtant elle n’allait pas rester toute sa vie avec eux. Son père fit son apparition avec un plateau plein de viennoiseries. Elle leva les yeux au ciel avec un sourire amusé, mais ne tarda pas à s’emparer d’un croissant tout chaud, elle en proposa un à son père qui ne refusa pas, tandis que sa mère ouvrait les rideaux. Ils n’avaient jamais mangé sur son lit, à part pour les grandes occasions. Ils parlèrent beaucoup et de temps en temps, ils lui proposaient de ne partir que demain. Mais Saskia savait que si elle acceptait, elle ne partirait jamais. Ils prirent le plateau et quittèrent la chambre. Ils étaient parfois un peu trop gâteux à son goût mais elle n’était pas du genre à se plaindre. Elle sauta dans la douche et s’empara de sa valise avec une excitation grandissante. Elle tenta de prendre toutes ses affaires et eut besoin de son père pour la fermer. Elle redoutait le vrai moment du départ, où sa mère se mettrait sûrement à pleurer et son père retenant du mieux qu’il pouvait ses larmes. Elle soupira, elle les aimait tellement. Saskia s’arrêta un moment dans sa chambre, elle ne partait pas pour toujours de toute façon, elle leur avait promis qu’elle reviendrait souvent. Elle comptait sur eux pour lui rendre visite aussi. Un sourire en coin elle descendit les escaliers, ceux si ont d’ailleurs beaucoup souffert. Dans la planification de l’organisation, les au revoir devaient se faire devant la porte de la maison, et elle aurait pris un taxi pour aller à l’aéroport, mais ses parents ont négocié comme pas possible et elle a céder à leurs regards de chiens battus. Dans la voiture, ils ne cessèrent de lui donner des indications, des conseils, … Mais elle ne les écouta qu’à moitié, s’imaginant déjà l’université, les nouvelles têtes :

« Ca va aller »

Leur répétait-elle. L’aéroport était gigantesque, et connaissant le sens de l’orientation aigu de leur jeune fille, ils préfèrent l’accompagner. Ils seraient même capable de l’amener jusqu’à sa place d’avion. Ils étaient encombrant parfois, Saskia était habituée à se débrouiller seule, à être livrée à elle-même, et les avoir tout le temps sur son dos pouvait s’avérer gonflant ! Mais elle savait que ça partait d’une bonne intention, et alors qu’elle allait quitter, hors de question de les critiquer. A l’embarquement, la scène imaginer se produisit, sa mère laissa échapper quelques larmes, alors que son père crispait sa mâchoire pour ne pas pleurer. Mieux valait ne pas s’attarder, c’était mieux comme ça, et puis sa mère n’oubliera pas de l’appeler ! Une fois assise dans l’avion, elle soupira de soulagement et était prête à s’en aller pour une nouvelle vie.

Saskia n’avait jamais pris l’avion, et ce fut une expérience tout à fait agréable, qu’elle était pressée de recommencer. Traînant sa valise, elle manqua plusieurs fois de s’écrouler sur un voyage qui passait près d’elle. Elle appela un taxi, le conducteur au regard pervers la fit hésiter, mais elle n’avait plus vraiment le temps de choisir un autre taxi et s’installa à l’arrière de celui qu’elle avait sous la main. Elle commençait à sentir la fatigue de son voyage et luttait pour ne pas s’endormir, de peur qu’il ne lui arrive quelque chose. Elle aurait pu aller déposer ses affaires directement dans sa nouvelle maison, mais elle voulait voir d’abord l’université et y prendre un peu ses repères avant de commencer les cours. Elle se souvint d’avoir coché « Résidence » dans le formulaire d’inscription, ses parents avaient insisté pour la villa mais c’était cher et elle n’aimait pas l’argent, cependant, elle était presque sûre qu’ils avaient changé sans lui demander. C’est qu’ils sont têtus les paternels. Rapidement, elle arriva devant une grande bâtisse et sortit du taxi presque hésitante. Elle fut surprise et intimidée par l’architecture et la grandeur de l’université. Elle resta un moment à l'observer, et ce sont les chants des oiseaux qui la sortirent de ses songes. Elle se demanda si finalement elle serait bien ici ? Tout en se questionnant, elle tira sa valise qui semblait devenir de plus en plus lourde, celle-ci se coinça d’ailleurs et Saskia employa alors tous les moyens pour la libérer. Elle la poussa, tira sur la poignée de toutes ses forces sans grand succès. Elle se laissa alors tomber sur une marche, lâchant un petit bruit d’agacement. Elle passa sa main dans ses cheveux et fronça les sourcils :

« Ce n’est pas vrai, ça n’arrive qu’à moi ce genre de chose »

Elle retira sa veste à cause d'un petit coup de chaud. Enfin, elle put profiter du paysage alentour et de faire une pause dans cette journée bien chargée.

Aaron Keenan & Saskia Adeïev

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Ce fut le bruit qui attira son attention. Ce ronronnement de valise sur gravier, l'annoncement d'un nouvel arrivant ou d'un skatteur égaré. Il n'avait pas voulu aussitôt redresser la tête pour être fixer sur son origine. Il avait prit plaisir à laisser son esprit vagabonder, imaginé mille et autres situations qui provoqueraient ce son. Un moteur de vieux ciao, usé par les kilomètres d'un conducteur capricieux et pantouflard. Les patins rouillés d'un bambin venant en visite voir son aîné de frère dans l'une des villas. Le grognement sourd et plaintif d'un pitbull qui tente tout de même de faire profil bat sans pour autant renoncer à sa vieille rengaine contre le monde. Aaron redressa la tête. Il était fixé : hypothèse numéro un validée : un nouvel arrivant, ou plutôt, à en juger la paire de fesses appétissantes qui lui sautaient aux yeux, une nouvelle arrivante.
Son regard s'attarda sur les courbes, la chutte de rein tout aussi éfemminée. Il sourit dans son coin, ramassa sur son banc le paquet de tabac Camel pour en humer l'odeur. L'odeur du tabac pas encore consumé lui plaisait toujours un peu plus. Aaron avait décidé de prendre son temps. Elle l'avait dépassé depuis quelques minutes déjà, il pouvait se permettre de lambiner un peu sur son siège en la regardant galérer non sans amusement. Aujourd'hui il voulait être féniant et il s'appliquait. Son taxi s'était déjà évanoui qu'elle semblait totalement perdu. Aaron, prit d'une pitié nouvelle, la guida intérieurement. Derrière-toi, derrière-toi, Mademoiselle Adeïev... Va vers le beau jeune homme assit sur le banc à qui tu as volé sa matinée, va vers lui, Saskia... Miss Ginger, la secrétaire de Canadian Belinghton, l'avait encore envoyé aux corvées faire le parfait guide pour les novices, malgrais ses rétisences. Et aujourd'hui c'était tombé sur elle. Sa condition était la même à chaque fois : il exigeait de voir le dossier de chaque arrivant donc il était chargé, une sorte de compensation, et de précaution. Il releva la tête lorsqu'un choc tinta, faillit renverser la clope qu'il tentait de rouler. Elle avait coincé sa valise. C'est pas vrai, il grogna intérieurement. Il était forcé d'aller à sa rencontre. Il fourra le tout dans son sac, coinca sa clope derrière son oreille et se leva pour aller jusqu'à elle. D'un geste forcené et précipité, il tira sur la valise sans prévenir. Décidemment, la mauvaise humeur régnait en maître aujourd'hui. Un nouveau clic résonna, il releva enfin la tête vers elle pour voir son charmant visage. En habitué, il tendit la main :

- Aaron. Je suis sensé "faciliter ton intégration au sein de la prestigieuse académie blablablah..."... Bref, t'aider pendant les premiers jours, quoi...

Il lui offrit un sourire, chargeant déjà le sac sur son épaule en plus du sien. D'humeur déjà plus légère en ayant vu son joli minois...
Encore une fois, il y était allé comme une brute épaisse.

Il est temps de partir ...

« L'homme est le plus cruel des animaux, il est le seul capable d'infliger une douleur à ses congénères sans autre motifs que le plaisir. » ► MARC TURAIN

Elle fixait la valise avec un regard noir, comme si, sous la menace, celle-ci allait se mettre à avancer toute seule. Mais malgré toute la volonté de Saskia, la valise ne bougea pas d’un poil. Elle laissa s’échapper un soupir tout en posant ses coudes sur ses genoux et en coinçant sa tête entre ses mains. Attendant un miracle. Rapidement elle se sentit observer, elle releva alors la tête mais dans son élan, elle se stoppa, elle devait s’imaginer des choses. C’était sans doute la fatigue. Pourtant, elle entendit des pas, elle tourna alors la tête et aperçut un jeune homme qui semblait venir vers elle. La jeune fille attendit afin de voir ses pensées se confirmer. Sauf qu’il ne s’arrêta pas vraiment devant elle, il s’empara directement de sa valise. Elle réagit donc au quart de tour et se leva pour se précipiter sur lui, elle posa sa main sur son bras, sans brutalité néanmoins, pour l’empêcher de lui voler sa valise :

« Hey ! Ca … »

Puis elle entendit un bruit, il devait l’avoir débloqué, vu comment il avait tiré dessus. Tout s’enchaîna assez rapidement, il lui tendit une main et elle se rendit compte de sa méprise envers lui, elle enleva alors sa main de son bras, gênée, elle sourit nerveusement et passa cette main dans sa nuque ; avec l’autre elle serra doucement celle du jeune homme qui se présenta comme Aaron. Elle en profita pour s’excuser :

« Désolé, j’ai cru que … Enfin … Moi c’est Saskia »

Un vrai sourire s’élargit sur ses lèvres et elle lâcha enfin la main d’Aaron. Elle ne se gêna pas pour le détailler, il était aussi pâle qu’un cachet d’aspirine mais il n’en était pas pour le moins repoussant. Elle ne laissa rien paraître et se concentra sur ce qu’il lui disait. Alors comme ça il s’occupait des nouveaux arrivants, ça avait l’air de vachement l’amuser en tout cas :

« C’est vraiment gentil de ta part de t’être dévoué pour m’aider »

Dit-elle avec une touche d’ironie et toujours un petit sourire aux lèvres. Alors qu’elle allait reprendre la poignée, il prit le sac sur son épaule. Elle le laissa faire, elle n’allait pas refuser le miracle qu’elle attendait. Saskia, regarda à nouveau l’école. Elle se demandait s’il y avait déjà beaucoup de monde ici, ou si elle était dans les premières à être arrivées. En tout cas, ça avait l’air plutôt gigantesque comme bâtiment et elle se perdrait sûrement une bonne cinquantaine de fois avant de pouvoir aller où bon lui semble sans se perdre. Heureusement, ce cher Aaron était là pour l’aider un minimum à se repérer, heureusement.

