Partie 1 :
Sous ses pieds le bateau tangue. Elle entend le sifflement du vent violent qui fait chavirer le navire le bousculant un coup à gauche, un coup à droite. Les lumières clignotent rendant l’atmosphère plus sombre. Plus lugubre. Et ses pieds nus sont dans l’eau glacée qui ronge déjà les beaux meubles qui devait coûter une fortune. Elle frisonne. De peur. De froid. Elle entend des cries infernaux. Celui de femmes paniquées ainsi que celui des hommes. Et les pleurs des petits enfants qui ont peur. Comme elle. Dans les couloirs de ce bateau qui coule où les lumières clignotent, elle navigue comme elle peut espérant tomber sur l’un de ses parents. Espérant retrouver du réconfort. Silencieusement elle couine. Elle essaye de prendre sur elle mais brusquement le bateau penche sur le côté provoquant simultanément des cris provenant des passagers. Quant à elle, elle perd l’équilibre et se retrouve par terre, dans l’eau. Instinctivement ses mains la rattrapent l’empêchant de se faire mal. Elle est trempée. Ses longs cheveux blonds sont mouillés et boucle légèrement au bout. Elle frisonne. Difficilement mais sûrement elle se mit debout et commença à reprendre sa marche. Les bras tendu sur les côtés pour avoir de l’équilibre. Elle n’avait jamais était soul mais à ce qu’on lui avait vaguement décrit, elle avait l’impression de retrouver les mêmes « symptômes. » Soudainement, une voix lui souffla de courir. De foncer tout droit et de ne pas s’attarder. Il fallait qu’elle rejoigne le pont. Sans aucune hésitation elle fonça, n’écoutant que son instinct. L’eau giclait à chacun de ses pas et on entendait ce plaf-plaf répétitif qui nous indiquait qu’elle courrait. Oh oui elle courrait. Et elle vit la foule.
Elle voyait la foule avant de rencontrer la mer glacée. Ce splach désagréable, ce contact froid et dur. Ses oreilles sifflaient et l’eau salée rentrait déjà dans ses narines lui faisant boire la tasse. Ses pieds, ses jambes, ses bras battirent l’eau pour remonter à la surface et ne pas se laisser couler vers le fond mais en même temps l’eau rentrait par tout son corps. Elle s’infiltrait par ses orifices la rendant plus lourde, lui faisant perdre l’oxygène, la faisant tousser. Ses yeux la piquaient. Sa peau la démangeait. Elle détestait ce contact trop salée avec sa peau fragile. Et elle battait. Frappait l’eau. Mais chaque geste ne semblait servir à rien. La surface semblait loin et le fond proche. Trop proche.
Peu à peu sa vue s’obscurcissait et des points noirs dansaient autour d’elle dans l’eau. Ses poumons se vidait de l’air et se remplissait de l’eau salée de la mer. Ses muscles se fatiguent de battre sans cesse la mer et elle sent la fatigue venir l’assommée. Elle ne résiste plus. La pression est trop forte alors ses paupières tombent et elle se laisse partir. Elle cligne par moment parce que son instinct lui dicte de le faire alors elle obéit. Et au loin elle voit cette lumière blanche irréelle. Celle que beaucoup décrivent. Jusqu’à ici jamais Ivy avait cru à cette lumière pourtant elle était là. Douce, attirante, jolie, chaleureuse, agréable. Elle entendait des rires joyeux en provenir. Elle entendait son nom qu’on murmurait doucement. Et alors qu’elle pensait voir sa vie défilait devant elle, sa courte vie, elle ne voyait rien. Juste cette lumière. Alors était-ce ça la mort ? Cette sensation agréable qui vous envahit doucement ? Cette lumière chaleureuse ? Ces rires cristallins qui vous attirent ? Cette passibilité ? Son corps se fait secouer par des spasmes plutôt violent qui l’inquiète jusqu’à qu’elle comprenne, qu’elle rigole. Elle se sent plus légère. Moins lourde. Elle sent son âme, son esprit partir vers la lumière. Elle se sent bien. Tellement bien. Et la lumière est plus forte. Se rapproche-t-elle d’elle ? La lumière devient éblouissante. Presque soudainement désagréable.
