BROUILLOOOON

Le 08/12/2280.

Article censuré d’un ancien journaliste condamné à mort.

« Savez-vous ce qu’est la liberté ? Ce sentiment de bonheur qui coule dans vos veines comme un élixir, qui fait voler vos tourments pour les remplacer par ce silence si bénéfique à votre âme. Vous vous enfoncez dans vos rêves, vous les entrevoyez et même avec ces désirs devenus réalisables, vous ne souhaitez plus rien. Votre corps semble alors s’être détaché de tous les fils qui vous retiennent dans votre vie et doucement votre âme s’envole. Vous n’êtes plus qu’une conscience, qu’une idée comme d’autres. Vous sentez revivre en vous cette vie qui parfois vous parait si dur et alors, tout vous semble possible. Vous savez que vous avez le droit à tout, et même si on vous fait des reproches, ce n'est presque rien face à ce que la vie vous a offert. Votre vie a alors encore son premier éclat, de celui que vous pourriez apercevoir sur un diamant. Vos doigts l’effleurent avec lenteur, vous observez ses contours, ses traits et vous apercevez des traits de luminosité, des notes cristallines de beauté, une fragilité inconnue, quelques poussières d’étoiles déposés par un baiser. Avant, nous l’avions ce sentiment, nous pouvions le côtoyer pour en faire devenir de la joie. Ce monde était loin d’être parfait mais il n’avait pas besoin de l’être pour qu’on trouve une raison à son existence. Si nous sommes toujours avec des défauts, comment une société pourrait faire sans ? N’a-t-on pas besoin d’un lot de malheurs pour en avoir un autre de bonheur ? Regardez autour de vous ; rêvez d’un monde où on ne choisit pas à votre place votre métier, votre futur mari ou femme, la vie de vos enfants et votre mort. Songez à une existence sans caméras de surveillance à chaque rue, sans puce électronique dans votre bras pour vous contrôler. Vous pensez peut-être que ce n’est qu’un objet magnétique ? Détrompez-vous, il fait de vous un simple robot. Le Dogme peut ainsi voir votre position, ce que vous faites ainsi qu’analyser vos émotions. On vous a enlevé votre première liberté : celle d’être humain. Songez-vous seulement que l’on vous isole dès que votre cœur ose battre de colère ? Osez-vous croire au fait que si vous persistez à connaitre ne serais-ce que quelques soupçons de haine, nous serons confiné dans des prisons secrètes placés sur des iles ? Ne vous indignez-vous pas que l’on vous prive de tout ce que vous devez avoir droit ? Nous sommes au XXIIème siècle pourtant nous nous rapprochons plus de l’époque des dictatures. Est-ce le fait d’être gouverné par des personnes qui vous répètent sans cesse le bien de ce monde qui vous fige ainsi ? Certains me diraient que l’on ne peut rien y faire, que ce n’est pas eux qui décident. Décider ? Vous le pouvez ! Les rebelles se battent chaque jour et ils meurent pour vous. Songez qu’à cette minute peut-être où vous lisez mon article, un homme hurle qu’on lui arrachait sa vie et que les Spires du Dogme vont l’assassiner froidement d’une balle d’un revolver. Croyez-vous donc réellement à ce que vos écrans vous disent chaque jour ? Que le Dogme a réussi à supprimer à jamais les pédophiles, les assassins, les voleurs, les terroristes et tous ceux qui agissaient au nom de ce soi-disant fléau du mal ? Ont-ils réussi ? En couverture seulement mais combien d’innocents sont envoyés dans ces iles par le simple fait qu’ils ont éprouvés une seule fois un sentiment différent de la domination que vous faites preuves ? Pour enlever le mal, ils ont aussi supprimé l’humanité en les rendant tels de vulgaires corps qui obéissent à des ordres. Est-ce cela que vous avez promis l’homme que vous avez choisi d’élire ? A-t-il déjà dits vous ne serez plus rien et que la toute puissance de le terre serait dans cet unique mot qui peut devenir une terreur : Le Dogme.

Je vous repose donc ma question : Savez-vous ce qu’est la liberté ?

Les 10 milliards d’individus que nous sommes ne connaissent même pas ce mot. »

Extrait du journal de la surveillante Brooke Patterson.

« Cela fait maintenant deux jours que je suis sur l’île avec l’ensemble des scientifiques du projet. L’endroit où elle se trouve est inconnu de toute l’équipe et je ne pourrais même pas en donner une localisation approximative. Dans quels océans, dans quelles mers, près de quels continents ? Personne n’a un seul indice. Je suis arrivé les yeux bandés et je repartirai dans les mêmes conditions. Il me semble que seuls le Dogme et le Docteur-Chef de l’îlot connaissent sa position. Le matin, lorsque je fixe l’horizon, je ne vois qu’une brume blanche et ces eaux noires mouvantes qui tels des corps se déchainent sur les roches des falaises. Celles-ci sont si escarpées que l’on mourrait sur le coup si quiconque en tenterait la descente. L’ile en elle-même est assez grande et s’étend en trois grandes parties : l’internat, les parties scientifiques-administratives et l’extérieur. C’est un endroit de terreur, je ne peux que te l’avouer cher journal et même les lieux semblent être habités par la nervosité. Les bâtiments sont gris, délavés sans aucune couleur ou gaieté, toujours entourés de surveillants. La sécurité de chaque partie de cette terre est absolument effrayante. Des filets barbelés aux caméras de surveillance, on trouve à peu près tout. Tout est dans fait pour impressionner les malades X. Les laboratoires me sont interdis mais je sais qu’on n’y passe que par empreintes digitales et que les pièces ressemblent à un labyrinthe gris. Le seul endroit où on pourrait peut-être respirer est la forêt à l’ouest de l’archipel. Avec ces pins touffus, ces mauvaises herbes qui rongent le sol, on a l’impression d’avoir une minute cette liberté tant aimée. Les sorties sont pourtant tout aussi surveillés et il me semble que les cas ne doivent être dehors que lors de certaines heures, dans un délai limité. Quelques échos m’ont été dit qu’avant, il avait été possible de s’échapper mais que maintenant, les aides apportés de l’extérieur empêchaient tout espoir de sortie. Je ne saurais expliquer pourquoi ce lieu a un air de telle désolation même lorsque le soleil est au zénith. Rien n’est fait pour que le bonheur vienne en ces lieux et les rares rires que j’ai entendus étaient ceux de certains condamnés qui pourtant se sont cachés aussitôt. Puisque je « vis » avec eux, j’ai pu observer combien la violence fait partie de ces lieux. A chaque fois que je traverse les couloirs des dortoirs et cellules, j’entends cris, lamentations, plaintes, hurlements et toutes sortes d’autres gémissements. Après tout, que puis-je leur reprocher ? Ils n’ont plus de vie. Ils ne sont plus rien. »