Aaron Keenan & Saskia Adeïev

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Le bagage sur le dos, Aaron n'avait même pas prêté attention aux protestations bruyantes de sa nouvelle recrue. Il faisait au gré de son humeur, et aujourd'hui, elle était bien mauvaise pour croiser toute contrariété. Ce n'est que lorsqu'elle s'était précipitée sur lui qu'il avait émit un geste de recul - trop habitué aux attaques inattendues de Caleb qui avaient aiguisé ses réflexes. Malgré cet entraînement plus que draconien, il recula trop peu et trop maladroitement, piégé autant par le poids du sac que par sa surprise. Sa poigne se posa sur son bras, il crut presque qu'elle le caressait tant elle était douce. S'il avait vraiment été un voleur à l'arracher elle aurait eut du mal à l'arrêter, s'en était certain !

« - Hey ! Ca… »

Sa voix s'interrompit. Il leva un sourcil, et ne put contenir son sourire tordu teinté de moquerie.
Dans une gêne palpable, elle lâcha son bras pour sa main qu'elle serra encore avec cette même douceur extrême. Cela lui fit l'effet d'une plume passant sur sa paume ; il adora.

« - Désolé, j’ai cru que … Enfin … Moi c’est Saskia. »

Il sourit. Son air embarrassé et maladroit lui donnait un air de petite fille.

« - Je sais. » , il se contenta de souffler, un sourire malicieux sur les lèvres en sachant de sa révélation la laisserait soucieuse.

Il chargea une nouvelle fois le bagage sur ses épaules, grinça sous son poids. Il l'avait remarqué depuis qu'il était envoyé faire le vallet à tout bout de champs : les bagages des jeunes filles étaient toujours les plus chargés. Saskia n'échappait pas à la règle.

« - C’est vraiment gentil de ta part de t’être dévoué pour m’aider.
- Tu crois mal : on m'y force. Autant bien faire les choses : je commence par les trucs barbants ou se qui reste de potable ?»

Il n'était pas des plus adroit dans les relations humaines.

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« L'homme est le plus cruel des animaux, il est le seul capable d'infliger une douleur à ses congénères sans autre motifs que le plaisir. » ► MARC TURAIN

Alors qu’elle s’avançait vers lui en fronçant les sourcils, il recula, mais pas assez pour qu’elle ne puisse poser sa main sur son bras. Il semblait amusé de sa méprise ce qui lui fit décrocher un air encore plus gêné. Les contacts physiques ne la dérangeait pas, d’ailleurs ça devait se voir puisqu’elle n’arrêtait pas, en même temps elle ne le faisait pas volontairement avec une idée derrière la tête. Une fois présenté, il lui avoua qu’il savait déjà son nom, elle fut d’abord étonnée, elle se demanda même si ce n’était pas une mauvaise blague qu’on lui faisait là. Elle recula un peu, le fixa un moment, comme pour discerner dans son expression tous signes de mensonges. Mais il avait l’air, sincère, non ? Ou alors c’était encore sa naïveté maladive ? Elle hocha la tête et croisa les bras sous sa poitrine, elle plissa les yeux :

« Comment ça, tu le sais … Déjà ? »

Elle le regarda remettre la valise, il grimaça sous le poids de sa valise qui devait être vraiment très lourde, elle savoura la disparition de son sourire malicieux. Elle se mise à côté de lui et commença à montrer les marches menant à l’entrée de l’université. Si le contact ne la dérangeait pas énormément, au niveau de la parlotte elle était moins à l’aise et elle fut vite refroidit par la réponse d’Aaron qui ne semblait pas avoir trouvé sa dernière réplique très amusante. Il lui répondit en lui disant qu’il était forcé de le faire, et cette réponse la gêna un peu, elle ne voulait pas forcer les personnes à faire quoique ce soit pour elle. De plus, elle était habituée à ce que les rôles soient inversés, à ce que ce soit elle qui fasse toujours tous pour les autres. Pour une fois, il y avait quelqu’un qui l’aidait, même un minimum et même si c’était contraint et forcé. La voix du jeune homme la ramena sur terre, elle voudrait échapper aux protocoles de base mais elle se dit que c’était nécessaire pour bien comprendre le fonctionnement de cet endroit :

« J’opte pour les trucs les plus barbants dès maintenant qu’on en finisse ! »

Aaron Keenan & Saskia Adeïev

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- Comment ça, tu le sais … Déjà ?

Les yeux de Saskia se plisèrent, deux feintes suspicieuses et hostiles qui réclamaient des explications.
Comme il s'y attendait, la jeune femme devenait méfiante après cette confession. Prévisible, il pensa en regardant ses bras se croisaient sur sa poitrine, comme si elle lui posait un ultimatum. Elle allait lui faire une scène ? Au milieu de l'escalier ? Pour un prénom ? Sa réaction bien que sensée et naturelle provoqua chez le brun un nouvel haussement de sourcils perplexes. Il n'avait pas envie de s'éterniser dans des explications farfelues, rejoindre le début à la fin, faire des détours pour les détails croustillants.

- Je ne divulgue pas mes sources. il se borna à siffler d'une voix mieilleuse en espèrant que la pillule passe.

Il apostropha la chose d'un sourire qu'il espèra doux et assez couteux pour qu'elle n'insiste pas.
En réalité, il aurait très bien put simplement lui dire en se forçant un peu : j'ai lu ton dossier de long en large, et c'était très intructif ! et lui offrir ce même sourire de bon garçon. Mais encore une fois, Aaron n'avait légalement pas ce privilège et était passé outre, mais il détenait l'accord illicite de Miss Ginger, sa fidèle colle aux basques, qui compatissait face à sa dernière escapade qui avait mal tournée.

- J'opte pour les trucs les plus barbants dès maintenant qu’on en finisse !

Il grimaça devant cette nouvelle réponse contrariante, faillit s'arrêter au milieu de l'escalier pour s'occuper des corvées immédiatement, mais s'aperçut qu'ils bloquaient le passage à eux deux et l'âne mort sur son dos.
Ils atteignirent le haut de l'escalier, choisit d'échouer le bagage près d'une fêtre sur laquelle il pouvait s'accoder sur le rebord, étala divers papiers et lui tendit sagement un styloc bic pour qu'elle signe aux endroits indiqués par son doigts.
Il préféra se taire, histoire de ne paas aggraver son cas.

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Tiens, il n’avait pas l’air d’aimer cette question, ou plutôt il n’avait pas l’air de vouloir s’étendre sur le sujet. Voyant qu’il allait se bloquer sur le sujet, bien que son numéro soit pratiquement convainquant. C’était son haussement de sourcil qui avait un peu cassé sa voix mielleuse, joli comédien en tout cas. Elle décida de le laisser tranquille, elle était certes curieuse, mais elle ne voulait pas s’embrouiller avec la première personne qu’elle rencontrait. Elle fit un signe de la main pour lui montrer qu’elle abandonnait sur ce terrain. De toute façon, qu’il sache son nom ou pas lui importait peu, ce qui l’inquiétait c’était que, s’il avait eu accès à son nom, avait il eut accès à d’autres informations ? Dans ce cas-là, savait-il son passé ? C’était embêtant, elle venait ici, histoire de se changer encore les idées, histoire d’oublier définitivement. Mais le fait de savoir que quelqu’un pouvait savoir, bien qu’elle fût persuadée qu’Aaron n’était pas du genre à s’intéresser au passé des autres, surtout que son passé n’était pas des pires au monde, la perturbait un peu. Elle se souciait de plus en plus de ces révélations. Et sa curiosité la démangeait, elle aurait aimé lui poser toutes ses questions et apprendre le fin mot de l’histoire. Peut-être qu’elle saurait plus tard. Elle savait combien la patiente pouvait être récompensée, elle avait passé la plupart de sa vie à attendre. Mais il se pouvait qu’elle attende indéfiniment. Peu importe, encore une fois, elle avait abandonné.

Elle tourna à nouveau la tête vers Aaron, il avait l’air d’en baver le pauvre avec cette valise. Elle allait lui proposer de prendre le relais, ça lui ferait les muscles, elle sourit vaguement à cette stupide idée. Mais avant qu’elle ne puisse parler, elle se rendit compte qu’il ne restait que trois marches, et pour trois marches … Il pouvait bien les monter. Ils se posèrent et il lui étala plusieurs papiers sous le nez. Elle soupira et le regarda désespérément, comme le suppliant de lui épargner cette tâche. Mais elle savait très bien que c’était inévitable et que ce n’était pas Aaron qui allait l’aider à sauter cette étape. Elle prit doucement le crayon, comme toujours, et elle signa sagement à chaque endroits que lui indiquait le brun. Et il y avait des feuilles et des feuilles qui défilaient. Elle manqua d’en faire tomber plus d’une par terre et elle jura plusieurs fois en les rattrapant de justesse. A la dernière feuille signée, elle lâcha un petit soupir de soulagement, accompagné d’un sourire. Puis elle reposa ses yeux bleus sur Aaron:

« Et voilà, ça c’est fait ! »

Aaron Keenan & Saskia Adeïev

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Saskia Adeïev avait gardé le silence.
Saskia Adeïev avait confinait ses inquiétudes et interrogations.
Saskia Adeïev avait comprit qu'il s'agissait là d'une confession impossible.
Aaron esquissa un sincère sourire, un infime mouvement à la comissure de ses lèvres ; en guise de remerciments silencieux. Il doutait qu'elle comprenne le message, ni même qu'elle ait quelques soupçons approximatifs ; mais la pensait assez intelligente pour combiner théories plausibles et silence absolu.
Tandis qu'il se répétait ses noms mélodieux intérieurement dans une mélodie à donner des migraines, elle prit le crayon dans sa main pour inscrire ses signatures un peu partout sur la feuille. Il profita de ce moment d'inatention pour la détailler en détaille, n'en ayant pas eu le loisir à son arrivée, contrarié.
Une belle blonde aux formes harmonieuses et gourmandes, un teint lisse et un visage parfait. Elle ferait des malheurs ici, il en était persuadé, étant lui-même attiré par son physique plutôt atipique des Américaines sur les publicités Coca-Cola. Ce n'était pas tous les jours que l'on voyait débarqué une peau halée sous le temps gris de Canadian Belinghton même s'il regroupait une large gamme de grands brûlés, il fallait se presser pour avoir les plus beaux morceaux. Aaron le savait plus que quinconque, ayant vu et re-vu Caleb usait des charmes des Anglaises, des Slaves et Asiatiques à toute heure de la nuit... L'avantage de faire chambre partagée, c'est qu'il était renseigné sur ses fréquentations.
Le soupir de la belle balaya une feuille de sa poussière, il releva les yeux vers elle pour voir son regard qui en traduisait long sur les amour mutuel de la paperasse.