La lumière est éblouissante. Désagréable. Elle est trop forte pour ses yeux et elle doit cligner plusieurs fois pour s’adapter à sa force. Elle distingue vaguement des murs qui se dressent tout autour d’elle et puis les meubles qui meublent la pièce. Elle se sent vaseuse. Elle se sent vivante. Elle tourne la tête d’un côté puis de l’autre. Elle perçoit les murs blancs qui reflètent la lumière trop vive. Elle comprend. Elle n’est pas morte. Elle est vivante. Vivante.
« Par… Pardon… Où sont mes parents ? Demanda-t-elle à l’infirmière qui s’occupait d’elle encore légèrement shooté par les doses de morphine qu’on lui injec-tait. »
« Oh. On ne vous a pas prévenu ? »
« Prévenu de quoi ?... »
« Hé bien… Comment dire…. Vos parents… sont morts… »
Partie 2 :
« Ô mon petit oiseau des bois ! »
« Mamie ! Murmura telle entre deux sanglots.
Je… je…
Chut ma puce… je suis là maintenant, tout ira bien. On va rentrer à la maison, chez moi, chez nous désormais. Tout ira bien. Chut. »
Partie 3 :
C’était un jeudi soir. Un jeudi soir habituel. Commun. Basique. Normal. Un jeudi soir d’octobre. L’automne venait se mettre en place tout doucement et le feuillage des arbres avait jaunis. Ivy revenait de l’école après une demi-heure de marche. Elle se souvient encore d’avoir entendu les oiseaux chantaient. Un chant mélodieux, gaie qui l’avait mise de bonne humeur. Son cartable sur son do elle marchait tout en sifflotant une chanson que sa grand-mère lui avait apprise. Elle était calme mais à la fois inquiète. Chaque fois en revenant de l’école c’était le même rituel : dire bonjour à sa grand-mère, lui raconter sa journée pour lui tenir un peu compagnie, puis l’obliger à prendre ses médicaments, elle l’aidait à se laver puis enfin préparer à manger avant de l’aider à se nourrir. Enfin elle bordait sa grand-mère et elle attendait qu’elle s’endorme avant d’allée dans le salon et de faire ses devoirs. Elle entendrait alors sa grand-mère lui souffler doucement avant de s’endormir de la pardonner. C’était comme ça tout les jours. Et même si parfois c’était énervant, Ivy le faisait. Parce que sa grand-mère était la dernière personne de sa famille qu’elle connaissait.
Ce soir là en rentrant elle ne se doutait de rien. Vraiment. Elle souriait. Joyeuse. Elle avait eu une bonne à son dernier contrôle et était presser de le dire à sa mémé. Elle ouvrit alors la porte d’entrée et entra dans le salon joyeusement. Elle jeta son sac sur un des fauteuils avant de se servir un grand verre d’eau. Tout lui semblait normal sur le moment. Pourtant en y réfléchissant, rien n’était normal. La maison était trop silencieuse. Elle poussa un soupire qui résonna dans la grande maison silencieuse puis se dirigea vers la chambre de sa grand-mère, poussa la porte entrebâillé qui grinça et pénétra dans la pièce plongé dans le noir. Elle s’approcha du lit et murmura doucement pour réveiller sa grand-mère :
« Mamie, c’est moi. Je suis rentrée. »
Mais aucune réponse, aucun mot ne sortit de ses lèvres gercées. Elle secoua le vieux corps de sa mamie persuadée qu’elle dormait encore lorsqu’elle sentit sa froideur et sa raideur. Son corps était trop froid. Bien trop froid. La panique la gagna et elle fit les gestes qu’on lui avait apprit. Elle plaça d’abord sa main tremblante vers la gorge de sa grand-mère pour sentir son pouls mais il était inexistant. Elle commença alors à masser comme elle put le corps de sa mamie essayant de la faire revivre mais en vain. Le combat était perdu d’avance. Elle se laissa glisser contre le lit et resta dans cette position pendant une heure abasourdie… Perdue. Avant d’appeler la morgue… A nouveau elle était seule.