- Tu l'as voulu, il lui rappela.

Elle passa les feuilles en revue, il faillit s'asseoir sur son bagage avant de se rappeler qu'il s'agissait du sien, la regarda jurer en usant de sa maladresse, sentit un sourire amusé se dessiner sur ses lèvres. Le supplice était achevé :

- Et voilà, ça c’est fait !

Il hocha la tête, rassemblant l'ensemble des documents signés et approuvés par ses soins, et les replaça maladroitement dans une pochette plastique en bon professionnel qu'il n'était pas.

- On peut laisser ton sac là, il n'y a pas de risque. Envie de visiter un peu ?

La partie intéressante venait petit à petit. La visite guidée était ce qu'il y avait de moins barbant.

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Le fait qu’elle laisse tomber sembla lui faire plaisir. Elle remarqua son sourire et cela la démangea de lui demander, mais non, elle avait accepté de ne pas creuser plus, elle le saura tôt ou tard, peut-être. Saskia suppliait à présent Aaron du regard face à la paperasse, mais il lui rappela gentiment que c’est ce qu’elle avait voulu faire en premier et elle dut s’y plier car de toute façon, elle n’avait pas le choix. Elle n’avait pas le choix et elle opta pour le faire : vite fait, bien fait. Elle s’arma du crayon tel un cowboy et régla son compte à chacune des feuilles qui passaient sous ses yeux océans. Saskia se sentit observer, ou alors ce n’était qu’une impression ? Elle ne voulait pas paraître ridicule en relevant les yeux et elle garda ceux-ci rivés sur les documents. La jeune fille se demanda alors quel était le genre des garçons du coin ? Plutôt coureur de jupon ou sérieux à ce sujet ? C’était la plus grande peur de sa mère, les garçons. Elle avait toujours considéré sa fille comme une princesse, et avait donc peur que la gente masculine ne lui fasse du mal. Du coup, son père l’avait surprotégé sur ce point. Mais maintenant elle était seule ici, elle rencontrerait sûrement plus d’un garçon et elle devra se débrouiller face à ces croqueurs de demoiselles.

Elle s’exclama de joie après avoir signé la dernière feuille, qu’elle tendit fièrement vers Aaron. Qui devait sans doute encore s’amuser de sa maladresse, vu son sourire. Il rangea tous les papiers et il prenait vraiment grand soin de tous ces documents. Quel bon élève. Elle sourit, elle aussi amusée. Il lui proposa de laisser sa valise là, Saskia la fixa un moment, elle était vraiment énorme. Il lui affirma qu’il n’y avait aucuns risques et elle lui fit confiance :

« De toute façon, je pense qu’il faut être très courageux pour me la voler »

Du courage et de la volonté, parce que pour se la trimbaler … A sa question son sourire s’élargit. Elle avait bien fais de commencer par le plus embêtant, maintenant il ne restait plus qu’à découvrir, et c’est tout ce que voulait Saskia. Découvrir. Elle étira ses bras vers le haut et s’avança vers la porte :

« Oh oui ! »

Elle se rendit compte à quel point elle avait envie de déambuler dans les nombreux couloirs e ce bâtiment. Et de toute façon, si elle ne visitait pas, elle se perdrait sans cesse. Alors pour le bien de ses cours, il était nécessaire qu’elle voit un minimum comment se repérer. Elle poussa la porte, les yeux brillants de curiosité.

Aaron Keenan & Saskia Adeïev

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- De toute façon, je pense qu’il faut être très courageux pour me la voler.
- Ou très téméraire...

Sa voix rauque avait suivit la sienne, fluette, tandis qu'il passait sa main sur ses doigts endoloris qui partageaient son avis.
Il était vrai qu'à la Canadian, les fraternités menaient bon nombre de bizutages - certains concernant justement à l'enlèvement de valises. Les nouveaux étaient souvent - clairement - les plus visés. Toutefois, une règle avait été fixée pour, entres guillements, les protéger : leur foutre une paix royale les premiers jours de leur arrivée. Les étudiants avaient beau être taquins, mais tous étaient passés par la case instable de l'inconnu et de l'angoisse, ils n'en étaient pas pour autant tortionnaires. Couper le cordon hombilical n'était pas une chose facile, et la Canadian Belinghton regroupait un large panel de jeunes gens fraichement sevrés. Contrairement à ce qu'on aurait pu croire, des étudiants venant des quatre coins du monde y étudiaient : l'élite de l'élite, universel, et pas seulement au sirop d'érable.
Saskia étira ses bras vers le haut et se dirigea jusqu'à la porte avant de lancer un joyeux :

- Oh oui !

Aaron sourit. Il avait l'impression d'être avec un chiot constamment joyeux et bruyant. Être face à son contraire l'amusait terriblement. Il n'était pas certain de pouvoir supporter ça à long terme, cependant.
La blonde avait déjà filé à l'autre bout du couloir. Il déplia dans sa main son emploi du temps et une carte des bâtiments et lui tendit.

- Où allons-nous ? il lança à tout hasard. Il n'était pas le bon St Maritin, mais la bonne humeur de Saskia était encourageante, mais surtout contagieuse : pour la première fois il eut envie de faire plaisir, sans mauvaise foie.

Il est temps de partir ...

« L'homme est le plus cruel des animaux, il est le seul capable d'infliger une douleur à ses congénères sans autre motifs que le plaisir. » ► MARC TURAIN

Il passait sa main sur ses doigts et comprit que sa valise avait été beaucoup plus difficile à porter dans les escaliers qu’elle ne l’aurait pensé. Elle grimaça pour lui en s’imaginant sa douleur et voulu s’excuser mais elle se retint, il fallait qu’elle arrête de s’excuser pour tout. Il s’était proposé pour la porter. Même si elle essayait de se persuader, elle était vraiment désolée pour lui, pour sa main en fait. Mais il sourit en l’entendant et cela la fit sourire à son tour. Elle regarda une dernière fois sa valise, elle espérait vraiment que personne ne la prenne, elle avait tellement bataillé pour tenter de tout mettre à l’intérieur, tout ce qui comptait pour elle. Si elle apprenait que quelqu’un était partie avec elle s’en voudrait à mort, et têtue, elle aurait tout fait pour la retrouver ce qui était ridicule, pour une simple valise ? Saskia détestait perdre ses affaires. Je ne parle pas de ses habits, de ses vêtements ou de ses accessoires qui lui permettent de garder une apparence à peu près convenable, non je parle d’affaires plus personnelles, des photos, des bracelets, des livres, … Pleins de choses qui lui rappellent seulement les bons moments de sa vie. Juste ceux-là. Elle regarda Aaron, elle le fixa, il lui avait dit qu’il n’y avait rien à craindre, et elle lui faisait confiance, encore une fois elle allait peut-être trop vite. Elle devrait peut-être faire plus attention non ? Elle en était sûre et pourtant elle n’arrivait pas à se méfier des personnes. Exaspérée par elle-même, la jeune fille s’engouffra à l’intérieur de l’université. Elle s’avança, observant comme une enfant qui entre dans un monde féérique.

Sa contemplation fut stoppée par le bruissement de papiers, elle se retourna et vit le brun qui dépliait des documents. Elle eut peur qu’il est oublié quelque chose qu’elle devrait signer, il lui tendit les papiers froissés et fut soulagée en voyant que ce n’était qu’un emploi du temps et un plan du bâtiment. Soulagée mais vite affolée par ce dernier, tous ses couloirs et toutes ses portes annonçaient pour Saskia de longues heures à trouver une pièce. Elle soupira, elle s’imaginait qui ? Une université avec quatre salles de classe pour des centaines d’élèves ? Encore une fois sa naïveté se dévoilait sous ses yeux et elle était déçue de voir qu’elle n’avait pas changé malgré ses efforts. Elle observa, curieuse, l’emploi du temps d’Aaron. Elle voulait savoir dans quelle filière il était, bizarrement elle ne le voyait pas dans la section Art mais elle fut surprise en découvrant que si. Elle sourit, amusé et déposa ses prunelles claires sur le jeune homme, finalement, ça lui correspondait pas si mal que ça :

« Alors tu es dans la section Art ? »

Elle l’observa un moment et reposa son regard intéressé sur les papiers, elle ne voulait pas vraiment voir sa réaction lorsqu’il apprendrait qu’elle était aussi dans ce domaine. Elle voulait découvrir s’il avait également l’option Photographie, ses yeux balayèrent la feuille mais elle ne trouva rien. Elle décida donc de lui dire :

« Moi aussi j’ai choisis cette filière, avec l’option Photographie, et toi ? »

Elle se tourna à nouveau vers lui. Puis il lui demanda où est-ce qu’elle voulait aller, mais elle ne connaissait rien ici. Elle observa le plan minutieusement. Mais s’il faisait partie de la section Art, pourquoi ne pas aller voir l’endroit où se trouvait ces cours-là ? Comme ça, elle saurait où aller directement en arrivant à l’université et en allant à ses cours :

« On pourrait aller où se trouve les cours d’Art ? T’en dis quoi ? »

Elle ne voulait pas qu’Aaron s’embête et s’il n’en avait pas envie elle se débrouillerait. Mais Saskia, il est là pour ça non ? Oui il est là pour ça mais ai-je oublié de dire que la jeune fille passe avant tout par les autres pour faire quelque chose ? Encore un très mauvais côté qui ne fait que lui apporter des problèmes …

Aaron Keenan & Saskia Adeïev

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- Alors, tu es dans la section Art ?

Saskia ne posait même pas une question, mais un fait. Son regard détaillait l'emploi du temps qui était sensé être le sien. Il resta bête lorsqu'il lut AARON KEENAN en gras et non SASKIA ADEIEV comme indiquait son dossier. Miss Ginger ne se trompait jamais, pourtant. Pourquoi lui avait-elle donné ses propres horraires ? Piqué à vif, il allait confirmer lorsque la voix fluette avoua :

- Moi aussi j’ai choisis cette filière, avec l’option Photographie, et toi ?

Un sourire illumina ses lèvres un instant avant qu'il ne disparaisse. Les sourires d'Aaron était le plus souvent brefs mais sincères. L'idée d'avoir une personne aussi gaie et facile à vivre - première impression - en cours lui faciliterait la tâche. Une bonne compagnie dans ce club photo où il avait toujours fait bande à part. De temps en temps, Clarisse le rejoignait. Elle était moins nocturne que lui.
Aaron détailla Saskia une nouvelle fois. Il l'aurait plutôt imaginer dans la section sport. Cet anthousiasme débordant aurait pu être dépanser dans quelques footing et cerceaux amjambés. Elle le cannalisait sans doute dans ces photographies qu'il imaginait déjà vives et colorés. Les voir lui plairait.

- On a le même emploi du temps dans ce cas. Il lui tendit le sien, comprenant pourquoi la secrétaire l'avait réimprimer. Idem.

Une fine équipe se montait dans le club très fermé des Artistes de Canadian Belinghton.

- Je te présenterai aux autres, à l'occasion. Ils sont pas méchants.

Il songeai à sa rencontre avec Anthony. La hâte le pressait pour le photographier. C'était quelqu'un d'intéressant, autant dans sa personnalité que dans sa façon d'agir. Sa méfiance un rasoir, peut-être, mais il lui comprenait ce côté-là. Anthony aimerait sans doute Saskia et son côté innofensif.
L'idée de se créer un cocon d'amis dans l'anceinte de l'université hors Caleb lui paraissait presque bizarre. Bizarrement, c'est ce qui était en train de se dérouler.

- On pourrait aller où se trouve les cours d’Art ? T’en dis quoi ?
- Suis-moi.

Il est temps de partir ...

« L'homme est le plus cruel des animaux, il est le seul capable d'infliger une douleur à ses congénères sans autre motifs que le plaisir. » ► MARC TURAIN

Il avait l’air surpris lorsqu’elle lut son emploi du temps, elle n’avait pas compris tout de suite que c’était le sien, à elle, qu’il aurait aimé lui donner. Il s’était trompé mais il n’y avait pas de quoi s’embêter avec ça, elle trouvait cela amusant et en sourit. Lui avouant qu’elle-même faisait partie de la section Art, il sourit, très rapidement d’ailleurs mais c’était largement suffisant pour la demoiselle. Vous l’aurez remarqué, la jeune fille sourit plutôt toutes les deux secondes et chacun de ses sourires est sincère. Espérant qu’il en soit de même pour Aaron elle attendit la réponse. Et celle-ci fut très satisfaisante, ils étaient dans la même section avec la même option. Ce serait amusant de le revoir. Elle était persuadée qu’ils s’amuseraient bien, même si elle avait prévu de s’amuser avec tout le monde. S’amuser. C’était la seule idée qui lui trottait dans la tête, et je précise que s’amuser pour Saskia ne signifie pas excès. Par contre elle se doutait que le jeune homme ne soit dans le même groupe qu’elle, la blonde avait choisis le groupe des simplistes. Pourquoi ce choix déjà ? Eh bien parce qu’elle ne voulait pas faire de l’art sa seule expérience ici, elle aimerait toucher à tout. Son père avait d’abord voulu la mettre au sport, cela pouvait faire d’elle sa fierté ! Et bien que Saskia soit plutôt énergétique il faut le dire, elle ne se voyait pas faire du sport toute la journée et pendant des mois. De son côté, sa mère la voyait dans les livres, voulant faire d’elle un écrivain de renommé mais pour cela il fallait d’abord qu’elle s’instruise. Mais ce n’était pas de l’avis de la jeune fille qui ne se voyait pas non plus passé sa vie dans les bibliothèques bien qu’elle adore l’odeur des nouveaux bouquins dans les librairies. Ses parents avaient voulu se mettre d’accord, et ensemble la voyait dans la section Scientifique, c’était tout autre chose et c’était sûrement leur pire idée. S’il y a bien une chose que déteste Saskia, ce sont bien les sciences. Elle n’y voit aucun intérêt et surtout ces matières l’empêchent de s’évader en restant scotchée sur des formules toutes faites. Il en était hors de question et ils avaient eu de mal à accepter l’idée que leur fille soit une artiste qui ne cherche qu’à inventer. Ne voulant bien évidemment que son bonheur ils l’avaient suivi dans ses ambitions.

Depuis qu’elle avait été adoptée, elle n’avait cessé de prendre des photos, c’est à ce moment que s’était éveillé sa passion pour ses images. Elle en ratait parfois mais elles les conservaient toutes, trouvant un charme, une émotion dans chacune d’elles. Pourquoi n’avait-elle commencé qu’à cette époque ? Sans doute parce qu’elle avait peur de retourner en enfer et qu’elle voulait à tout prix conserver tous ses moments de bonheur, pour s’en souvenir une fois le passé ressurgit. Et oui, Saskia aime les couleurs, la vivacité, les mélanges, les sourires, les éclats ; mais elle n’est pas contre quelques photos en noir et blanc qu’elle trouve parfois touchantes.

Il lui tendit son emploi du temps et elle compara les deux rapidement, souriant à nouveau amusée. Il lui proposa de rencontrer les autres élèves faisant partis de cette filière. Pour le coup, étaient-ils déjà nombreux ? C’était possible, pour elle, il n’y avait aucun point négatif dans l’Art, à moins que le fait qu’il n’y ait aucunes limites soit considéré comme un inconvénient. La jeune fille espérait bien qu’ils ne soient pas méchants, ce serait dommage :

« Oh oui, ce serait sympa ! »

En général, les artistes vivent dans leur monde, mais elle ne se voyait pas se fâcher avec l’un d’entre eux, étant plutôt ouverte sur les différents points de vus. Mais bon, tout cela restait à voir, et elle était à présent, très pressée de les rencontrer. Saskia était surtout pressée de se faire de vrais amis pour se rassurer, avoir des personnes sur qui se raccrocher. Elle fixa Aaron de ses yeux brillant de curiosité. Ferait-il partit de ses personnes ? Non, non Saskia, n’allons pas trop vite comme d’habitude ! Il partit, lui proposant de le suivre, et elle obéit. Le suivant, elle avait toujours dans sa main le plan du bâtiment. Si elle le perdait de vu, elle se pommerait c’était sûre.

Aaron Keenan & Saskia Adeïev

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- Oh oui, ce serait sympa !

Sa voix enjouée lui mettait étrangement du baume au coeur. Cette sensation était comparable à celle qu'il ressentait en capturant les clichés avec le vieux réflex de son père, lorsqu'il voyait la vie à travers lui. Un soulagement de l'âme lorsque le rire de Saskia s'élevait dans les colonnes froides du château. On aurait juré que toute la joie était concentrée en elle. Il se demandait d'où elle drainait cette force qui se déployait en un sourire égnimatique.
Ils étaient en route pour une autre aile du bâtiment de pierre, plus austère que celle de l'accueil, plus ensoleillée avec l'aide de Saskia. Les parties du domaine comportant des salles de cours étaient volontairement plus strictes et grises, pour inciter au travail de plomb et ne pas se déconcentrer en admirant des décorations d'auberge de bonne campagne. Des affiches militantes contre les produits illicites, ménaces de sanctions contre la détention d'alcool illicite dans l'anceinte du domaine, qu'on soit mageur ou pas étaient placardées sur les quatre murs du couloir dans lequel les jeunes gens. Ils étaient allés jusqu'à un prospectus mettant en avant les avantages d'un port d'une bague de chasteté. Aaron avait réprimé un rire. L'impression d'être dans un monastère se concrétisait.

- Anthony fait partit du club-photo et de la section Art lui aussi. C'est pas un mauvais ga, il est même plutôt sympa.

Pour lui, Anthony était le choix le plus judicieux pour une première rencontre improvisée entre Saskia et le monde de la photographie à Canadian. Aussi isolés l'un que l'autre, aussi innofensifs et agréables. Histoire de ne pas effrayer chacun sur l'environnement. Parce que s'il voulait leur trouver des connards, il pourrait y arrivait sans difficultés !

- Tu pourrais bien l'aimer, je pense.

Il est temps de partir ...