Partie 4 :
« Je te quitte.
Arrête de déconner, Ivy.
Je rigole pas… Je te quitte. Je pars.
Comment ça tu pars ?
Oui je pars. Je ne t’aime plus.
Tu n’as pas le droit de me dire ça Ivy. Tu n’as pas le droit de me dire ça alors que tu portes notre enfant. Tu n’as pas le droit de me dire ça alors que j’ai lâché mes études pour trouver un travail et subvenir à nos besoin. Tu n’as pas le droit de me dire ça alors que je me suis mit à dos toute ma famille et mes amis pour toi ! Tu n’as pas le droit Ivy.
Je ne porte plus ton enfant… J’ai avorté.
Quoi ?! Quand ?!
Avant-hier.
Mais pourquoi ?... Tu me disais encore samedi que tu voulais de ce gosse. Que tu voulais qu’on l’élève ensemble. Que tu voulais de moi…
Je ne veux plus. Je suis trop jeune, je crois…. Laisse-moi partir… »
Son regard croisa le sien et elle sut qu’il était déboussolé, perdu mais qu’il la laissait partir par amour. Elle dépose un rapide baisé sur sa joue avant de se sauver comme une voleuse. Le laissant. L’abandonnant.
Partie 5 :
« Ah mon dieu ! Qu’est-ce que tu as fais à tes cheveux ?...
J’ai fais une couleur ! C’est chouette hein ?!
Euh… Pourquoi rose ?...
Bah pour la vie ! Faut de la couleur !
Tu es folle ma parole… »
Partie 6 :
1 mois plus tard… « Pourquoi j’ai fais ça… Pourquoi je l’ai quitté ?... Assise, les jambes contre sa poitrine elle se balance doucement. Les larmes ruisselantes sur son visage. Pourquoi j’ai fais ça… Pourquoi j’ai avorté ?... Je l’aimais… tu sais… Oh je m’en veux tellement… Je suis bonne à rien, je crois… J’ai raté mon examen d’entrée tu sais… Je dois retenter ma chance l’année prochaine qu’ils ont dit… Je crois que je n’ai pas la force… Mes parents sont morts… Ma grand-mère est morte… J’ai tué mon enfant… Personne ne m’aime… Je crois… Je crois que je devrais en finir… » elle empêche un sanglot monter puis elle raccroche le téléphone. Elle se lève, perdue, attrapa un couteau et lentement approcha le couteau de ses veines. La pointe contre sa peau, elle appuie. Aura-t-elle le courage ?...
Partie 7 :
« Vous savez, Ivy… Je crois que j’ai trouvé ce que vous avez…
Ah ?
Oui.
Hé bien dites le moi, docteur.
Vous êtes bipolaire.
… Je suis folle ?
Hé bien pas entièrement mais…
Mais avez disjoncté ! Je ne suis pas folle ! C’est vous le fou, oui ! Elle se lève prête à partir mais il la retient par le bras.
Attendez ! Avant de partir prenez ces médicaments, s’il vous plait. Il la lâche, écrit quelques choses sur un papier, l’arrache de son cahier et le tend à Ivy qui le saisit violement avant de partir et de claquer la porte.
Partie 8 :
« Je m’en vais ! Je pars au Canada ! J’en ai marre de vous.
Ivy ! Arrête de délirer !
Mais je ne délire pas, je suis sérieuse !
Ma chérie… Tu as pris tes médicaments, ces temps-ci ?
Quoi ?! Comment oses-tu me poser cette question ? Tu vois c’est pour ça que je pars aussi ! Dans cette famille, personne ne vous fait confiance et on ne peut d’ailleurs faire confiance à personne. Au revoir. » Elle saisit sa valise, sort dehors en claquant la porte et monte dans le taxi qu’elle avait appelé plus tôt. La voilà partit pour le Canada.