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C’était comme ça. Son sourire était ce qu’elle avait de plus facile à offrir, sa joie lui venait naturellement, mais tout sortait d’un étrange mélange de bonheur qui explosait seulement maintenant comme un feu d’artifice. Elle avait tout à donner, tout à partager. Rien à cacher. Ou presque. Saskia suivait Aaron de près, ce brun énigmatique dont elle ne savait rien. Il correspondait tout à fait au garçon mystérieux dont personne ne savait rien, celui qui se retire dans l’ombre alors que son nom n’est plus qu’un murmure, celui qui disparait et abandonne le monde pour la solitude parce qu’il n’a plus rien, plus rien à perdre. Il ne s’agit là que de suppositions, d’hypothèses fondées sur des préjugés que la jeune fille préfère supprimer de son esprit, détestant les idées toutes faites que l’on se fait d’inconnu. Elle ne le connaissait, elle n’avait aucune raison de le juger, aucune. Elle se tint à côté de lui. Ils traversaient des couloirs vides, froids, gris. Saskia frissonna, le gris, quelle idée que de mettre une couleur pareil ! C’est triste, c’est déprimant, c’est austère et le tout fait penser à une prison. Elle détestait cette décoration morne. Déjà que venir travailler n’est pas toujours réjouissant, si en arrivant à l’université on se retrouve enfermé entre quatre murs glacials, jamais elle n’aura envie de travailler, rien de plus décourageant qu’un lieu où on ne se sent pas bien.

Evidemment, ils devaient s’en foutre pas mal que les étudiants se sentent bien ou pas, tout ce qu’ils voulaient sûrement c’était de bons résultats avec des élèves sérieux. Point. Mais tout de même, on peut bien travailler avec un bâtiment un minimum chaleureux. Et que des affiches moralisatrices, sur l’alcool, sur la drogue et autre magnifiques produits. Elle n’était pas contre, mais à leur âge, ils étaient largement assez grands pour savoir que c’est mauvais tout ça, et ce n’était pas des affiches qui allaient tout changer. Les jeunes sont conscients, ils sont conscients lorsqu’ils prennent leur première cuite, ils sont conscients lorsqu’un ami leur propose leur première pilule, ils ne sont pas idiots (pas tous), le problème d’après Saskia vient de beaucoup plus loin lorsque certains se lancent dans ce tourbillon infernal. Et ce n’est pas de stupides affiches qui changeront tout. C’était bien plus compliqué que ça. Même elle avait déjà été tenté par ce genre de choses, quand on nous le propose pour la première fois, on se dit pourquoi pas ? On est déjà au bord du gouffre, certains sont déjà tombés, alors qu’est-ce qui pourrait leur arriver de pire ? Alors on se lance, on tente. Saskia avait finalement refusé, s’étant promis de ne pas se laisser avoir par le passé. C’est fou comme celui-ci peut encore détruire après des années ! Comment vaincre lorsque nous avons déjà plongé ? Ça devait être vraiment difficile, bien sûr la jeune blonde ne savait rien de tout ça, elle ne savait pas ce que ça faisait. Mais ça devait être comme beaucoup d’autre chose, une fois qu’on a commencé, difficile de s’arrêter. A son avis, il fallait beaucoup de courage et de volonté, le tout accompagné de quelqu’un pour vous aider, quelqu’un qui vous comprenne ; mais ça ne devait pas être facile à trouver cela non plus. Mais voilà ce qu’il fallait, comprendre, les comprendre et pas des affiches de pacotilles qui ne servent qu’à les faire rire sûrement.

Comme simple décoration il n’y avait que ça, ces affiches. Rien d’autre. Elle imaginait les murs congelés. Elle aurait balancé des pots de peintures sur ces murs ! De toutes les couleurs, si elle pouvait elle ferait d’énormes taches multicolores, un arc en ciel de couleurs, un feu d’artifices explosifs, de quoi redonner de l’énergie, de la dynamique dans ce pays froid et morne. Elle sourit en s’imaginant les fresques colorés. Soudain Aaron lui adressa la parole, détruisant ses plans, ses croquis qu’elle avait constitué dans sa tête. Il parlait d’un Anthony, un des jeunes hommes du club photo, ils avaient l’air nombreux à faire partit de sa filière et de son option. Il avait l’air sympa en tout cas, Aaron semblait l’apprécier, elle se demanda s’il se faisait facilement des amis ce jeune brun, elle l’imaginait difficile à approcher bien que sympathique :

« Je suis pressée de le rencontrer alors »

Dit-elle en souriant à son camarade, un sourire qui lui fit plisser les yeux. Il ajouta quelques secondes plus tard qu’il pensait qu’elle aimerait bien avec cet Anthony, s’il le disait, elle était sûre qu’il avait raison. Encore sa naïveté qui lui jouait peut-être des tours. De toute façon, il était difficile pour Saskia de détester quelqu’un, elle qui marchait dans la devise « Peace and Love » :

« Je te fais confiance »

Elle avait trop observé les corridors qu’ils suivaient, c’était d’un déprimant. Ça lui rappelait les murs de l’orphelinat, mais au lieu d’être gris, ils étaient blancs, ce qui était sans doute encore pire. Ces murs faisaient penser à un hôpital, un endroit où on se croit malade, où on nous prend pour des fous, un endroit où personne ne fait attention à vous et vous abandonne dans un coin en attendant que quelqu’un vienne vous chercher désespérément. Elle était restée trop longtemps là-bas, elle ne pouvait plus supporter ces endroits grincheux. On la comparait souvent à un soleil, à cause de ses cheveux et de son sourire sans aucun doute, mais au milieu de cet espace, le soleil était entouré et pratiquement caché par des nuages noirs. S’il lui fallait une nouvelle cage comme l’orphelinat autant que ce soit une cage dorée.

Aaron Keenan & Saskia Adeïev

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- Je suis pressée de le rencontrer alors.
- Je ferais en sorte que ça arrive.

Saskia plissa ses paupières en souriant, il lui trouva un air de souris sympathique.
La jeune femme semblait boire ses paroles, c'était bien la première fois qu'on lui témoignait autant d'attention, que se soit dans son comportement, le fait qu'elle tourne la tête vers lui dès lors qu'il prenait la praole, que dans sa manière de l'écouter si sérieusement. Il était si intéressant que ça à la bassiner avec emploie du temps et salles de classes ? Ou bien la perpective de rencontrer Anthony l'esmoustillait à ce point ? Si elle avait connut Anthony, ça aurait put être le cas : il était, selon Aaron, un être aussi mystérieux qu'à part. Il appréciait réellement le blond, mais dans leur relation planait un point d'interrogation cuisant. Encore une fois, il ne parvenait pas à mettre le doigts dessus : Anthony paraissait faire l'accordéon en sa présence, à force de se tendre et se détendre en tous sens et toutes situations, et c'en devenait contagieux, Aaron s'agitait lui aussi, perdu dans la nouveauté de leur duo hors du commun. Il faudrait qu'il l'appelle, un de ces quatre, car il avait beau se creuser la tête, Anthony était une rencontre qui l'avait marqué ; il devinait plus tard un franche allié derrière ses mèches platines et ces airs dérévèches.

- Je te fais confiance.

Aaron resta quelques secondes sonné. Ce n'était qu'une formule, il le savait, mais le mort confiance le titillait toujours. Pas qu'il soit quelqu'un de nocif pour Saskia - il ne promettait pas d'être quelqu'un de bon pour autant - mais cette notion, plus ou moins lancée au hasard, le rendait presque responsable de la jeune blonde. Il faudrait qu'il la garde à l'oeil, le temps de son incertion, du moins. Ensuite, le temps ferait les choses.

- Pourquoi venir ici ?

Lui qui détestait cet endroit ; et qui avait été, entre guillemet forcé d'y venir, ne pouvait réprimer l'envie de savoir quelle idée folle il était venu à la tête de tous ceux qui affluaient. Que ce soit indiscret ou pas, c'était un chose qui l'obsédait.
Il ralentit un peu le pas, mit ses mains dans ses poches et tourna la tête vers Saskia, un sourire encourageant, il l'espérait.

Il est temps de partir ...

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Saskia était toujours très à l’écoute de tout le monde. Chaque parole, chaque mot pouvait se révéler très intéressant et elle ne voulait perdre aucune information quelle qu’elle soit. Et elle se rendit compte que cette attention qu’elle lui portait, ne lui était pas familière. N’était-il pas habitué à ce genre de comportement ? Pourtant c’était une chose qui paraissait tellement banale, tellement normale et naturelle chez Saskia. Bien sûr, rencontrer Anthony était aussi ce qui lui procurait une immense excitation, et émoustillait sa curiosité. Comment était-il ? Est-ce qu’ils allaient vraiment bien s’entendre comme le laissait supposer Aaron ? Elle l’espérait. Le jeune brun semblait ailleurs, pensait-il justement à cet inconnu qu’il voulait lui présenter ? En tout cas il avait l’air de le trouver intéressant. Ce qui donnait encore plus envie à Saskia de le rencontrer. S’il était étonné de l’écoute de la jeune blonde, il l’était d’autant plus lorsqu’elle lui dit qu’elle avait confiance en lui. C’était une fois encore, pour la jeune fille, des paroles qu’elle prononçait assez fréquemment, donnant facilement sa confiance, trop facilement. Néanmoins elle ne fit pas vraiment attention à sa réaction, mais elle aurait aimé savoir ce qui lui trottait dans la tête. Saskia n’avait pas cette facilité à lire sur le visage des autres et à comprendre leurs émotions, à les deviner. Beaucoup de personnes étaient par contre très douées pour cela, certaines d’ailleurs s’en servent pour manipuler, encore quelque chose d’assez facile chez elle, montrant sans limite ses sentiments. Il finit par lui poser une question, une question assez courante à son avis, le genre de questions que l’on pose à toutes nouvelles rencontres. Pourquoi était-elle venue ici ? Parce qu’elle voulait étudier le mieux possible et que cet endroit était celui qui lui avait paru le meilleur. Non. Ça c’était ce qu’elle voulait se faire croire. Alors Saskia pourquoi es-tu venue ici ? Elle inspira profondément, regardant autour d’elle, si elle était venue dans ce pays froid, c’est tout simplement pour oublier, pour passer autre chose, échapper à ses parents adoptifs et surtout à son passé. Déjà en passant de l’Angleterre à la France, elle avait cru pouvoir se débarrasser de son passé, malheureusement, après quelques années, les images du passé ressurgissaient dans ses cauchemars et lâchement elle avait décidé de partir. Si son passé la poursuivait jusqu’ici, allait-elle encore fuir et partir ailleurs ? Elle ne pourra pas faire ça toute sa vie, elle le sait très bien. Il lui sourit, l’encourageant à parler. De toute façon elle lui aurait répondu, ce n’était pas son genre de refuser de répondre à une question :

« Pour changer d’air et quitter le cocon familial »

Une phrase passe-partout, tous les élèves devaient dire ce genre de choses. Le truc basique, elle observa du coin de l’œil Aaron, histoire de voir si tout cela passait sans problèmes, étant une piètre menteuse. De toute façon ce qu’elle avait dit n’était pas faux. Elle fixa de ses yeux clairs le jeune homme et décida de lui poser la même question :

« Et toi, pourquoi tu es là ? »

Aaron Keenan & Saskia Adeïev

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La jeune blonde portait sur son visage parfait un trait songeur : une ride entre ses sourcils soulignait une concentration nouvelle mais tendue ; Saskia avait beau tentée d'appliquer la règle de non partage de la douleur -qui malgrai son nom était loin d'être une chose égoïste, mais Aaron crut bien sentir lui caresser la joue les doigts glacés de ses anciennes blessures. Cet effleurement lui fit froid dans le dos. Que pouvait bien cacher de si noir en son sein un visage aussi gaie ? Sa curiosité maladive s'abstiendrait cette fois-ci : il avait déjà trop de problèmes pour fourrer son nez dans ceux des autres, même s'il avait une terrible envie de chasser les daemons de tout le monde.

-Pour changer d’air et quitter le cocon familial.

Le brun voulait bien croire que se soit une raison, mais parmis tant d'autres. Saskia resselait de secrets qu'il craignait de déterrer. Elle lui offrit un regard suspicieux, l'air de s'inquiété qu'il ne l'embête davantage. Aaron aimait traquer, mais pas dans ce milieu. Il hocha la tête pensivement au même moment où il tombait sur un cachet d'ecstasy oublié dans son jean. Il resta con, le temps que Saskia renchérisse avec la même question.

-Et toi, pourquoi tu es là ?

Il s'étonna de se mettre à réfléchir à son tour. Tout était évident pourtant : il était seul au monde, il avait trouvé à la fois Caleb, un frère et une roue de secours, il s'était nourrit du bonheur qu'il lui procurait, Caleb avait eut de l'ambition, il était bien le seul, il avait voulu Canadian Belinghton et tous les grands diplômes, Aaron n'allait pas dire non, ne pouvait pas, il avait suivit comme un bon chien, toujours fidel à son maître. Il regrettait souvent. Le Canada était un ramassit d'atrocités, il le détestait. Et se dire qu'il poursuivait ses études dans ce trou, triste comme un pierre, jusqu'à ce qu'il meure prématurément. parce que oui, il allait mourir. Demain, bientôt, dans la seconde qu'il suivait, son coeur pouvait flancher à tous moments. Il avait envie de tout briser lorsqu'il se disait qu'il passerait ces dernières années sous la neige accablante de Canadian Belinghton. Il avait envie de tout briser lorsqu'il se disait que ça allait être la fin. Poursuivre ses études lui était parfaitement inutil : il mourrait avant d'obtenir le moindre diplôme.

- Parfois, je me demande, il dit simplement en souriant maladroitement.

Il est temps de partir ...

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Si elle ne se retenait pas, elle lui aurait sans doute déjà tout raconté. Elle lui aurait déjà dit qu’elle n’était qu’une lâche qui ne faisait que fuir, elle lui aurait déjà dit que ses parents étaient mort, que c’était peut-être qui avait causé leur perte, elle lui aurait déjà dit que ses parents adoptifs étaient trop protecteur. Bref, elle lui aurait sans doute déjà raconté toute sa vie, une vie qui ne se résume finalement qu’en cinq phrases ridicules. Comment avait-elle fait pour garder cette bonne humeur permanente ? Comment avait-elle fait pour garder ce sourire sur ses lèvres ? Etait-il si rayonnant ? Ou n’était-ce qu’un mirage pour cacher la noirceur ? Comme quoi, même les questions banales lui rappelaient son passé, faisaient ressurgir ses pensées, faisaient ressurgir ses cauchemars, ses peurs, … Elle ne s’était pas rendue compte qu’elle était à ce point déboussolée, à ce point perdue par son départ, à ce point traumatisée par son passé. Etait-ce le cas de tout le monde où était-elle la seule dans cette situation ? Saskia ne cessait de se poser des questions, toutes aussi confuses les unes que les autres, tournant en boucle dans sa tête sans jamais s’arrêter, sans jamais trouver de réponses. Elle lui aurait bien ce qui la tourmentait, mais elle ne le connaissait pas ; avant, elle aurait tout balancé à la figure du premier venu, mais elle s’était promis de ne pas tout dire, de ne pas tout révéler, de ne pas donner sa confiance trop rapidement … Or c’était ce qu’elle était en train de faire avec Aaron.

Elle se tourna vers lui. Elle devait arrêter de se poser autant de question, elle devait arrêter de se tourmenter et de profiter tout simplement de la vie. Elle devait oublier. Oublier. Son regard détaillait le visage d’une jeune brun, son passé lui trottait dans la tête mais qu’en était-il chez lui ? Quel était son passé ? Etait-il aussi traumatisant que le sien ? Lui aussi paraissait surchargé de problèmes. Elle aimerait bien l’aider, elle aimerait bien aider tout le monde, quitte à se laisser couler en même temps par ses propres problèmes. Elle n’arrivait pas à admettre que pour une fois, c’était elle qui avait besoin de quelqu’un. Elle se voulait forte mais il faudra bien un jour qu’elle s’avoue qu’elle a besoin des autres plus qu’autre chose. Le tout était de trouver la bonne personne sur qui elle pourrait compter, il ne manquerait plus qu’elle tombe sur le vilain canard … Il ne manquerait plus qu’elle tombe sur Caleb … Son cœur se serra et elle détourna le regard pour fixer le couloir en face d’elle. Sa mâchoire se crispa alors qu’elle serrait les dents. Pourquoi pensait-elle à lui ? Il n’en valait pas la peine. Il était la cerise sur le gâteau, et les ingrédients n’étaient rien d’autre que ses pensées sombres et torturées. Elle ne se rendit pas compte qu’Aaron réagissait étrangement en ayant plongé ses mains dans ses poches, si elle avait remarqué cela, la jeune blonde se serait posé encore des tas de questions, des questions supplémentaires qui se seraient empilées sur le tas déjà formé, un jour, ce tas finira peut-être par s’écrouler ?

Elle posa sa question dans le vide, tentant ainsi de tout quitter encore une fois. Elle secoua doucement la tête, adoptant la discrétion qui n’était pas vraiment son fort. Ses yeux bleus se posèrent sur le visage d’Aaron, espérant tout abandonner en se reconcentrant sur lui. Il paraissait pensif, pensif sur la raison de sa venue. Avec sa curiosité maladive, Saskia se demanda pourquoi il était vraiment là. Elle se doutait, de sa part, que ce ne soit une raison tout à fait banale comme : faire de bonnes études. Elle espérait une raison extraordinaire, un truc hors du commun, que ce ne soit à cause d’un passé tourmenté. Pourquoi espérait-elle quelque chose comme cela ? Peut-être pour pouvoir ensuite lui dire les vraies raisons de son arrivée ici, dans ce pays congelé. Mais la réponse du brun ne fut pas de ce genre-là, elle fut déçue, mais elle savait que lui aussi, ne disait pas tout. Elle aurait bien creusé, mais ce n’était pas quelque chose qui se faisait. « Parfois, je me demande », une réponse qui fait penser à pleins de choses en même temps finalement. Etait-il venu ici avec une raison bien particulière ? Mais maintenant qu’il y était, il se demandait si cela en valait vraiment la peine ? En tout cas, c’était à quoi pensait Saskia lorsqu’elle raisonna dans sa tête. Il sourit maladroitement, et elle ne put s’empêcher de sourire aussi, c’était quand elle souriait qu’elle se sentait le mieux, c’était donc sans doute pour cela qu’elle ne pouvait s’empêcher de sourire sans cesse. Elle resta un moment à le regarder ainsi, des petits pétillant de curiosité et un sourire chassant les démons du couloir gris.

Ils arrivèrent bientôt devant une salle où ils s’arrêtèrent. Elle fixa la porte dont l’écriteau annonçait la salle d’Art. Saskia sourit, elle observa Aaron, demandant silencieusement si c’était bien là, comme s’il y avait deux salles d’Art ici. Elle se trouva stupide et dans un doux geste, elle poussa la porte, passant la tête dans l’entrebâillement pour regarder. Reflexe typique des curieux.

Aaron Keenan & Saskia Adeïev

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Le moment était propice aux confidences - ils étaient déjà en plein dedans, dans un certain sens. Dans cette allée déserte et impersonnelle, règnait une température à se délier la langue rien que pour espérer se réchauffer. Saskia aurait pû, en bonne novice heureuse de retrouver un allié, se livrer poings liés à ses pieds, lui parler de tout et de rien, de ses problèmes autant que ses joies. Peut-être était-ce cet atmosphère si intime, l'effet des boucles de la blonde sur lui ou celui de son éternel sourire, mais il se serait presque laisser aller à la confidence, lui aussi. Bien heureusement pour tous les secrets de chacun. Les jeunes gens étaient partis dans des combats respectifs. Chacun luttant contre ses propres daemons, ses pensées vagabondes et gênantes, deux esprits tourmentés qui suivaient en silence le défilement des portes. Ils étaient si près, mais paradoxalement si loin.
Aaron de son côté songeait à la pillule qui se tortillait entre ses doigts, soulignait le contour de ses phallanges, s'imprégnait des formes de sa paume jusqu'à ses lignes de vie. Une fois qu'il l'avait eu en main, il n'arrivait plus à lâcher prise ; et c'était comme ça à chaque fois. Une de plus, c'était déjà ça de gagner. Demain, ce serait dimanche, il s'en donnerait à coeur joie. Demain, ce serait dimanche, Caleb l'attendrait pendant qu'il se cacherait dans les bois, mort. Sans le savoir, Saskia et lui pensait à la même personne, au même moment. L'un d'un amour empli de culpabilité, un amour de frère, l'autre d'une méprise de vipère, aigrie et haineuse. C'est dans cette ignorance qu'il lança à tout hasard, l'irréparable :

- En fait, j'ai suivi Caleb. Mon meilleur ami.

Saskia avait déjà entrebaîllé la porte avec une curiosité enfantine sa tête avait pénétré dans l'anceinte. A cette heure-ci, les salles étaient encore ouvertes. Son sourire illumina son visage tandis qu'elle chuchota :

- C'est bien là ?

Le brun hocha la tête, tournant illasablement l'ecstasy dans sa poche.

- Te gêne pas, entre, il souffla dans son dos, amusé de sa retenue pudique.

La salle des Arts était une immense pièce. Souvent trop remplie, peut-être pour ça qu'il n'y allait que lorsque ça lui était nécessaire. A contraire, la salle du club photo était son royaume.

Il est temps de partir ...

« L'homme est le plus cruel des animaux, il est le seul capable d'infliger une douleur à ses congénères sans autre motifs que le plaisir. » ► MARC TURAIN

Est-il vraiment possible de détester une personne, une seule personne ? Est-il possible de détester une unique personne dans le monde et que vous la retrouviez après des années dans la bouche d’un inconnu ? Est-ce vraiment possible ? La possibilité est tellement infime que cela paraît être impossible, que cela paraît être une blague. Caleb. Caleb. Ce nom raisonna dans sa tête comme un écho dans les montagnes. Saskia avait déjà ouvert la porte et avait avancé dans la pièce, tentant garder son calme, mais son cœur s’emballait tout seul sans qu’elle ne puisse l’arrêter. Ses jambes menaçaient de céder, elle s’imaginait déjà tomber, tomber tellement vite que même le sol ne pourrait la retenir, tomber dans le gouffre, tomber à jamais. Tomber. Avait-il vraiment prononcé son nom ? Ou n’était-ce qu’une illusion ? Après tout elle venait de penser à lui, et il hantait tellement ses pensées que ce ne serait pas étonnant si elle avait entendu son nom à la place d’un autre. Pourtant elle peinait à y croire. Même en étant absent, même après l’avoir laissé, abandonné, rejeté, il continuait de la suivre, il continuait son manège. Elle était toujours emprisonnée dans son image. Cela ne finira jamais ? Elle sera toujours la souris poursuivit par le chat ? Pourtant Saskia avait toujours tout fait pour l’oublier, pour oublier ses paroles qui l’avaient détruite. Son regard affolé se planta dans ceux d’Aaron, avait-il lu dans ses pensées ? Comment pouvait-il le connaître ? Comment pouvait-il ? Elle le quitta des yeux, avançant dans la pièce, tentant de ne pas s’écrouler sous le poids de la panique. Elle s’appuya sur les tables présentes, son air effrayé se reflétait dans la vitre de la fenêtre, elle n’aimait pas être comme ça et c’était à cause de lui … Non, c’était à cause d’elle, à cause d’elle et de sa naïveté. Elle n’aurait jamais dû croire en lui, elle n’aurait jamais dû l’aimer, elle n’aurait jamais dû. Ses dents grincèrent alors qu’elle retenait les larmes. L’aimer ? Qu’avait-elle dit ? Non, elle ne l’avait jamais aimé, jamais ! Comment aurait-elle pu ? Cet être méprisable qu’elle détestait plus que tout. La jeune fille soupira, mais la colère était tellement forte, non, pas la colère, la tristesse était bien plus puissante. Elle se sentait détruite, seule et si faible. Il était là. Il était ici. Si elle le revoyait, elle ne doutait pas un seul instant qu’il la manipulerait à nouveau, et elle serait incapable de l’en empêcher. Saskia se voyait déjà vaincu, elle se voyait déjà prise dans ses filets, elle se voyait déjà dans l’impossibilité de le fuir, de fuir. Les yeux de la blonde se fermèrent. C’est fou comme un nom, un seul, pouvait tout chambouler, tout bousculer. Elle s’emportait et elle ne devrait pas, Aaron était juste à côté. Ses doigts se mirent à toucher quelques instruments nécessaires pour exercer dans le domaine de l’art, comme si rien ne c’était passé, comme si rien ne l’avait troublé. Une tentative qui s’avéra inutile puisque le visage de Caleb l’assaillit, accompagné de souvenirs qu’elle avait enfouit depuis longtemps. C’était son premier jour ici, elle avait voulu fuir ses souvenirs, ses cauchemars, elle était venue au Canada, un pays abandonné, isolé. Elle avait cru que ses pensées sombres ne l’auraient pas suivi jusqu’ici. C’était son premier jour et Caleb était déjà là, dans son esprit, déchirant. Elle ne sortirait jamais de ce tourbillon, elle ne s’en sortirait pas, jamais. Ses doigts lâchèrent le matériel qui n’avait aucune importance maintenant, tout de suite. Elle se tourna vers Aaron. Il avait bien dit son « meilleur ami » ? Elle n’avait pas rêvé ? Tellement d’illusions semblaient s’enchainer les unes après les autres qu’elle n’arrivait plus à distinguer ce qui était vrai ou pas. La peur et la haine se mélangeaient, lui donnant le tournis, l’emportant loin, trop loin. Saskia n’arrivait pas à croire que Caleb pouvait être un meilleur ami, comment ? Comment avait-il fait ? Comment pouvait-il ? Etait-ce possible ? Pensait-elle au bon Caleb ? Aaron parlait-il d’un autre étudiant portant le même nom ? C’était la pensée la plus probable mais elle avait toujours ce doute qui l’empêchait d’adopter définitivement cette idée. Elle se voulait haineuse, elle se voulait dure, elle se voulait froide, elle se voulait forte, c’est pourquoi elle maintint un regard remplit de dégoût vers Aaron. Mais elle ne put … Non, elle ne pouvait pas. Ce n’était pas elle. Faiblesse. Elle se décomposa. Fuyant les yeux du brun. Fuyant. Elle se retenait au rebord de la table, mais celle-ci ne semblait plus assez solide pour supporter son poids. Elle cherchait un endroit où poser ses yeux brouillés par les larmes naissantes. Saskia priait pour que ce ne soit pas le bon Caleb, pour que ce soit un autre. Elle inspira difficilement, envahit par toutes ses émotions. Des mots voulaient sortir de sa bouche mais elle n’arrivait à rien, elle n’arrivait à rien et elle se détestait pour ça. La jeune fille avait voulu rester un soleil, elle avait voulu se remettre à briller après tout ça, elle avait toujours réussi, mais Caleb était le seul qui arrivait à la plonger complètement dans un néant sans retour. Il était le seul à pouvoir la détruire totalement même en étant absent. Elle baissa les yeux, impuissante, retenant des sanglots :

« Ton … Meilleur ami ? … »

Ses mots sortirent seuls, des mots pleins de sous-entendu, comprendrait-il ? Et s’il ne comprenait pas, cela voulait-il dire que ce n’était pas son Caleb ? Elle suppliait, elle implorait. Saskia ne voulait plus le revoir, ne voulait plus penser à lui. Il n’avait que trop bien réussi son coup, il n’avait que trop bien gagné.

Aaron Keenan & Saskia Adeïev

CODE BY ANARCHY

Le couinement lui perça les tympans avant qu'il en saisisse le sens exact. Sous le coup de l'émotion la voix de Saskia Adeïev s'était muet en un son suraiguë d'animal blessé, de bête qu'on a touché au fusil de chasse en plein cœur et qui traine la patte ; à l’agonie sur plusieurs mètres - dans ce cas précis sur plusieurs années. Une corde sensible avait vibré dans le silence, les doigts d'Aaron trop habitués aux touches du pianos n'étaient pas aptes à jouer autre chose que des instruments, encore moins des personnes. La sociabilité était à ses yeux en art dans lequel il était le plus maladroit. Jusqu'à présent il se serait donné un prix pour le naturel qu'il laissait paraître, mais on venait de lui retirer. Pourtant il cherchait le faux pas dans la phrase qu'il venait de prononcer. Et il chercha longtemps. Pendant le long moment où la nouvelle élève et victime pâlit, trembla, agrippa la table, fuit son regard et emporta ses larmes un peu plus loin de lui. L'impression d'être un bourreau l'assaillit, il aurait voulu s'excuser, mais le chagrin de Saskia, le chagrin des gens en général, il ne pouvait pas, il ne pouvait pas... Les larmes il en était devenu allergique, la douleur encore plus vulnérable. Il détourna le visage à son tour, gêné. Il respectait la tristesse, mais il était incapable de faire avec.

C'est seulement lorsqu'il réfléchit sérieusement qu'il comprit. Caleb Ryker était passé par là, bien avant lui, dans un autre lieu, dans d'autres circonstances, mais il avait fait mal, il avait fait beaucoup de mal à Saskia comme à tant d'autres. Combien de fois il les avait vu, ces loques en décomposition qui venaient tambouriner à leur porte la nuit, éperdues d'amour et visiblement mal au courant des horaires nocturnes du vagabond. Aaron se retrouvait avec de la douleur dans les bras, de la douleur sur la peau, il avait juste envie de claquer la porte et de leur souhaiter une bonne nuit, à ces anciennes conquêtes d'un soir que Caleb ramenait à la pelle. Elle n'était ni la première ni la dernière, et pourtant, Aaron ressentait toujours cette immense gêne et ce pincement au coeur pour ces filles au coeur lourd. D'un autre côté, il y avait une part de lui plus profonde, plus mauvaise qui leur en voulait de se faire avoir. Un chat est un chat. Caleb ne changerait jamais, il n'y avait qu'à voir au premier regard pour deviner qu'il n'était pas un mec sérieux, encore moins fiable. Au fil du temps, Aaron avait fini par être autant agacé qu'ému. Il se voyait à la place de ces filles, si un jour Caleb décidait qu'il jetterait Aaron comme les autres.

- Ton... meilleur ami ...? elle parvint à articuler du fond de la salle.
- Mon frère, avoua Aaron d'un regard désolé.

Ce serait un nouveau coup de fusil pour Saskia, il en était sur, mais il ne pouvait pas nier le sentiment fraternel qui liait les deux garçons bien qu'ils n'aient pas eu le même sang. Il ne pouvait pas nier aimer Caleb, qu'il soit un monstre de cruauté dans certains cas ou non. Aaron avait lui aussi ses deamons, si Caleb acceptait les siens, il devait en faire de même.
Aaron ne posa pas de questions à Saskia, parce que l'histoire il la connaissiat déjà. C'était la même que les centaines d'autres jeunes filles, la même qu'Ambroise. Il ne posa pas de question parce qu'il respectait autant sa colère que sa tristesse.
En un seul regard Saskia et lui se disaient déjà tout.

- "Les amis de mes ennemis sont mes ennemis", c'est ça ? il souffla en un pauvre sourire.

L'impression d'être immédiatement mis sur liste noir le tenaillait.
Il passa sa main sur sa nuque comme à chaque fois qu'il est mal à l'aise.

Il est temps de partir ...

« L'homme est le plus cruel des animaux, il est le seul capable d'infliger une douleur à ses congénères sans autre motifs que le plaisir. » ► MARC TURAIN

Les enfants passent sans même la regarder, ou plutôt ils l’évitent. Elle les terrifie. Pourtant, elle n’a rien fait pour. Elle essaie de sourire, elle essaie d’être une petite fille comme les autres, mais ce n’est pas possible. Elle n’y arrive pas. Il faut qu’elle fasse bonne figure si elle veut « sortir d’ici ». Ses yeux bleus se baladent dans la grande pièce, elle ne se sent pas à l’aise, pas à l’aise du tout. Mais il faut qu’elle s’occupe pour éviter de sentir le temps passer, alors elle préfère regarder par les fenêtres. Elle se croirait en prison avec ces barreaux. C’est une horreur. Elle croyait avoir quitté l’enfer pour toujours, voilà qu’elle le retrouve sous une autre forme. Les chuchotements des enfants tentant de jouer ne laissent pas place au silence tant désiré. Parfois, elle se demande comment ils ont fait pour se retrouver ici, ce qui leur est arrivé. C’est une atmosphère lourde, pesante qui règne et qui l’empêche de respirer normalement. C’est ça qui lui manque : l’air. Elle veut de l’air. Elle veut respirer. Ca fait des jours qu’elle ne parle plus, elle ne trouve plus les mots de toute façon. Elle ne trouve plus les mots. Ca fait des jours qu’elle ne vit plus vraiment. Elle est comme un fantôme ici, une silhouette inanimée qui passe, comme tous ces enfants d’ailleurs. Des pantins désarticulés qui ne font que déambuler tristement dans les couloirs blancs de l’orphelinat. Elle croyait avoir quitter la tombe, mais voilà qu’elle plonge d’avantage dans le gouffre. Irrespirable. Elle passe la plupart du temps sur son lit « d’hôpital ». Elle attend. Il n’y a rien d’autre à faire de toute façon. Les parents qui viennent ne s’intéressent pas à la petite fille abandonnée sur son lit. Elle est invisible aux yeux de tous. Enfer. La nuit, elle revoit les flammes mangeant les murs. Elle hurle. C’est tout ce qu’elle sait faire, c’est tout ce qu’elle peut faire. Hurler. Une petite fille vient la voir de temps en temps, c’est la seule. Elle n’a pas eu un passé facile non plus. C’est quand elle plonge ses grands yeux bleus dans les siens que la petite hésite à parler. Son visage est toujours fermé, il n’exprime aucune expression, ses yeux sont vides de toutes émotions. C’est peut-être ça qui les effraie finalement ? Le fait qu’elle n’exprime rien comme une poupée. Ne lui répondant pas, la petite fille finit par partir. Elle comprend, elle inintéressante. Elle est invisible. Un jeune garçon vient s’installer en face d’elle. Elle trouve ça étrange. Ce n’est pas normal, elle n’est pas censé être vue. Une nouvelle fois, elle plonge son regard dans le sien, mais il ne part pas. Il n’hésite pas. Elle aimerait exprimer quelque chose, dire quelque chose. Mais il n’y a rien. Rien du tout. Il sourit. Il s’appel Caleb. Bonjour Caleb.

Saskia sortit de son flashback, perturbée. Il ne semblait pas surpris de sa réaction. Du moins, pas aussi surpris qu’elle ne l’aurait imaginé. Seul les larmes semblaient le gêner. Saskia n’aimait pas pleurer, elle détestait cela, elle en avait honte. Elles montraient tellement de faiblesse. Mais il faut dire que la nouvelle la bouleversait. S’il n’était pas si étonné que cela, c’est qu’ils parlaient sûrement de la même personne. Bien sûr. Elle se doutait que Caleb n’ai fait de mal qu’à une seule jeune fille, elle se doutait qu’il ne s’était pas arrêté à elle, qu’il n’avait pas commencé à elle. La jeune femme resta appuyé contre la table espérant ainsi ne pas tomber. Elle s’était calmée, elle faisait en sorte de se calmer. Elle détestait pleurer, mais elle ne pouvait empêcher ses yeux de briller par les larmes retenues. La seule idée qu’il pouvait être ici, tout près, l’anéantissait. Oui, Caleb était passé part là et oui, il avait fait mal. Trop mal. Mais ce n’était pas une éperdue d’amour qui avait cherché à retrouver le jeune homme à tout prix après qu’il l’ait abandonné. Non. Elle n’avait été qu’une ombre abandonnée à nouveau et qui avait tenté tant bien que mal d’oublier celui qu’elle avait considéré comme son ami. Condamnée à retourner au fond du gouffre. Seule. Victime d’une manipulation ridicule par un homme jaloux. Elle n’avait rien compris. Rien. Et elle avait tout simplement accepté ce nouvel abandon, cette nouvelle solitude, ce nouveau déchirement. Elle avait fini par passer au-dessus, et voilà qu’il revenait. Ironie du sort. C’était désolant d’être à ce point rattraper par le passé. Désolant.
La seule idée qu’elle puisse le revoir la détruisait. Les images du passé ne faisaient que défiler sur ses paupières fermées, un film dramatique. Elle le revoyait venir vers lui, lui sourire, rire, la tirer vers un bonheur qu’elle n’avait fait qu’espérer, vers un bonheur qu’elle n’avait qu’imaginé. Il l’avait poussé à aimer à nouveau la vie, à croire à nouveau à un avenir heureux, il l’avait poussé à sortir du gouffre et il l’avait abandonné. Il l’avait laissé au milieu des cadavres de ses souvenirs, au milieu des fantômes de son passé, au milieu du brouillard. Il l’avait laissé. Alors elle ne put s’empêcher de lâcher un faible rire triste en entend qu’il le considérait comme son frère. Un frère :

« Ton frère … »

Elle acquiesça en se mordant la lèvre inférieure. Comment avait-il fait pour qu’ils soient aussi proches ? Comment avaient-ils fait ? Comment cela se pouvait-il ? Aaron était-il un autre jouet de Caleb ? Elle en doutait. S’ils se considéraient comme « frères », cela devait faire longtemps qu’ils se connaissaient. Saskia avait tout de même beaucoup de mal à imaginé Caleb proche de quelqu’un, elle avait du mal à l’imaginé complice avec une autre personne, elle refusait.

Il ne posait pas de questions. Tant mieux dans un sens. Se doutait-il de l’histoire ? Caleb avait-il fait tant de victimes que cela ? « Victimes », voilà un mot déroutant. Saskia a toujours été une victime. Victime de sa vie, victime de son destin, victime de son passé. Quelle existence navrante. Elle resta à observer le meilleur ami de Caleb, son frère. Elle resta à l’observer tout en essayant d’assimiler l’idée que Caleb n’était pas seul, alors qu’elle, si. Elle était seule. Bien sûr qu’elle lui en voulait, il lui avait menti, du début jusqu’à la fin, il lui avait menti. Il savait pourtant qu’elle était dans une très mauvaise passe, il savait pourtant qu’elle n’allait pas bien du tout, et il en a profité. Sans scrupules. Bien sûr qu’elle lui en veut. Terriblement. Mais elle s’en veut surtout à elle-même. Elle s’en veut d’avoir été aussi naïve, aussi ridicule. Ridicule. Voilà ce qu’elle était. Ridicule.

Aaron le voyait. Il voyait sa colère, sa tristesse. Il le voyait. Et il en déduisait qu’ils étaient alors « ennemis ». Il se passait une main dans la nuque, un tic qui signifiait qu’il n’était pas à l’aise. La jeune blonde s’en voulait de l’avoir mit dans cette situation. Elle secoua la tête lentement en regardant au loin et passa sa langue sur sa langue inférieure avant de la mordre une nouvelle fois :

« Non … »

Elle fixa à nouveau le jeune brun. Ce n’était pas comme ça que ça se passerait. Elle ne marchait pas comme ça. Hors de question. De plus, pouvait-elle vraiment considérer Caleb comme son « ennemi » ? Elle n’aimait pas ce terme. Elle le haïssait, il n’y avait aucun doute là-dessus, mais … Elle était passée au-dessus de tout. Tout ce qu’elle pouvait ressentir autre que la colère envers Caleb, c’était l’incompréhension :

« Non, ce n’est pas … Je … Je ne peux pas t’en vouloir pour les erreurs d’un autre »

Finit-elle par dire. Mais y croyait-elle vraiment ? Pouvaient-ils vraiment continuer à se parler comme si de rien n’était ? Pouvait-elle se permettre de rire, de pleurer, de parler avec celui qui était considéré comme le frère de Caleb ? Bizarrement elle en doutait. Ce n’était pas si facile. Mais elle refusait plus que tout, qu’il se mette en travers d’une amitié possible. Ce qu’elle ne pouvait surtout pas se permettre, c’était de le laisser s’immiscer un peu plus dans son malheur, dans son chagrin. Elle refusait de le laisser une nouvelle fois, s’emparer de la seule chose qui lui restait : l’espoir d’une nouvelle vie.

Aaron Keenan & Saskia Adeïev

CODE BY ANARCHY